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Mariage pour tous : Une loi symbolique

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Samedi 2 février, l'Assemblée nationale française, par 249 voix contre 97, a adopté l'article 1 du projet de loi sur le mariage homosexuel, ouvrant le mariage aux personnes du même sexe. Alors que la société française légalise le « mariage pour tous », les Burkinabè s'interrogent. Comme en Europe, ils remettent sur le tapis l'éternelle question de la nature même de l'homosexualité.

Une question ? Plutôt une affirmation. L'homosexualité serait précisément contre cette « nature » humaine idéalisée. Décadence pour les uns, présage, même, de la fin du monde pour d'autres. Tout un symbole. Ces considérations semblent représenter, pour beaucoup de citoyens burkinabè, une fracture culturelle profonde entre deux sociétés. Celle des repus, tellement « gras » de nourriture et d'argent qu'ils -et elles- en oublient ce qui fondent leur humanité ; et celle des laissé(e)s pour compte, gardiens de la tradition, espérant l'arrivée prophétisée d'une « croissance accélérée ». C'est tout ? L'être humain, la personne humaine n'est-elle pas infiniment plus complexe ?

En France aussi, l'incompréhension bloque une partie de la société. Les « manif pour tous » sont médiatisées par les intégristes chrétiens et les partis politiques conservateurs. Celles en faveur du projet de loi sont soutenues par les partis progressistes et les associations représentant les minorités sexuelles. Dans les deux camps, on trouve des individus, hommes et femmes, de toutes orientations sexuelles. Pour le meilleur ou pour le pire, là n'est pas la question.

Il n'est pas non plus question, d'ailleurs, de chercher à savoir combien se déclarent opposés à cette loi et combien y sont favorables. François Hollande avait déjà annoncé dans son programme son intention de répondre positivement à une doléance soumise au législateur depuis de longues années par des citoyens français, homosexuels ou non, animés par une volonté de justice sociale.

Elu président au suffrage universel, ses détracteurs tentent par tous les moyens de l'empêcher d'appliquer son programme. C'est de bonne guerre. Mais lorsque le peuple français, dans la rue, manifestait contre la déportation des Roms et la destruction de leurs logements, lorsque le précédent gouvernement criminalisait et traquait sans relâche les clandestins et autres « sans-papiers » venus d'Afrique et d'ailleurs, jusque devant les écoles publiques, quel cas avait-on fait, alors, de toutes ces voix qui s'élevaient ? Aucun.

Il est primordial de conserver un esprit critique face aux bouleversements de nos sociétés modernes. Il est tout aussi important de ne pas sombrer dans les débats de comptoir d'un autre âge. Non, l'homosexualité n'est pas un crime, ni même un délit, et surtout pas une maladie. Non, la législation sur le mariage gay n'est pas le premier pas vers la légalisation de la pédophilie, de la polygamie, comme l'a suggéré le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, entre deux amalgames douteux. Cette loi est symbolique. Elle permettra peut-être de modifier notre regard sur des individus encore considérés dans certains pays comme déviants.

Incriminés, voire incarcérés, alors même qu'ils sont des acteurs à part entière de nos sociétés. Elle rendra également possible, souhaitons-le, aux couples homosexuels d'adopter un ou plusieurs enfants. Sur ce point, les tenants de la « bonne société» ont la dent dure. « La famille, c'est un papa et une maman. » Soit. Dans l'intérêt de l'enfant, il faut avouer que cet équilibre a fait ses preuves. Mais on oublie toujours de mentionner les familles monoparentales, ces femmes et ces hommes qui, suite à une séparation ou à un décès, élèvent seul(e)s leurs enfants. On peut en effet douter que les enfants dans cette situation, très courante en Europe, soient gravement déséquilibrés.

Alors si deux personnes qui s'aiment peuvent adopter un orphelin, sans aucun parent, et l'élever comme leur enfant, où est le mal ? Peut-on encore, en 2013, imaginer sérieusement que la « déviance » sexuelle soit transmissible ?

Pour finir, les problématiques scientifiques et éthiques, comme la procréation médicalement assistée (PMA) ou la « gestation pour autrui », dépassent de loin le débat sur le droit des homosexuels à fonder une famille. Elles sont en ce moment même examinées par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), dans le cadre d'un loi sur la famille que le gouvernement présentera en mars. Dans tous les cas, rien ne sera imposéà personne. La population française ne sera pas transformée en « mères porteuses » ou en fœtus fécondé in vitro. Laissons les gens libres de leur corps et lâchons-leur la « grappe ». En Afrique comme en France, il reste encore bien d'autres combats à mener. Les Français pourraient par exemple mettre leur gouvernement face à ses promesses non tenues, et obtenir enfin pour les étrangers résidant en France le droit de voter aux élections locales.

Henri Le Roux/Stagiaire

L'Express du Faso


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