Kaya, chef-lieu de la Région du Centre-nord, dispose d'un Tribunal de grande instance (TGI) et d'une Maison d'arrêt et de correction qui accueille aussi bien les présumés coupables dans l'attente de leur jugement, que les condamnés afin qu'ils purgent leurs peines privatives de liberté. Au-delà des insuffisances hygiéniques courantes que l'on peut constater au sein de la plupart de ces types d'établissements sous nos tropiques, la situation de la Maison d'arrêt et de correction de Kaya frappe par des eaux usées à odeur hors qualificatif et à coloration indescriptible. Autre particularité de cet établissement, il n'est pas clôturé. Drôle de prison !
Dans le cadre de sa tournée dans la Région du Centre-nord, le Premier ministre Luc Adolphe Tiao a visité le 27 janvier dernier, la Maison d'arrêt et de correction de Kaya. Cette visite a d'abord consistéà faire le tour de l'établissement pénitentiaire, ensuite l'intérieur des deux bâtiments (répartis entre hommes et femmes) dont l'ensemble n'est pas clôturé, et enfin les cellules d'internement.
A la fin de cet exercice, Luc Adolphe Tiao a confié avoir touché du doigt les réalités de l'univers carcéral de Kaya, en déplorant non seulement le fait que des détenus soient en cellule depuis sept ans sans jugement, mais aussi de très graves problèmes d'hygiène. « Si des gens sont en prison, c'est parce qu'ils ont enfreint à la loi », a laissé entendre le Premier ministre qui, toutefois, dit ne pas concevoir la garde à vue plus de sept ans durant. Les problèmes d'hygiène sont liés à l'écoulement d'eaux usées d'une odeur à couper le souffle, de l'intérieur jusque dans les concessions voisines ; la prison se trouvant sur une sorte de pente ascendante et insérée entre des concessions d'habitation. Cette situation fait pratiquement des habitants des cours voisines, eux aussi, des prisonniers.
Si à l'extérieur les odeurs que dégagent ces eaux peuvent être amoindries par le contact avec l'air ambiant, à l'intérieur de la prison, ces odeurs obstruent l'oxygène, exposant ainsi à la mort, à moins de développer une seconde nature d'être vivant résistible au seul gaz carbonique contenu dans l'air. Plus qu'un problème d'hygiène, c'est en réalité un problème de négation de la vie humaine que pose ces eaux plus qu'usées. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Maison d'arrêt et de correction de Kaya ne ressemble pas à un milieu humain. C'est sans doute au vu de cette situation que le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant la Représentation nationale le 30 janvier 2013, annonçait que « l'univers carcéral doit être humanisé et devenir un espace préparant à une future réinsertion sociale ».
Il est fort probable qu'il ne puisse y avoir une véritable réinsertion sociale pour quelqu'un qui a passé sept années de sa vie derrière les barreaux dans des conditions inhumaines et, où respirer l'air oxygéné semble relever d'un luxe, dans l'attente de son jugement. Et ce d'autant plus que si un jour il venait àêtre reçu à une audience de jugement, encore que les reports d'audiences sont fréquents, il n'aura pas àécoper d'une peine d'emprisonnement ferme de moins de sept ans. En pareil cas et dans la pratique en effet, le juge du jugement s'arrange pour prononcer une peine d'emprisonnement qui ne soit inférieure au temps passé en détention préventive. Est-on encore vraiment une personne quand on est dans l'impossibilité de se réinsérer dans sa communauté après une dégradation civique de plus de sept ans ? On peut franchement en douter. Et c'est à cette situation qu'expose la Maison d'arrêt et de correction de Kaya.
Ce qui retient aussi l'attention dans ce milieu carcéral de Kaya, c'est l'ingéniosité des détenus hors cellule. Ces derniers confectionnent, en effet, des sandales et des sacs de très bonne qualité. En tout cas les visiteurs du 27 janvier s'en sont servis, à commencer par le Premier ministre « himself » qui, en plus d'en avoir achetés, a été gratifié par ces détenus du fruit de leur savoir-faire. Parallèlement à cette activité artisanale, ils entretiennent un jardin assez fourni en légumes. Cette visite n'aura pas été bénéfique qu'aux prisonniers qui savent que leur situation va sans doute toucher des sensibilités salvatrices ; elle l'a étéégalement pour le personnel de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP).
En effet, le premier responsable de l'établissement pénitentiaire, l'inspecteur Claude Ouédraogo pour qui « il est inconcevable que dans un pays, on puisse construire une prison sans clôture », a saisi l'occasion pour relever l'absence de véhicule de service, ni pour le premier responsable, ni pour les escortes de détenus. Ainsi, « les multiples escortes de prisonniers de la Maison d'arrêt au Tribunal se font à pieds », a indiqué l'Assistant GSP Roland Douamba qui a égrené, au nom de l'ensemble du personnel de la Maison d'arrêt, un chapelet de doléances à l'endroit du Premier ministre.
Relativement à l'origine des eaux usées qui coulent de tous les côtés de la prison, l'inspecteur Claude Ouédraogo dira qu'elles proviennent des « fosses septiques qui ont cédé». Toutefois, note l'inspecteur, ce problème devra trouver solution courant 2013. Trois entrepreneurs sont déjà passés pour l'étude de faisabilité ; mieux, l'appel d'offre est lancé, à en croire l'inspecteur.
La surpopulation carcérale y est également une réalité. Avec une capacité d'accueil de 150 détenus, la Maison d'arrêt de Kaya compte aujourd'hui plus de 200 détenus, selon le responsable de l'établissement. Mais en attendant que cet établissement soit déplacé comme l'a promis le Premier ministre ou qu'une solution soit trouvée à l'écoulement de ces eaux usées, ce sont des pensionnaires meurtris et des populations riveraines empoisonnées quotidiennement qui subissent de très graves violations de droits humains jusqu'à ceux de première génération dont le droit à la vie.
Fulbert Paré (stagiaire)
Lefaso.net