Le village de Koloko est situéà 50 kilomètres à l'Ouest de Orodara, chef-lieu de la province du Kénédougou et à 125 kilomètres de Bobo-Dioulasso, dans la région des Haut-Bassins. En cette période d'harmattan, le nom de cette bourgade rime avec le froid, la température descendant parfois jusqu'à 10° C. Cela a valu à Koloko le nom de « petit Marseille », en référence à une ville française où il ferait également très froid.
Le froid de Koloko est une réalité et presqu'une exception dans la région des Hauts-Bassins. Le thermomètre affiche dans cette commune située à la frontière du Burkina Faso avec le Mali, entre 10° et 15° pendant les mois de décembre et janvier. Un détour à Koloko les 5 et 19 janvier 2013 nous a permis de nous rendre compte de cette réalité. C'est un froid de canard qui y sévit une fois la nuit tombée, obligeant les populations à se terrer chez elles. Toutes les rues sont alors désertes et seuls se font entendre les vrombissements de moteurs des véhicules arrivant ou quittant cette comune. Dans la journée, tout le monde porte un blouson ou un pull-over pour être au chaud. Des personnes, comme ces jeunes rencontrés devant une concession familiale, se réchauffent autour du feu.
L'un deux, Moussa Diabaté, témoigne : « Nous sommes nés ici trouver ce froid. Cela ne s'explique pas ». Selon eux, pendant cette période de froid, les gens rentrent très tôt à la maison, et à 20 heures, c'est le calme plat. Certaines activités commerciales sont au ralenti. C'est le cas des buvettes et des restaurants qui sont moins fréquentés la nuit. Par contre, les gérants de kiosques eux font de bonnes affaires, comme le dit Béma Traoré : « C'est pendant ce mois de froid que les affaires marchent bien. Nous recevons beaucoup de clients. Ses propos sont confirmés par une dame venue s'approvisionner en pain. Dans un gros blouson rouge, chapeau sur la tête et chaussettes aux pieds, Mme Nikiéma est formelle : « Waï ! Il fait très froid ici à Koloko. Vous ne voyez pas comment je suis habillée » ? Il est 7 heures.
La zone commerciale commence à s'animer. Les uns devant leurs boutiques, sont débout près d'un feu qu'ils ont allumé, alors que les autres, regroupés par endroits, sont à la recherche d'un coin ensoleillé pour se réchauffer. Quelques vendeuses de bouillie, de galettes, de gâteaux et de riz sont installées sur la place du marché, elles aussi chaudement vêtues. Sur l'axe Koloko-Sifarasso, nous apercevons un chien et une poule qui grelottent. Le froid de Koloko, selon des témoignages, n'affecte pas que les hommes.
Les animaux aussi en souffrent. Autrefois, apprend-on, les charognards tombaient du haut des arbres et mouraient à cause du froid. Les moutons et les chèvres également "crevaient" en grand nombre. En cette période, les animaux domestiques s'agglutinent, eux aussi, autour des feux, à la recherche d'une source de chaleur. Un de nos interlocuteurs qui a préféré garder l'anonymat, raconte qu'il a déjà vu une chèvre en train de raviver à l'aide de ses pattes, un feu de bois qui menaçait de s'éteindre. Un autre habitant, Abou Gnouanta, alias « Colonel », dit avoir attrapé cette année sur un mur, un margouillat paralysé par le froid.
L'école paralysée
Les élèves font les frais de ce froid inhabituel. Le directeur de l'école "A " de Koloko, Tiémoko Sanogo affirme que le froid est pour beaucoup dans le retard des élèves : « Nombreux sont les élèves qui ne viennent pas à l'heure à l'école depuis le début du froid ». Il ajoute que certaines activités scolaires tel le sport, en prennent un coup. Par ailleurs, et toujours selon M. Sanogo, c'est à cette période que les élèves fréquentent le plus le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Pour l'infirmier chef de poste, le major Gaston Thiombiano, « le froid à Koloko se vit mais ne se raconte pas ». Il poursuit en disant que « tout changement climatique a forcément un impact sur la santé des hommes ».
Le CSPS est en effet confronté ces temps-ci, non seulement à une augmentation sensible des pathologies d'ordre respiratoire (infections) mais aussi et surtout à des cas de brûlures. Il indique que les victimes sont souvent des enfants et des vieilles personnes. Les cas de brûlures déjà enregistrés concernent un vieux d'un village voisin et une fillette de 3 ans résidant à Koloko. Cette dernière a eu une partie du bas-ventre et le sexe légèrement brûlés.
De nombreuses grossesses non désirées
Selon le major du CSPS, le nombre de brûlures enregistrés par mois n'excède pas cinq, mais sont de premier et second degré. L'infirmier chef de poste de Koloko souligne également avoir reçu des enfants ayant des difficultés respiratoires dues à l'utilisation du charbon de bois dans les maisons par les parents. Il précise n'avoir pas enregistré de cas de décès. Certaines sources affirment cependant que de par le passé, deux personnes sont mortes pendant le froid pour avoir allumé du charbon de bois dans la maison. Au niveau de l'action sociale, le chef de service départemental, Omer Soméévoque lui, une autre situation liée au froid : celle des grossesses non désirées.
« A cette période, on constate beaucoup de grossesses à Koloko, surtout en milieu scolaire. Beaucoup de jeunes filles scolarisées tombent enceintes et abandonnent l'école », précise-t-il. L'administration publique n'est pas non plus épargnée par le froid, de l'avis de Siaka Koné, secrétaire général de la mairie de Koloko. A l'entendre, il est difficile pour certains agents de se rendre à l'heure au service le matin. L'inefficacité et la démotivation se ressentent dans l'exécution des tâches quotidiennes. Une fois sur les lieux de travail, des agents préfèrent d'abord prendre, dans la cour, un bain de soleil, avant de rentrer dans les bureaux pour poursuivre le travail. Les usagers des services publics attendent vers 9 heures pour s'y rendre. Dans les bureaux, on a souvent l'impression qu'il n'y a personne, car les fenêtres sont toujours fermées à cause du froid.
A Koloko, l'intensité du froid varie d'un endroit à un autre. Les services de la douane et de la police frontalière par exemple, semblent moins touchés que le centre ville, tandis que les populations riveraines du marigot qui traverse la ville se disent beaucoup plus touchées par le froid. Ce marigot est-il la source du froid qui règne à Koloko ? Dans le milieu traditionnel, il ressort que cela n'a pas de rapport avec les coutumes. C'est un phénomène naturel, explique-t-on. Nous n'avons pas pu avoir des explications scientifiques car des services météorologiques ne couvrent pas la commune. Néanmoins ce phénomène serait peut-être liéà la position géographique de la commune, et à l'abondance des pluies dans cette partie du pays.
En effet, la zone est très bien arrosée et traversée par un cours d'eau permanent. Si à l'unanimité, les uns reconnaissent qu'il fait extrêmement froid à Koloko, d'autres par contre estiment qu'il n'en est rien. C'est le cas de Ousmane Sidibé et Doulaye Tarnagda que nous avons rencontrés sur la place du marché, à motos, en partance pour Sikasso au Mali. Selon eux, le froid de Koloko est moindre par rapport à certaines villes du pays. Pour l'heure, le souci majeur des populations de Koloko est de remédier à ce phénomène. Les autorités locales et coutumières sont en train de mener la réflexion sur le sujet, afin de trouver une solution au phénomène, mais difficilement. Oumou Diabaté, une restauratrice propose par exemple, que l'Etat mette suffisamment de blousons et de pull-overs à la disposition des populations de la commune de Koloko pour qu'elles puissent se protéger véritablement du froid.
Apollinaire KAM (AIB-Kénédougou)
Sidwaya