
Le diable de Salif (aucune référence à leur dîner) l'avait prédit, Roch a remporté l'élection présidentielle au « quart de tour ». Alors que bon nombre d'observateurs s'attendaient à un duel Zeph vs Roch au second tour, la machine MPP a broyé tous les autres candidats pour finalement s'imposer dès le premier tour. De nombreuses explications peuvent être données à la défaite par coup KO du candidat Zéphirin Diabré.
- L'arrêt de son entreprise d'implantation du parti : auto-satisfecit ou absorption du travail du CFOP ?
A peine deux ans après sa création, l'UPC avait réussi la prouesse de devenir la deuxième force politique du Burkina Faso, suite aux élections législatives de 2012. L'ensemble des observateurs avait alors salué en Zéphirin Diabré, l'entreprise « scientifique » d'implantation de son parti à travers le pays. Malheureusement ce travail semble ne pas avoir été poursuivi. Deux explications peuvent y être données : soit le parti est tombé dans le piège de l'autosatisfaction, soit, explication plus probable, les responsabilités en tant que Chef de file de l'opposition ont absorbé Diabré, à tel point qu'il n'a plus eu le temps de se consacrer à son parti. En effet, il semble que toute son attention ait été cristallisée par l'opposition à la mise en place d'un Sénat et à la révision de l'article 37, au sein d'une coalition politique et populaire qu'il a tout de même dirigée avec maestria. Cependant, d'autres lieutenants du parti, auraient pu poursuivre l'œuvre du développement du parti. Mais en existe-t-il ?
- L'absence de véritables alternatives au sein de l'UPC
Alors que le MPP a les RSS, et d'autres poids lourds issus du CDP, l'UPC n'a que le seul Diabré. Il était donc raisonnablement difficile pour lui de rivaliser contre Roch Kaboré. Il ne pouvait être à la fois au four (CFOP) et au moulin (provinces), alors que lui, est le seul MVP de son parti. Louis Armand Ouali, son stratège est en rupture de banc depuis un certain temps, ce qui n'était pas pour lui faciliter la tâcher face au candidat du MPP.
En plus de ces raisons, la communication de Zéphirin Diabré lui-même lui a porté préjudice.
- Le discours du 30 octobre et son déphasage vis-à-vis de la volonté des insurgés
Le 30 octobre, alors que les burkinabè insurgés, réclamaient le départ pur et simple de Compaoré, Zéphirin Diabréétait toujours dans la posture anachronique du retrait du projet de loi portant modification de l'article 37. Une telle sortie lui vaudra de nombreuses critiques dont il aura du mal à se défaire. La justification selon laquelle il s'agissait d'une décision collective n'a pas suffit à le décharger de la responsabilité d'une telle posture, qui était un cadeau à Compaoré. Le coup d'Etat de Diendéré, a renforcé le scepticisme de nombreuses personnes sur sa volonté et sa capacitéà lutter contre le désormais « pestiféré» CDP.
- Le putsch mort-né de Diendéré et ses conséquences sur la scène politique
L'entreprise hasardeuse de Diendéré, dont l'une des cibles a été le MPP, à travers notamment son maître à penser, Salif Diallo, à définitivement contribuer à faire passer ce parti comme le meilleur rempart contre un éventuel retour du CDP aux affaires. Le parti de Compaoré, en est sorti complètement en lambeaux, et surtout honni et haï de bon nombre de burkinabè. Dès lors, il devenait très risqué de chercher à s'y appuyer, notamment dans la perspective des présidentielles, pour lesquelles il n'avait pas de candidat. Pourtant, dans le même temps, Diabré a été accusé de collusion, non seulement avec les putschistes dans son aile militaire, mais aussi, avec le CDP. Si aucune preuve n'a été apportée sur sa complicité avec Diendéré, il faut tout de même noter que Diabré a eu une communication très approximative sur la question, notamment sur son alliance avec le CDP. Il aurait dûêtre aussi catégorique que le MPP sur la relation avec l'ancien parti au pouvoir, parce que dans tous les cas, il était évident que celui-ci avait plus de sympathie pour l'UPC que pour son frère siamois, le MPP, dont la victoire finale peut se résumer à deux raisons.
- La campagne de fond et de fonds du MPP
Il faut le reconnaître, le MPP a mené une campagne de fourmi, qui ne s'est pas résumée à la période « légale » qui y est destinée, mais qui a commencé depuis la création du parti. Le président élu a affirmé avoir été dans toutes les communes du Burkina Faso, afin de porter de semer la graine du parti, qui a fortement germé et porté ses fruits. Alors que la lutte se menait en ville contre Compaoré, le MPP arpentait les campagnes pour s'implanter, et pénétrait toutes les couches socio-professionnelles en milieu urbain comme rural. L'argent a fait le reste comme cela a pu se constater à travers leurs meetings.
- L'absence d'un fort troisième et de fief électoral de la part des autres candidats
La présidentielle s'est résumée à un duel entre Zéphirin Diabré et Roch Kaboré. Les autres candidats ont été inexistants, ne totalisant même pas à eux tous, 20% des suffrages. Avec de tels scores, il était pratiquement impossible pour l'élection de se jouer sur deux tours. La réalité aurait pu être tout autre, si les autres candidats possédaient un véritable fief électoral. Même Me Sankara, n'a pu obtenir la majorité relative dans son Passoré. Que dire de Salvador Yamégo dans le Boulkiemdé, de Saran Sérémé en pays San, ou des autres candidats dont les fiefs sont inconnus parce qu'inexistants ?
Ceci conduit à tirer quelques conclusions de la présidentielle sur les autres postulants.
- Tahirou Barry la révélation, et Sankara le déclin
Malgré son score très peu flatteur, Tahirou Barry peut être fier de ses résultats. Pouvait-il en être autrement, pour ce poids plume face aux deux autres mastodontes ? Laurent Bado mérite également tous les honneurs pour avoir réussi à préparer la relève dans son parti. C'est peut-être la plus grande réussite de son engagement politique. Me Sankara devrait s'en inspirer et songer à mettre le pied à l'étrier à des jeunes comme Alexandre Sankara, car il est sur une pente descendante depuis 2005. Quant aux candidats comme Salvador Yaméogo ou Ram Ouédraogo, ils devraient avoir le courage de quitter définitivement la scène politique.
Dans tous les cas, maintenant que le vin est tiré, l'espoir de tout un peuple est de ne pas boire le calice jusqu'à la lie.
Bienvenu Venceslas Ouédraogo
Etudiant doctorant en droit (Genève, IHEID)
wencescokiller@yahoo.fr
P.S Cet article a été inspiré d'échanges avec des aînés qui se reconnaîtront. Je les remercie.