Comme annoncé précédemment, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a tenu, ce vendredi 3 mai 2013 à Ouagadougou, un dialogue démocratique sur le projet de loi portant organisation et fonctionnement du Parlement, avec en toile de fond la mise en place du Sénat.
Comme on pouvait s'y attendre, le face-à-face entre pro et anti-Sénat avec au milieu l'arbitre Augustin Loada du CGD a duré plusieurs heures sans que l'on sache au bout qui l'a finalement emporté, tant les uns et les autres semblaient convaincus de leurs arguments sur la question.
Défenses des pro Sénat
Parmi les panélistes qui sont pour le Sénat figure évidemment notre « confrère » et ex-député du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Mahama Sawadogo. Avant le début des échanges, il a plaisanté pour détendre l'atmosphère en disant que les moins de 45 ans n'avaient pas leur place dans la salle.
Pour lui, le Sénat n'est pas une bonne, ni une mauvaise chose en soi. Le sénat, explique-t-il, est une technique institutionnelle, une stratégie politique qui peut permettre de tenir compte des différentes sensibilités du pays, de tempérer un pouvoir centralisateur, d'assurer la représentativité des collectivités.
Pour ce faire, il est pour la création d'une commission mixte paritaire Assemblée nationale – Sénat suggérée par le Pr Loada et la suppression des discriminations dans la composition des membres du Sénat.
Sur cette question de discrimination, le Pr Albert Ouédraogo du TOCSIN, également partant pour le Sénat, « ne serait-ce que pour la présence des Burkinabè de l'Etranger au sein de l'institution », pense que la société civile a été royalement oubliée dans la composition des membres du Sénat. Une remarque que partage entièrement un autre acteur de la société civile. Mais, tout cela n'est pas du tout du goût des panélistes opposés au projet.
Charges des anti- Sénat
Et ils semblaient aussi convaincus de leurs arguments. « Dans l'environnement actuel, une deuxième chambre n'est pas utile. Le Sénat n'est pas la préoccupation des Burkinabè. C'est une robe taillée sur mesure pour le parti au pouvoir. L'ensemble des parlementaires de l'opposition a rejeté le principe de la création du Sénat », assène Alidou Ido de l'Union pour le progrès et le changement (UPC). Il ajoute : « Si l'opposition a la possibilité, elle va bloquer le vote sur la création du Sénat ».
« C'est du mimétisme, juste pour récompenser des gens du CDP », assure pour sa part Mathias Tankoano de la Rencontre africaine de défense des droits de l'Homme (RADDHO) qui semblait en vouloir vertement au Pr Loada de ne pas afficher clairement son opposition à la création du Sénat.
Ainsi, ce premier match extra-hémicycle de la longue bataille entre pro et anti Sénat a étéâprement disputé et s'est apparemment soldé par un match nul.
Pas même les éclairages, en début de rencontre du secrétaire exécutif du CGD présentant les différents contours de la question (avantages et contraintes d'un Sénat, expériences d'autres nations,…) n'ont réussi à rapprocher réellement la position des deux camps.
Pourtant, le patron du CGD a semblé avoir été très clair dans son analyse sur le projet de création d'une seconde chambre du Parlement burkinabè.
Eclairages et suggestions du Professeur Loada
En guise de conclusion de son analyse sur le projet du Sénat au Burkina, le secrétaire exécutif du CGD a laissé entendre que la création d'un Sénat n'était pas en soi une bonne ou mauvaise chose, mais que tout dépendait de l'usage que l'on en fait et des objectifs visés. Que des Etats dans le monde (Nigeria, France, Etats-Unis, etc.) y ont eu recours pour plusieurs raisons qui peuvent varier d'un pays à un autre : assurer la représentativité des Etats (cas des Etats fédéraux) ou des collectivités territoriales (Cas d'Etats unitaires) au sein du parlement ; garantir la participation des minorités dans l'institution parlementaire, assurer une double lecture sur la loi, constituer un contre- poids à la première chambre.
Mais, qu'un peu partout, le débat sur l'opportunité d'une deuxième chambre s'est souvent posée. Le Pr Loada a notamment cité l'ancien Premier ministre socialiste français, Lionel Jospin qui avait parlé« d'anomalie », à propos du Sénat de la France dont il ne voyait pas l'utilité.
Après avoir examiné le projet de loi relatif à la création du Sénat Burkinabè, le secrétaire exécutif du CGD a fait un certain nombre de suggestions. Il suggère qu'on ramène le nombre des sénateurs à 51 au lieu de 91. Pour parvenir à ce chiffre de 51, il propose que chaque région désigne 2 sénateurs, ce qui fera 26 pour l'ensemble des treize régions , que le Président du Faso désigne 4 sénateurs au lieu de 31 et les reste sans changement, c'est-à-dire 4 sénateurs pour les religieux, 4 pour les coutumiers, 4 sénateurs pour les syndicats, 4 pour le patronat et 5 sénateurs pour les Burkinabè de l'étranger.
Pour ailleurs, le Pr Loada recommande la mise en place d'une commission mixte paritaire réunissant des députés et des sénateurs qui puisse travailler à résoudre les problèmes en cas de divergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Il souhaite également que l'on garantisse une autonomie au Sénat afin de lui permettre de contribuer réellement au renforcement de la démocratie dans le pays.
Enfin, il souhaite que la création du Sénat tienne compte de la situation socioéconomique du pays car une bonne partie des Burkinabè n'y sont pas favorables. Le Pr Loada se réfère ici aux résultats de l'enquête ‘'Afro-Baromètre'' réalisée en décembre 2012 par son organisation. La moitié des sondés de cette enquête se sont prononcés contre la création du Sénat, à l'en croire.
Grégoire B. BAZIE
Lefaso.net