Le Senat divise encore les politiciens. C'est le moins que l'on puisse dire, au regard des derniers développements sur la nécessité ou non de créer une telle institution dans le paysage démocratique burkinabè.
D'entrée de jeu, on peut déjà faire remarquer que la création du Senat fait partie des réformes politiques et institutionnelles consensuelles. En clair, il ne devrait plus être question de remettre en cause sa création, mais il s'agit de voir s'il est encore possible de discuter de son contenu pour qu'il soit effectivement ce qu'on attend de lui : à savoir, représenter les aspirations des Burkinabè. Apparemment, cette question est prise en compte depuis le Conseil consultatif sur les réformes. Dont les participants, sur la création d'un Sénat, partisans et non-partisans sont tombés d'accord à condition que « le Sénat soit doté d'un pouvoir législatif et d'un pouvoir d'interpellation du gouvernement ». Ils sont aussi tombés d'accord sur le fait que « ce Sénat pourrait être à composition réduite et comprendre entre autres, les représentants des collectivités territoriales, des autorités coutumières et religieuses, du patronat, des travailleurs et de la diaspora. Les anciens chefs d'Etat pourraient en être membres de droit, à condition qu'ils renoncent à la politique active ». « Toutefois, compte tenu des spécificités de notre pays, en créant le Sénat, l'on devrait éviter de lui donner un effectif pléthorique et s'il en était besoin, l'on pourrait supprimer le Conseil économique et social (CES) afin d'éviter d'avoir plusieurs institutions qui seront supposées budgétivores », lit-on dans le rapport général sur les réformes politiques. Ceci pour dire, qu'en adoptant le consensus autour de la création du Sénat, les partisans et les non-partisans ont bien pris soin de penser à cet aspect « multiplicité des institutions, pléthore des membres et incidence budgétivore ».
Naturellement, c'est sans aucun doute sur cette base que l'Assemblée nationale travaille en ce moment à la création du Sénat constitutionnalisé. « Le Parlement comprend deux chambres : l'Assemblée nationale et le Sénat », article 78, alinéa 1 de la Constitution révisée de juin 2012. Il est donc difficilement compréhensible les agitations de tous ceux qui, tapis dans l'ombre ou ouvertement, remettent en cause la création du Sénat. On pourrait croire que les raisons de ces agitations se trouvent ailleurs. Il est tout à fait logique que dans sa « mission » de s'opposer, l'opposition politique ait des points de vue divergents de ceux de la majorité. C'est son rôle entre autres. Mais, tout compte fait, n'a-t-elle pas aussi un devoir de vérité envers le peuple ? Bref, si l'opposition veut bien être crédible, qu'elle pose bien les débats dans son contexte démocratique.
Dans tous les cas, si le Sénat est une institution de plus ou de trop, et qu'il faille le remettre en cause, cela reviendrait à réviser la Constitution actuelle. A travers un référendum ou à l'Assemblée nationale ? Que dira alors l'opposition dans un tel cas de figure ? Que ce soit l'une ou l'autre des procédures, cela va apporter de l'eau au moulin de tous ceux qui pensent qu'on pourra agir de la même manière pour ce qui concerne l'article 37. Puisque, finalement, il sera question de demander au peuple de trancher en faveur ou en défaveur, aussi bien pour la création ou non du Sénat et pour la révision ou non de l'article 37. Il serait donc beaucoup plus indiqué et mieux approprié de discuter du mode de désignation des sénateurs, de leur rôle et missions, que d'épiloguer sur la création de l'institution qui est un fait acquis et contenu dans la Constitution.
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso