Mercredi 1er mai 2013 à Bobo-Dioulasso, un millier de personnes célèbrent la Journée internationale du Travail. Sur le fronton de la Bourse du Travail, une banderole dénonce l'intervention étrangère au Mali, intervention considérée comme l'instrument d'une « reconquête coloniale ».
Partout dans le monde, la Journée Internationale du Travail permet aux mouvements syndicaux de faire entendre la voix des travailleurs et d'exiger des progrès sociaux tangibles pour tous les secteurs de la société. Cette année, le 1er mai aura été l'occasion pour les organisations syndicales des Hauts-Bassins de désavouer sévèrement « l'occupation du Mali ».
Dans un communiqué rendu public, les centrales syndicales CGT-B, CNT-B, CSB, FO/UNSL, ONSL et USTB et la plupart des syndicats autonomes des Hauts-Bassins ont dressé un bilan très critique de la situation internationale et régionale. « L'on assiste à une véritable reconquête coloniale du continent sous couvert de principes dits « humanitaires ». L'impérialiste français […] s'est transformé en « sauveur » de démocraties, fomentant une guerre d'agression en Libye, intervenant militairement en Côte d'Ivoire, et au Mali, en instrumentalisant l'Union africaine, la CEDEAO et autres prétendus médiateurs de la crise malienne. »
Selon les syndicats signataires, la France compte en réalité assurer ses intérêts, en particulier le contrôle des sous-sols sahéliens, riches en ressources pétrolières et minières, et continuer à gérer ses zones d'influences, son « pré-carré» africain. Soulignant « l'absence de souveraineté et de démocratie véritable en Afrique en général et dans les pays de la sous-région », les syndicats des Hauts-Bassins exigent « le retrait des forces d'occupation françaises de la sous-région et du Burkina ».
Un autre « son de cloche »
Voilà bientôt 4 mois que le président français a déclenché« l'opération Serval ». Officiellement, pour débarrasser le Nord-Mali de groupes armés hostiles à la liberté et à la démocratie et pour mettre un terme à leur progression en Afrique de l'Ouest. Malgré la surprise et le consentement généralisé par les principaux média, certains observateurs n'ont pas tardéà remettre en cause les agissements de l'ancienne puissance coloniale. La présence permanente de troupes françaises dans de très nombreux pays africains ; les accords passés par les services secrets avec le MNLA ; ou encore le degré de préparation de l'intervention, qui en dit long sur le temps dont a disposé la France pour proposer et appuyer des alternatives à la guerre, plus « locales », durables.
Serge Halimi, rédacteur en chef du mensuel Le Monde diplomatique écrivait en février dernier à propos de l'opération Serval : « Comment se résigner à ce que des bandes armées porteuses d'une idéologie et de pratiques obscurantistes puissent menacer les populations du Sud après avoir terrorisé celles du Nord ? Mais comment ignorer que l'invocation de mobiles humanitaires, la propension à criminaliser les ennemis politiques […] servent presque toujours de prétextes à des opérations militaires qui réactivent les soupçons de néocolonialisme – et qui se terminent mal ? »
Lundi 22 avril 2013, alors que la France avait déjà entamé officiellement le retrait de ses troupes, l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté la prolongation de l'opération Serval au Mali. Le « pays des droits de l'homme » prendra part au commandement de la Mission internationale des Nations unies pour le soutien au Mali (MINUSMA), créée le 25 avril par l'ONU, et disposera d'une force militaire « parallèle »à la mission onusienne. Selon un article de l'association « Survie », qui lutte pour la transparence de la politique française en Afrique, « la France continuera de peser lourdement sur les choix politiques maliens, comme elle le fait actuellement, en poussant à l'organisation d'élections suivant un calendrier irréaliste et en incitant les autorités maliennes à négocier avec le MNLA. »
Invitée du Forum social mondial à Tunis en mars 2013, l'ex-ministre malienne de la Culture, Aminata Traoré déclarait : « la guerre qui a été imposée aujourd'hui au Mali n'est pas une guerre de libération du peuple malien, mais une guerre de pillage des ressources [...] une guerre de positionnement pour une ancienne puissance coloniale ».
Mme Traoré s'était vue accordée un « visa » pour se rendre à Berlin du 17 au 19 avril. Fait pour le moins surprenant, l'ambassade d'Allemagne l'a informée que la France a empêché l'obtention de son visa pour tous les pays européens. Initiatrice de l'appel des femmes du Mali contre la guerre, elle était invitée à Paris pour exposer ses prises de position contre l'intervention française, lors d'une réunion publique intitulée « Non à la guerre au Mali ! Retrait des troupes ! », prévue... le 22 avril 2013.
Henri Le Roux/Stagiaire
L'Express du Faso