7 502 foyers coraniques au Burkina, avec 139 345 élèves dont 32 052 filles et 107 293 garçons. C'est le résultat de l'étude sur le recensement général des foyers coraniques au Burkina, réalisée par le Cercle d'études, de recherches et de formation (CERFI). La restitution de l'étude, qui s'est intéressée aussi bien à des données quantitatives que qualitatives, a été faite le 21 décembre 2013 au siège de l'autorité du Liptako Gourma à Ouagadougou.
Malgré les différents efforts déployés par le gouvernement burkinabè et toutes les institutions spécialisées de même que les partenaires techniques et financiers, le taux d'alphabétisation reste faible. Le Programme national d'accélération de l'alphabétisation (PRONAA) a étéélaboré pour booster les indicateurs. Il a été lancé en décembre 2011 à Bobo-Dioulasso et a permis de mettre en lumière une des préoccupations du CERFI à savoir « comment intégrer véritablement et durablement dans le tissu du développement socio-économique la grande partie de la communauté musulmane, particulièrement la frange présente dans les foyers coraniques.
En tant qu'organisation de la société civile et structure de recherche et de formation, le CERFI a donc décidé de jouer sa partition à travers la réalisation d'une base de données sur les foyers coraniques au Burkina. En effet, les élèves des foyers coraniques sont exclus de tous les systèmes d'éducation et de formation. A travers cette étude, le CERFI veut mettre à la disposition de tous les acteurs, une base de données fonctionnelle sur les foyers coraniques.
En ce 21 décembre, il a donc partagé les résultats avec l'ensemble des partenaires intervenant dans le domaine de l'éducation et de l'alphabétisation des foyers coraniques, ainsi que les acteurs du secteur public et de la société civile.
L'étude en chiffes
Première du genre au Burkina, cette étude a couvert l'ensemble des 13 régions du pays. Les structures œuvrant dans le domaine de l'éducation religieuse musulmane dispose désormais d'une base de données fiables sur les caractéristiques des foyers coraniques existant au Burkina. De quoi permettre d'orienter toute action éventuelle en faveur desdits foyers et leurs acteurs.
En plus d'évaluer le nombre de foyers coraniques et les caractéristiques des différentes composantes (maîtres coraniques, et talibés), cette étude a permis d'apprécier les opinions des différents acteurs intervenants dans le domaine (leaders religieux, maîtres coraniques, parents d'élèves…) sur l'éventualité de l'introduction de l'alphabétisation dans les programmes de formation dans les foyers coraniques.
Sur les 7 502 foyers recensés, la région de la Boucle du Mouhoun vient en tête avec 1405 foyers (18,7%), suivie du Sahel 1238 (16,5%) ; le Sud-Ouest ferme la marche (13e) avec seulement 110 foyers coraniques. 90,7% de ces foyers fonctionnent sur fonds propre du fondateur, 15,3% grâce aux quêtes effectuées par les élèves. A noter que seulement 2% des foyers disposent d'eau courante. 54% s'approvisionnent en eau de boisson dans les pompes (forages), 24% grâce aux puits ordinaire et 10% dans des puits busé. On retiendra que 71,5% des élèves entrent dans ces écoles coraniques entre 7 et 15 ans ; 11,2% avant leur 7e année ; seulement 1,2% entre 15 et 30 ans ; et 16,1% après 30 ans. Et 88% de ces foyers recensés sont de nature sédentaire ; et plus de 80% des maîtres coraniques sont des agriculteurs, et 6% des éleveurs.
Seulement 7,4% des élèves bénéficient d'alphabétisation durant leur formation coranique et 34% des maîtres coraniques sont alphabétisés. Pourtant 89% des enquêtés estiment que l'alphabétisation dans les foyers coraniques est une bonne chose.
Une équipe pluridisciplinaire
Cette étude a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire de consultants avec l'appui des membres de l'unité de gestion du Programme national d'accélération de l'alphabétisation (PRONAA). «Le travail ne fut, certes, pas de tout repos, mais fort exaltant et surtout riche de beaucoup d'enseignements», soutient Awa Bissiri, coordonnatrice de l'étude. «Les élèves apprennent l'Arabe par cœur sans savoir ce que cela signifie. Pourtant, pour s'insérer dans le tissu socio-économique du Burkina, il était important de voir comment intégrer l'alphabétisation dans les foyers coraniques pour que les talibés puissent vraiment être compétitifs sur le marché du travail », rappelle-t-elle.
« Nous voulons soutenir la scolarisation au niveau du Burkina parce que notre première mission ici au Burkina, c'est d'aider l'économie burkinabèàêtre durable et équitable. Donc, il faut les informations pour mieux orienter notre appui. C'est pour cela que nous sommes partenaires dans cette étude », précise, LaSean Brown, directeur adjoint de la section diplomatie publique, représentant de l'ambassadeur des USA au Burkina.
L'alphabétisation, un moyen pour vaincre la précarité
Avec les résultats de cette étude, un très grand pas vient d'être franchi. Et le MENA ne peut que s'en réjouir. «L'alphabétisation n'est pas une fin en soi mais un des moyens pour venir à bout de la précarité socio-économique de nos populations parmi lesquelles l'on dénombre les acteurs des foyers coraniques. Nous visons l'éducation pour tous en 2015. Et pour y parvenir, il faut prendre en compte l'ensemble des composantes et des spécificités comme les écoles coraniques. Le ministère, dans le PEDESEB et dans le PRONA », reconnait Amadou Sidibé, directeur de l'enseignement de base privée, représentant la ministre en charge de l'éducation nationale. A le croire, les élèves des foyers coraniques seront pris en compte dans le processus de réforme du système éducatif au Burkina.
La restitution des résultats de l'étude sur le recensement général des foyers coraniques marque le début d'un processus pour lequel, il va falloir aller au-delà des résultats de l'étude. «Le CERFI est déjà dans cette dynamique, voilà pourquoi nous attendons avec beaucoup d'intérêt la contribution des uns et des autres », a soutenu Moussa Nombo, le président du CERFI.
Moussa Diallo
Lefaso.net