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Rencontre Blaise/CFOP : Les réponses de Blaise Compaoré au mémorandum

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Pour la première fois depuis la création de l'institution Chef de file de l'opposition politique (CFOP), le chef de l'Etat Blaise Compaoré reçoit enfin ses opposants au palais présidentiel. Cette date du jeudi 14 novembre constitue donc un événement pour l'opposition. A notre connaissance, Blaise Compaoré n'avait plus accordé une audience à son opposition depuis le temps du Collectif contre l'impunité quand il avait reçu Halidou Ouédraogo et ses camarades. C'était en mai 2000. Cela fait plus de 13 ans. Cette entrevue fera-t-elle exception en ayant une suite ? Il est permis d'en douter au regard des échanges entre les deux parties. Blaise Compaoré est resté intraitable sur ses positions et parfois même moqueur vis-à-vis de ses interlocuteurs.

Le 14 novembre, Blaise Compaoré a enfin accordé une audience aux responsables de son opposition officielle et légale. Zéphirin Diabré, le chef de file et six autres responsables de partis membres du CFOP ont été reçus aux environs de 11h pendant plus de 40 minutes par le locataire des lieux assisté seulement par un fidèle collaborateur en la personne du journaliste Gabriel Tamini, officiellement conseiller aux affaires sociales, mais dont les avertis du système Compaoré savent son rôle exact dans ce genre de situation. Depuis le Conseil national de la révolution (CNR), cet ancien cadre de l'Union des communistes du Burkina (UCB) joue le rôle de conseiller politique de Blaise Compaoré, même quand il était à la radio nationale. Il faisait partie du petit cercle des « intellectuels » avec les Oumarou Clément Ouédraogo, Watamou Lamien et autre Etienne Traoré sur lesquels s'est appuyé le n°2 de la révolution pour préparer la « Rectification » du 15 octobre 1987. Tamini était encore à la manette pour cette entrevue présidentielle. Il l'a préparée pendant quelques semaines et était dans la salle, prenant des notes pour son « patron ».

Blaise tient à son sénat comme une bouée de sauvetage

D'entrée de jeu, c'est Blaise Compaoré qui se jette à l'eau. Il prend la parole 15 minutes environ pour faire un plaidoyer pour la mise en place du sénat. Ses arguments n'ont pas varié. « Quand j'étais enfant à Ziniaré, l'Assemblée nationale adoptait des lois à Ouagadougou, mais cela intéressait peu de personnes à l'époque. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Même dans les villages reculés, on suit l'actualité politique et les lois votées font l'objet de commentaires. On assiste même au rejet de certaines lois par les populations. », aurait-il introduit en substance. Puis il poursuit : «Pour éviter des contestations des lois à répétitions, il me semble indispensable que leur élaboration implique tous les acteurs de notre vie nationale. Aux côtés des politiques, les forces sociales qui jouent déjà un rôle capital dans la cohésion de notre société doivent aussi être des acteurs du processus législatif. C'est pourquoi, j'ai pensé que l'Assemblée nationale seule ne peut plus remplir cette fonction. Avec le sénat, toutes les forces vives du pays pourront participer à l'élaboration des lois, qui seront moins contestées. », plaide le chef de l'Etat. Après son plaidoyer en faveur de la mise en place du sénat, Blaise Compaoré a laissé la parole au chef de file de l'opposition. Les remerciements protocolaires passés, Zéphirin Diabré a déploré la lenteur de la réponse à sa demande d'audience qui date de mai dernier. «Quand je m'apprêtais à vous répondre, vous étiez très occupés avec vos marches. Je n'ai pas voulu vous déranger…», aurait répliqué Blaise Compaoré. Il explique aussi que s'il n'a pas consulté le chef de file de l'opposition depuis la mise en place de l'institution en 2009, c'est dû au fait que ce dernier (Me Sankara) n'aurait jamais manifesté une volonté de dialogue avec lui. Pour preuve, il soutient que ce dernier boudait les cérémonies protocolaires auxquelles il était convié. La faute serait donc, à son avis, partagée. Mais désormais, promet-il, le dialogue serait plus régulier. Notons que Me Bénéwendé Sankara n'était pas à l'audience. Le bureau politique de son parti, l'UNIR/PS, s'est réuni la veille pour décider qu'il ne ferait pas partie de la délégation du CFOP. «L'objet de cette visite ne nous convient pas. Le chef de file nous a dit que c'est une visite de courtoisie que nous irons faire au chef de l'Etat. Nous estimons à l'UNIR/PS que le CFOP est une institution de la République à part entière. Si ses responsables doivent aller voir le président, c'est pour un ordre du jour plus sérieux. Il doit avoir un objectif politique clair et l'opinion publique devrait en être informée au préalable.», confie un membre du bureau politique du « parti de l'œuf ». La même source juge la démarche inopportune. Pour elle, l'opposition ne doit pas « mendier » une audience au chef de l'Etat alors que la loi même prévoit qu'il devrait consulter l'institution sur les grandes questions d'intérêt national. « ce que Blaise Compaoré n'a jamais jugé utile de faire », précise notre interlocuteur.

Blaise Compaoré botte en touche sur l'article 37

Avant d'aller à l'audience, les responsables de l'opposition s'étaient partagés les tâches. Chacun avait un ou deux thèmes à développer devant le président. Sur les dix points énumérés dans le mémorandum, celui relatif à l'article 37 de la constitution était évidemment le plus attendu. C'est le chef de file lui-même qui se charge de dire à Blaise Compaoré leur rejet de toute modification visant à sauter la limitation des mandats présidentiels : «L'Opposition politique a toujours affirmé son attachement au principe républicain de la limitation du nombre de mandats présidentiels telle qu'inscrite dans notre Constitution. Comme elle, les Burkinabè sont inquiets d'entendre des responsables éminents de votre parti appeler à une modification de l'article 37 de notre Constitution consacrant cette limitation. » Zéphirin Diabré faisait référence aux propos du premier responsable du parti au pouvoir, Assimi Kouanda qui lors d'une conférence tenue en juillet dernier affirmait : «En ce qui concerne les affiches que vous avez vues au cours de la marche où il était fièrement mis oui à la modification de l'article 37 et autres, ce n'est pas une nouveauté pour vous ; que ce soit le CDP ou les autres partis de la majorité présidentielle, nous avons été clairs en ce qui concerne la possibilité de la modification de l'article 37. Le parti l'a dit à plusieurs reprises ; et comme on sait que les paroles s'envolent et que l'écriture demeure, nous l'avons écrit à plusieurs reprises que nous sommes pour la modification de l'article 37. Eh bien, au cours d'une marche comme celle-là, nos militants ont pensé qu'il était bon de rappeler le leitmotiv ; et nous étions fiers de voir qu'ils ne l'ont pas oublié et qu'ils sont eux aussi fiers de l'élaborer ». Francois Compaoré, le conseiller et frère du président, est également dans la même disposition d'esprit. Depuis des mois, chacune de ses sorties médiatiques ont comme cible l'article 37. Pour Blaise Compaoré, il n'y a rien d'alarmant. C'est le jeu de la démocratie, chacun exprime ses opinions et la liberté d'expression est sauvegardée. Il ne désavoue pas ses poulains même s'il prend garde d'endosser leurs propos. Il est resté donc dans une posture de « ni pour ni contre ». Inutile de dire que ses interlocuteurs sont restés sur leur faim.

« La corruption, un phénomène mondial »

Autre point sur lequel les opposants ont été déçus par Blaise Compaoré, c'est la lutte contre la corruption. Ici également, le président a botté en touche. Il n'a pas changé de position sur l'état de la corruption dans son pays. Pour lui, il y a de l'exagération dans la perception du phénomène qui d'ailleurs n'est pas propre au Burkina Faso. A Zéphirin Diabré, il lance une pique sournoise : «le phénomène n'est pas plus grave aujourd'hui que quand vous étiez au poste de ministre des Finances», aurait-il sèchement adressé au chef de file. Le président de l'Union pour le progrès et le changement (UPC) n'a pas répliquéà cette charge présidentielle. Il a encaissé le coup, préférant laisser la parole à Norbert Michel Tiendrébeogo du Front des Forces Sociales (FFS) pour décliner l'inertie du régime à combattre le phénomène. Il s'est appuyé sur son expérience de parlementaire entre 2007 et 2012, notamment au sein du réseau Burkindi contre la corruption. Selon lui, les équipes gouvernementales qui se sont succédé, avec leurs soutiens à l'Assemblée nationale, n'ont pas varié sur ce point : pas d'adoption d'une loi claire sur la lutte contre la corruption.

Une rencontre pour rien ?

Au regard des réponses données par Blaise Compaoré aux différentes interpellations de l'opposition, doit-on retenir que cette audience n'a rien servi ? Il serait exagéré de répondre par l'affirmative parce que l'objet de la rencontre en elle-même (visite de courtoisie) affirmait déjà ses limites sur le plan du contenu des échanges. C'est une rencontre de nature légère et les réponses du président sont allées dans ce sens. Le vrai dialogue est à venir. Le président a laissé entendre par exemple que le processus de la révision du statut de l'opposition en cours à l'Assemblée nationale se fera avec l'avis du CFOP, ce qui suppose que l'adoption de la loi sera différée. Il s'est engagéégalement à ce que son Premier ministre ouvre régulièrement ses portes aux opposants. Il reste néanmoins des doutes qui ne sont pas seulement partagées par les partis de l'opposition. Sur les questions qui fâchent (l'article 37 et le sénat), Blaise Compaoré n'a absolument pas fait évoluer la situation. C'est le statu quo. On n'est pas plus rassuré aujourd'hui qu'il y a quelques mois où le débat faisait rage au sein de l'opinion. Le président Compaoré a réitéré ce qu'il avait confié aux autorités religieuses et coutumières en septembre dernier à savoir son souci de ne pas voir le pays plonger dans une crise après 2015 (Cf Mutations N° 37 du 15 septembre 2013). Les perspectives ne sont donc pas claires pour le moment quant à l'ouverture de round de dialogue entre le pouvoir et l'opposition. Dans ce sens, cette rencontre n'aura pas servi à grand-chose.

Abdoulaye Ly

MUTATIONS N° 41 du 15 novembre 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact:mutations.bf@gmail.com site web :www.mutationsbf.net)


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