La situation nationale est marquée ces dernières années par un regain d'incivisme qui se manifeste à travers la destruction de biens publics et privés. La défiance de l'autorité de l'Etat et la justice privée sont aujourd'hui monnaie courante au pays des hommes intègres. Quelles en sont les causes, si l'on sait que le Burkinabéétait naguère réputé pacifique ? Et quelles solutions faut-il envisager pour y remédier ? En pleine semaine de la Semaine de la semaine nationale de la citoyenneté, nous avons donc voulu avoir le point de vue des citoyens sur la question. Leurs propos.
Ouédraogo Geneviève, « les gens pensent qu'ils seront écoutés lorsqu'ils font des casses ».
« La SENAC permet de sensibiliser les gens sur le civisme. Parce que quand, il y a une tension seulement les gens cassent sans réfléchir. Pour résoudre le problème, je crois qu'il faut arriver à sensibiliser les gens, leur faire comprendre que ce n'est pas en cassant qu'on peut résoudre leurs problèmes. En cassant ça met le pays en retard. Au lieu d'investir pour construire des écoles, des routes, et amphithéâtres, les autorités utilisent cet argent pour réparer ce qu'on a cassé. Il faudra que la justice soit aussi indépendante. Que la maxime nul n'est au-dessus de la loi soit une réalité au Burkina ».
Zongo Noufou, « L'impunité, la pauvreté et le manque d'écoute…»
« L'impunité, la pauvreté et le manque d'écoute sont à l'origine de la montée de l'incivisme. Comme solution, la justice doit être indépendante et autonome. Si tu commets une infraction, tu dois répondre de tes actes. L'éducation en est aussi une cause. Je lance un appel aux parents de mettre l'accent sur l'éducation. Certains parents pensent qu'il suffit d'envoyer l'enfant à l'école et il revient aux instituteurs de faire le travail d'éducation. Pourtant ils ont une grande part de responsabilité».
Kombéogo Adama, « l'Etat doit réagir avec promptitude quand il y a revendication »
« L'incivisme de ces derniers temps nous inquiète énormément. Il concerne tout le monde. On est dans l'insécurité totale. Car les biens publics détruits et ne sont pas automatiquement réparés. Ceci dit, Je prends le gouvernement pour responsable qui joue à la sourde oreille lorsqu'il y a des revendications. S'il y a revendication, l'Etat doit réagir avec promptitude. Sinon, face au mutisme de l'Etat, les gens brûlent les biens publics afin d'obtenir une réaction de la part de sa part. Donc, en cas de revendications, c'est mieux qu'il prête l'oreille pour écouter les gens. Il faudra instituer aussi le module du civisme en plus de l'éducation morale depuis l'enseignement de base jusqu'à la classe de 3e afin que les enfants connaissent leurs droits et devoirs et sachent que les biens publics appartiennent à tous et pas seulement à l'Etat ».
Hema Forombié, « Il faut purement et simplement changer de régime ».
« Les actes qualifiés d'incivisme sont posés dans l'optique de se faire entendre. Puisque nos gouvernants ne font qu'user de la force plutôt que d'écouter les gens. Et leur manière de gouverner ne respecte pas les normes. Ce qui rend les gens aigris et frustrés. Ils sont, de ce fait prêts, à en découdre avec les forces de l'ordre. Depuis 27 ans, la même personne gouverne. On est né sous son régime, on a grandi sous sa gouvernance, d'autres même ont commencéà travailler sous son régime. Malheureusement, sa gestion du pouvoir ne profite pas au peuple. Et pourtant la démocratie, c'est aussi l'alternance. Rien ne va. Moi par exemple j'ai eu mon baccalauréat en 2012. Mais je suis toujours au semestre 1. On fait tout, on ne nous écoute pas. Et on veut injecter une somme colossale au Sénat. C'est tout ça qui fait qu'il y a l'incivisme. Pour résorber l'incivisme au Burkina, je pense qu'il faut purement et simplement changer de régime ».
Ouédraogo Silvain, « les gens n'ont plus confiance à certaines institutions »
L'incivisme, c'est le non-respect de l'ordre social. Les gens font de l'incivisme à cause de la mauvaise gouvernance. Parce qu'aujourd'hui, les gens n'ont plus confiance à certaines institutions notamment la justice et la police. La représentation nationale en votant les lois ne prend pas aussi en compte les réalités de toutes les catégories sociales. Les députés votent des lois qui ne sont souvent pas adaptées à la situation du pays.
Ouédraogo Dramane, « Sortir casser ne veut pas dire qu'on n'est pas conscient. »
« Les causes de l'incivisme varient selon les couches sociales. Par exemple les étudiants ont le sentiment d'être abandonnés par les gouvernants. Si les étudiants sont indifférents aux problèmes de leur pays, les autorités de ce pays doivent normalement s'inquiétés. C'est eux qui sont sensés connaitre les vrais maux de la société. Ils sont sensés sortir quand ça ne va pas. Mais le seul moyen de répression contre eux quant-ils sortent pour exercer ce rôle, c'est fermer les restaurants et les cités. A un moment donner ç'a commencéà pousser les gens à poser des actes qui ne sont pas louables.
Et quand tu vois une population qui brûle, barre la voie parce qu'on n'a tué accidentellement une femme ou un enfant, très souvent c'est le sentiment d'injustice. En effet, comment comprendre qu'un gars percute à mort une femme ou un enfant par excès de vitesse et qu'en moins d'une semaine, il circule allègrement en ville. Cela ne peut que révolter plus d'une personne. Sortir casser ne veut pas dire qu'on n'est pas conscient. Ça veut tout simplement dire qu'on a ras-le-bol. Sinon, l'incivisme c'est aussi détourner des millions, les mettre dans des cantines, c'est vouloir s'éterniser au pouvoir contre l'alternance démocratique, et c'est aussi la corruption ».
Soré Issaka, « La véritable cause, c'est la mauvaise gouvernance »
« Nous constatons que quand on parle d'incivisme, les gens ne voient que la masse, le citoyen lambda, ceux-là qui brulent les feux, qui en ont marre et qui ne respectent plus les règles. Il y a 10 ans, il n'y avait pas assez d'incivisme comme aujourd'hui. Qu'est ce qui a changé alors dans la mentalité des gens ? La véritable cause de ce changement de cap, c'est la mauvaise gouvernance. Les gens en ont marre. Il faut que les gens changent de comportements en commençant par les autorités. Ceux qui dirigent le pays doivent donner le bon exemple. Un père de famille qui fume ne peut pas interdire à son fils de fumer tant qu'il ne donne pas lui-même l'exemple par la pratique. Ce n'est pas possible ».
Ibrahima TRAORE (Stagiaire)
Lefaso.net.