Les élections couplées de 2012 ont mis à nu la fragilité de l'engagement partisan de nombre de militants de nos partis et formations politiques. L'on a assistéà des défections avant, pendant et après ces consultations électorales. Ce qui dénote d'une inconstance du militantisme au sein de nos partis politiques.
Le système partisan au Burkina ne se présente véritablement pas encore comme étant le fruit d'un engagement à servir la cause publique à travers le programme de tel ou tel parti politique. Les ambitions de beaucoup de militants s'écartent de celles que doivent viser les partis et formations politiques dignes de ce nom. En effet, un parti politique doit animer la vie politique, conquérir le pouvoir d'Etat dans la perspective de l'exercer. Ainsi, le militant qui ne partage pas ces ambitions va se conduire comme une girouette allant d'un parti à un autre en fonction de ses intérêts personnels immédiats, car n'ayant pas de solide conviction politique pour son parti. Un tel militant se distingue aussi –négativement- par des agissements contraires à la discipline au sein du parti. Le contexte des élections couplées (législatives et municipales) a été assez révélateur de tels comportements.
Quelques défections qui retiennent l'attention
Des défections et pratiques de désaveu au moment du positionnement sur les listes de candidatures, il y en a eues. Saran Sérémé, alors députée du CDP, a fait une défection fracassante au moment de l'établissement des listes du parti pour les législatives de 2012.
Au cours de la campagne électorale, certains militants ont désavoué, de façon sournoise pour la plupart, leur formation politique en collaborant avec d'autres partis pour lesquels ils ont battu campagne clandestinement. Après s'être annoncé un peu juste à l'issue de l'établissement des listes de candidatures de l'UPC pour les municipales passées, c'est véritablement au cours de la campagne électorale que le conseiller Assibo Ouédraogo s'est affiché comme un pion du CDP.
Au moment de la capitalisation des acquis électoraux de ces consultations de décembre 2012 et de février 2013, l'on a assistéà plus de fractures partisanes. Le 06 février dernier, Assibo Ouédraogo élu conseiller UPC a voté, et ce contre le rappel à l'ordre de la direction de son parti, pour le CDP. Le 09 mars 2013, Abibata Traoré, élue conseillère de l'ADF/RDA, a participé, contre la décision de son parti, au vote du maire de la Commune de Bobo-Dioulasso.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la mise en place des exécutifs locaux a donné lieu à des tensions résultant surtout de comportements peu catholiques politiquement, tensions dont certaines des plus ouvertes ont heureusement été soumises au juge électoral. L'usage de la voie judiciaire par nos leaders politiques mérite d'être salué, en ce qu'il dénote de la sagesse et d'une certaine confiance vis-à-vis de notre arsenal juridique. Encore faut-il que le juge électoral travaille davantage à mériter cette confiance, à travers notamment la motivation objectivement acceptable de ses décisions.
Mais à quoi tiennent ces revirements partisans ?
Si la création d'un parti politique peut être le fruit de la réflexion d'une seule personne, il importe qu'une fois le parti mis en place dans ses organes, le géniteur travaille à se fondre dans l'équipe qu'il aura constituée autour de lui. Cela peut favoriser la culture de démocratie interne au sein du parti ; mieux, cela donne des gages sûrs pour la survie du parti à son fondateur.
De même, l'influence de certains leaders politiques ne doit pas les conduire à se substituer aux autres militants du parti. On voit certains de nos fondateurs de parti politique battre campagne pour le compte des candidats de leur parti, comme pour dire que ces derniers ne savent pas haranguer la foule, encore moins arracher la confiance de l'électorat. De constat, il ressort que la plupart de nos partis politiques se définissent encore par leurs fondateurs ou par leurs présidents ; ces derniers ayant une telle influence que les autres militants ne peuvent s'affirmer au nom du parti. En dépit des règles de discipline auxquelles tout militant doit se soumettre, les militants ne doivent pas se sentir obligés de se prosterner devant le fondateur du parti pour se voir inscrits sur une liste de candidature.
Il appartient à nos responsables de partis politiques de travailler à réduire autant que possible, leur omnipotence sur les organes des partis et sur les militants.
Autre élément auquel peut tenir la défection d'un militant, c'est le manque d'attachement ferme à une idéologie politique selon laquelle il voudrait contribuer au bien-être de la cité. Il est vrai, notre paysage partisan donne, au regard surtout du nombre de parti par rapport aux lignes idéologiques qui existent, à se demander si les partis eux-mêmes ont une assise idéologique.
Toutefois, l'adhésion à une formation politique ne doit pas être le fait du hasard, ou guidée par la seule ambition d'obtenir des avantages financiers et matériels immédiats. Elle doit être sous-tendue par sa détermination à conduire le parti auquel on adhère, à la gestion de la cité dans l'intérêt bien compris des citoyens. Sinon, l'on s'adonnerait au nomadisme politique pour peu que les intérêts personnels visés ne soient pas satisfaits.
Les défections de militants tiennent aussi au déplacement de querelles personnelles, parfois à objet autre que politique, sur le terrain politique. On compte malheureusement encore au sein de nos formations politiques des militants qui n'ont pas le sens de l'intérêt supérieur du parti, au nom duquel ils doivent travailler quotidiennement à resserrer les rangs de leur parti en s'imposant l'obligation de ne pas céder à la provocation. Nos partis politiques gagneraient mieux, s'ils veulent s'imposer dans les chalenges futurs, à s'investir véritablement dans l'éducation et la formation politiques de leurs militants d'abord, et de l'électorat ensuite.
Fulbert Paré
Lefaso.net