Après 17 ans passés aux commandes de la mairie de Ouagadougou, Simon Compaoré s'en va. Mais non sans regrets. Car il aurait aimé poursuivre son action. Surtout au regard des dernières actualités sociales dans la capitale. Avec notamment l'augmentation unilatérale du prix du parking de stationnement et sur lequel certains acteurs refusent de revenir malgré les rappels à l'ordre des autorités.
En faisant son bilan, Simon Compaoré est pourtant revenu sur un ‘'échec'' de sa politique. Il s'agit de sa tentative de moralisation des mœurs dans la capitale burkinabè. Autrement dit, la lutte contre la prolifération des maisons de tolérance. Ou si vous voulez, les chambres de passe comme on les appelle communément à Ouagadougou.
Fair-play, Simon Compaoré l'est. Il assume sa défaite. Certes cela lui tenait à cœur de réussir à faire de Ouagadougou une ville belle. Mais aussi et surtout une ville réconciliée avec elle-même sur le plan des mœurs. Malheureusement, il n'y est pas parvenu et l'admet publiquement.
Pour expliquer une telle situation, il met en avant le fait que (nous) les journalistes, ne lui avons pas beaucoup facilité la tâche dans ce projet. Et même que parfois, dira-t-il, il a eu le sentiment d'être véritablement incompris. Sur ce terrain-là il est évident que la position ou plus exactement la vision de nombreux dirigeants politique ou du monde économique au sujet du rôle des médias dans la société est quasiment la même. Celle d'un accompagnement permanent, au risque d'oublier parfois ce qui fait l'essence de la presse et du journalisme : la culture de la veille. Mais cela c'est une autre affaire…
Alors pourquoi Simon Compaoré a-t-il échoué dans son projet ? Je ne sais pas si j'ai les bonnes réponses à cette question. Par contre je crois pouvoir dire ceci.
- Dans la forme
Comme à son habitude, c'est un maire ‘'colt à la ceinture'' comme on le voit dans les films western qui s'est employéà diriger cette entreprise risquée. Du coup, il a rué dans les brancards. En tentant de forcer toutes les portes hermétiquement closes de la capitale. Evidemment ce combat personnel, trop personnel et teinté de religiosité pour le fils de pasteur était vouéà l'échec.
Du reste, le maire s'est retrouvé rapidement seul en première ligne avec des collaborateurs qui, par moment, s'interrogeaient ouvertement sur la pertinence de leur action. Confidence de l'un d'entre eux : ‘'un soir après une intervention, il affirme que la patrouille a mis la main sur une multitude de personnes parmi lesquelles des femmes mariées ; par la suite ces dernières ne cessèrent de supplier les éléments de bien vouloir les comprendre et de les libérer. Car, ironie de l'histoire, leurs foyers étaient en danger disaient-elles. Et depuis lors confesse-notre source, ils n'ont plus recommencé''.
Mal engagée, mal ficelée, cette guerre de principes menée tambour battant sur fond de paupérisation générale de la population était fortement décousue. Et ceux qui l'ont conduite n'ont pas trouvé beaucoup de monde pour la mener à son terme.
- Dans le fond
C'est lors d'une rencontre organisée par le maire en personne avec les gérants de ces maisons de plaisirs que l'évidence s'est faite jour : à savoir que si le combat n'était pas perdu d'avance pour le conseil municipal, il serait des plus difficiles à gagner. Car ce jour-là, la salle s'est avérée trop petite pour contenir tous les participants au face-à-face. Et je crois bien qu'il y avait plusieurs centaines de personnes voire plus qui ont effectivement répondu à l'appel des autorités.
En faisant des calculs rapides, l'on se rend vite à l'évidence : l'économie du sexe est un business rentable à Ouagadoudou et qui fait vivre beaucoup de monde. Depuis le promoteur jusqu'aux gérants en passant par le personnel d'entretien. Si l'on considère que derrière chaque acteur il y a en moyenne une dizaine de personnes qui vivent des retombées directes ou indirectes de ce commerce, il est évident que le phénomène ne pouvait souffrir d'une vision simpliciste sans courir le risque de rater sa cible.
Du reste c'est une équation qui est intimement liée à l'économie de marché. Peut-on alors corriger les effets pervers du libéralisme sans s'attaquer à la source du problème ? Je crois bien que non…
Et Simon Compaoré s'en va alors que le phénomène lui, est en pleine expansion. Il s'est même doté de nouveaux artifices qui le rendent toujours plus complexe à appréhender. La crise de la famille aidant, le bout du tunnel est encore plus long à entrevoir. Du reste, la nouvelle équipe communale qui va s'installer à l'Hôtel de ville de Ouagadougou a toutes les chances de se faire son propre agenda. Plus réaliste et moins passionnel sans doute.
Juvénal Somé
Lefaso.net