Allons-nous dans la bonne direction ? Cette question que chacun se pose ou doit se poser à un moment donné de la vie a été posée aux burkinabè lors du round 5 des enquêtes Afrobaromètre (1). Il ressort des résultats que dans une majorité absolue, les Burkinabè pensent que oui.
Et ces personnes affirmant que le Burkina Faso va dans la bonne direction sont plus des personnes habitant les campagnes, des personnes n'ayant pas atteint le niveau universitaire, des personnes qui affirment que la situation économique actuelle du pays ainsi que leurs conditions de vie sont bien, des personnes qui pensent avoir des conditions de vie identiques par rapport aux autres et des personnes qui sont d'accord pour l'inclusion d'une clause d'amnistie dans la constitution burkinabè pour les Présidents de 1960 à 2012. Lisez plutôt
Dans la vie d'un individu ou d'un pays, il est important à un moment donné de s'interroger sur le chemin emprunté : va-t-on dans la bonne direction ?
Cet exercice est capital pour faire une autocritique de sa démarche/politique afin de corriger les insuffisances et aller vers un chemin prometteur de plus de satisfaction et de bien être pour l'individu, de développement pour le pays.
Notre pays le Burkina Faso évolue t-il dans la bonne direction ? La réponse à apporter à cette question peut être très complexe. En effet, sur la base de quels critères doit-on répondre ? Qui est le mieux indiqué pour répondre à cette question ?
Autant d'interrogations qui peuvent amener à ne pas se pencher sur la question. Et pourtant, la démarche est très simple, il suffit d'interroger directement la personne ou les personnes concernées. S'il est très simple de poser alors la question à un individu, il faudrait raisonnablement passer par un sondage (2) , s'il s'agit du pays pour recueillir les avis des citoyens.
Le round 5 des enquêtes Afrobaromètre qui a ciblé un échantillon représentatif (3) de 1200 hommes et femmes de 18 ans et plus résidant dans les 13 régions et en zone urbaine ou rurale de notre pays permet d'avoir des réponses à cette question.
Parmi les questions adressées aux interviewés, une était formulée de la façon suivante : « En général, que pensez-vous de la direction dans laquelle évolue le pays ? Diriez-vous que le pays va dans la mauvaise ou la bonne direction ».
Les résultats montrent que les burkinabè dans une majorité absolue pensent que notre pays va dans la bonne direction (58%), 35% pensent le contraire et trouvent que nous allons dans la mauvaise direction et 7% reste indécis face à la question.
Graphique 1 : le Burkina Faso évolue-t-il dans la bonne direction ?
Source : Afrobaromètre R5
Si l'article se limitait à ces lignes, il est évident que plus d'un lecteur restera sur sa faim. Et l'interrogation suivante ressortira : qui sont ces personnes qui pensent que notre pays va dans la bonne direction et qui sont celles qui pensent le contraire ?
Et pour apporter des réponses à cette seconde interrogation, l'article s'est penché sur trois groupes de facteurs à savoir les caractéristiques sociodémographiques, les conditions économiques et quelques facteurs politiques ayant fait l'objet de débats lors des travaux du Cadre de Concertation sur les Reformes Politiques (CCRP). Un test de corrélation (4) a été fait entre l'opinion sur la direction dans laquelle évolue le pays et ces facteurs après un recodage (5) afin d'y faire ressortir les liens.
Caractéristiques sociodémographiques
Les résultats montrent qu'il n'y a aucune différence en termes de point de vue entre hommes et femmes, entre jeunes et moins jeunes. Par contre lorsqu'on s'oriente vers le milieu de résidence, il ressort que les ruraux (79%) plus que les citadins (21%) affirment que notre pays va dans la bonne direction. cette opinion est également liée au niveau d'éducation et près de 3 personnes sur 5 (60%) ayant au moins un niveau universitaire pensent que le Burkina Faso va dans la mauvaise direction tandis qu'à peu près le même pourcentage parmi ceux qui n'ont pas un niveau universitaire pensent le contraire.
Graphique 2 : Opinion sur la direction dans laquelle évolue le Burkina Faso et milieu de résidence
Source : Afrobaromètre R5
Conditions économiques
En se focalisant sur les conditions économiques du pays et sur les conditions de vie des populations, les résultats sont les suivants :
Les interviewés soutenant que le pays va dans la mauvaise direction trouvent dans la majorité que la situation économique actuelle du pays, ainsi que leurs propres conditions de vie actuelles sont mauvaises (respectivement 63% et 63%) tandis que ceux qui soutiennent qu'il va dans la bonne direction pensent dans une majorité que cette situation, ainsi que ces conditions de vie sont bien (respectivement 57% et 52%) ;
Si dans la majorité, les enquêtés estimant que le Burkina Faso va dans la mauvaise direction trouvent avoir des conditions de vie pires par rapport aux autres burkinabè (47%), ceux pensant que le pays va dans la bonne direction pensent avoir des conditions de vie identiques par rapport aux autres (37%) ;
En se référant à la situation économique et aux conditions de vie passées, il ressort que dans une majorité, autant les personnes trouvant que le pays va dans la bonne direction que ceux pensant qu'il évolue dans la mauvaise direction estiment que par rapport à la même époque l'année dernière (c'est-à-dire il y a 12 mois), les conditions économiques actuelles sont meilleures (47% et 33%). Autant les personnes affirmant que le pays va dans la bonne direction que ceux affirmant le contraire estiment que par rapport à la même époque l'année dernière (c'est-à-dire il y a 12 mois), leurs propres conditions de vie actuelles sont meilleures (48% et 38%) ;
Un regard vers la situation économique et les conditions de vie à venir illustre également que dans une majorité, autant ceux qui pensent que le pays va dans la bonne direction que ceux qui pensent le contraire affirment que la situation économique du pays dans 12 mois sera meilleure (respectivement 68% et 48%) et que leurs conditions de vie également suivront le même rythme (respectivement 72% et 57%).
Quelques facteurs politiques
Le round 5 des enquêtes Afrobaromètre illustre qu'il y'a un lien entre l'opinion sur la direction dans laquelle évolue notre pays et les avis des burkinabè sur les facteurs politiques comme la modification de la constitution pour permettre au Président actuel Blaise Compaoré d'être candidat en 2015, la clause d'amnistie dans la constitution burkinabè pour les Présidents de 1960 à 2012 et la création d'une deuxième chambre parlementaire pour renforcer la démocratie.
Des résultats, il ressort que :
Dans une majorité, autant les citoyens affirmant que notre pays va dans la mauvaise direction (71%) que ceux pensant qu'il va dans la bonne direction (45%) sont défavorables à ce que la constitution soit modifiée pour permettre à Blaise Compaoré de briguer en 2015, un cinquième mandat depuis 1991 ;
Graphique 3 : Opinion sur la direction dans laquelle évolue le Burkina Faso et modification de l'article 37 pour permettre au président Blaise Compaoré de se représenter pour un nouveau mandat en 2015
Source : Afrobaromètre R5
Dans une majorité, les burkinabè estimant que le pays va dans la bonne direction sont d'accord pour l'inclusion d'une cause d'amnistie dans la constitution burkinabè pour les Présidents de 1960 à 2012 (50%) tandis que ceux qui affirment le contraire sont en désaccord (45%) ;
Dans une majorité les personnes estimant que notre pays évolue dans la mauvaise direction (44%) sont en désaccord pour la création d'une deuxième chambre qui pour eux , va entraîner des dépenses supplémentaires pour notre démocratie. Ceux estimant que le pays va dans la bonne direction restent partagéà près d'un quart entre d'accord, en désaccord, indifférent et ne sait pas.
Si en préambule ce sont les caractéristiques des citoyens burkinabè pensant que notre pays évolue dans la bonne direction qui ont été mis en exergue, l'on peut conclure que les personnes trouvant qu'il évolue dans la mauvaise direction sont plus des citadins, des personnes ayant au moins un niveau universitaire, des personnes qui trouvent que la situation économique actuelle du pays, ainsi que leurs propres conditions de vie sont mauvaises, des personnes qui sont en désaccord pour l'inclusion d'une cause d'amnistie dans la constitution burkinabè pour les Présidents de 1960 à 2012 et pour la création d'une deuxième chambre.
Des interrogations peuvent surgir face à ces résultats. En se référant juste au milieu de résidence et au niveau d'instruction, est-ce à dire que les citadins et ceux qui ont au moins un niveau universitaire sont plus exigeants quant aux conditions à réunir pour dire que notre pays évolue dans la bonne direction ? Ou que ces gens là sont plus outillés pour apprécier la direction que prend notre pays ?
Cet article ne pourra avoir la prétention de répondre à ces interrogations qui peuvent trouver réponses dans des études sociologiques plus approfondies car la méthode utilisée ici reste descriptive et ne permet pas d'expliquer plus en profondeur les résultats présentés.
Ces résultats peuvent paraitre évidents pour certains qui pourraient être tentés d'estimer que de telles analyses qui permettent de démontrer un constat trivial ne soient pas nécessaires. Pourtant, même si certaines choses paraissent évidentes, il n'est pas mauvais de les prouver avec des outils scientifiques et c'est ce qui donne d'ailleurs plus de force à l'argumentaire.
En plus des facteurs sus mentionnés, d'autres certainement renforcent l'opinion selon laquelle le pays va dans la bonne direction. En effet, malgré les soubresauts vécus pendant la crise de 2011, des facteurs comme la stabilité politique, la paix sociale, la tolérance inter-religieuse et ethnique peuvent être indéniablement soulignés comme contribuant significativement à la bonne marche du Burkina Faso.
Ainsi, c'est un secret de polichinelle de dire que 2015 marquera un tournant décisif dans l'histoire de notre pays et que les burkinabè auront tous à prendre des décisions importantes pour l'avenir du pays. Et pour renforcer la position de ceux qui croient qu'il va dans la bonne direction et convaincre ceux qui pensent le contraire, il est important que tous les acteurs , toutes les filles et tous les fils du Burkina Faso travaillent à maintenir ou à orienter notre navire commun dans la bonne direction.
Annexe : Notes méthodologiques
(1) Afrobaromètre (http://www.afrobarometer.org) est un projet de recherche indépendant et non partisan qui évalue l'environnement social, politique et économique en Afrique. Les enquêtes du Round 5 réalisées par Afrobaromètre ont couvert jusqu'à 35 pays (dont le Burkina Faso) en 2011 et 2012.
(2) Un sondage est une enquête ponctuelle menée auprès d'un échantillon représentatif de la population étudiée. Lorsque les méthodes de sondages (plus précisément les sondages probabilistes) sont respectées, les résultats obtenus sur un échantillon convergent vers les mêmes que l'on obtiendra si toute la population était enquêtée.
(3) Un échantillon représentatif possède les mêmes caractéristiques que la population étudiée. Cette représentativité doit surtout se faire sur les caractéristiques pouvant influencer les réponses et dans le cadre des enquêtes Afrobaromètre, elle a ciblé les variables région et milieu de résidence et s'est assurée de la parité homme/femme.
(4) Le test de corrélation (test du Chi2) utilisé ici a permis de voir s'il existe une liaison entre l'opinion sur la direction dans laquelle évolue le Burkina Faso et les autres variables étudiées.
(5) Le recodage permet de regrouper les réponses en catégories plus réduites en fonction du sens de la réponse. Par exemple, pour la question sur la situation économique du pays les réponses possibles étaient : Très bien, Assez bien, Ni bien ni mal, mal, très mal. Le recodage à consistéà regrouper très bien et bien (en bien), ni bien ni mal, mal et très mal (en mal).
Adama Tiendrebéogo
Economiste-statisticien
E-mail : tabz822@yahoo.fr