Je ne m'en reviens pas. Le tableau électronique de Mbombela Stadium de Nelspruit d'Afrique du Sud affiche 4-0 pour les Etalons du Burkina. Oui, ce n'est pas un rêve, mais la pure réalité. Les Etalons ont triomphé des Antilopes d'Ethiopie en cette nuit du 25 janvier 2013. Et pour m'en convaincre davantage, je ressasse le match dans mon esprit. Et je sursaute lorsque je revois cette balle éthiopienne ricocher sur le montant droit de Abdoulaye Soulama dans toutes premières minutes de jeu. L'Ethiopie était à un doigt d'inscrire le but le plus rapide de cette CAN.
Frayeur ! Très vite, je reprends confiance et espoir lorsque les braves ambassadeurs du football burkinabé reviennent peu à peu dans le match. Je reprends espoir lorsque le métronome et capitaine de l'équipe éthiopienne, flanqué du dossard 19, Gebreyes Girma, quitte très tôt la pelouse, larmes aux yeux. Il vient d'être blessé après un contact d'homme à homme avec Alain Traoré. Puis, un autre parmi les meilleurs éthiopiens, Gobenat Asrat, abandonne les siens aussi par suite de blessure. C'est fait ! Oui, les deux dangers éthiopiens repérés depuis le début de cette CAN, sont hors d'état de nuire.
Place donc au capitaine du jour, Charles Kaboré, de permettre à Alain Traoré de nuire aux ambitions de ces Antilopes. Oui ! Une passe du Marseillais pour le Lorientais et la gauche magique de sauveur Alain libère les Burkinabé. Silence dans ce beau stade envahi par des milliers d'Ethiopiens. Extase dans la tribune des supporters et des journalistes burkinabé. Ça crie, ça hurle ; Certains confrères, comme de nouvelles recrues se mettent au garde-vous pour respecter la classe des Etalons. Les confrères éthiopiens les observent, tous jaloux. C'est là que de mon siège, j'ai compris que les choses allaient en s'améliorant. De toutes les façons, j'avais compris depuis le début que les Etalons avaient envie. Envie d'une victoire.
Quand je vois le Rennais Jonathan Pitroipa parcourir tout le terrain pour récupérer le ballon, défendre, servir et provoquer l'adversaire par ses dribles, quand j'ai vu la métamorphose de Madi Panandetiguiri, lorsque j'ai observé le calme olympien du « Général Bako », ou si vous voulez du Lyonnais Bakary Koné, ou encore la rigidité et la lucidité dans les interventions du barbu Mohamed Koffi et de Paul Koulibaly , j'avais déjà attribué le ticket du satisfecit à la défense. Il ne restait plus qu'au colosse Bancé de peser et de gagner ses duels dans la défense éthiopienne. Pendant ce temps, je reste d'admiration pour Djakiridia Koné, Charles Kaboré dans le secteur médian. Les Antilopes perdent le contrôle. Les Etalons galopent.
Et comme pour ne rien laisser au hasard, Pitroipa offre le but d'or sur la gauche diamantée d'Alain qui, d'une reprise de volée met d'accord adversaires et partenaires à une distance dont personne ne pouvait prédire la réussite du shoot. Extase encore. Doublé pour le Lorientais. Troisième but en deux matches pour Alain Sibiri Traoré. Du coup, il passe déjà meilleur buteur de la CAN en attendant les autres matches des autres équipes. Puisque le passeur de vendredi soir était le même que celui du 25 janvier, puisqu'il s'agit du même Pitroipa, il assurera sa troisième passe décisive à Djakaridia Koné pour le troisième but burkinabé. 3-0 ! Bagarre dans la tribune de presse. Vexés par cette insolence des Etalons, un confrère éthiopien s'en prend à un confrère Burkinabé.
Comme un seul homme, les journalistes Burkinabé remettent de l'ordre pour ne pas permettre à certains de gâcher leur fête. Les Ethiopiens commencent à quitter le stade ; y compris leurs journalistes. Pourtant, presque tout le stade était aux couleurs de l'Ethiopie. Là , je me souviens que le jour du match, 70 cars de 55 places chacun avaient été loués par des supporters éthiopiens de Johannesburg pour rallier Nelspruit. Faites le compte : 3850 supporters éthiopiens étaient donc venus en renfort à ceux qui étaient déjà sur place. Pouf ! Les étalons n'en n'ont cure ! Même après l'expulsion du portier Abdoulaye Soulama, le cœur des Burkinabè est resté orienté vers l'inoubliable succès.
C'est là que l'entraineur Paul Put échange avec l'artiste Pitroipa pour la conduite à tenir après cette expulsion. Wilfried Sanou est « sacrifié» pour permettre au portier remplaçant , Daouda Diakité, de garder les buts burkinabé. Apparemment revigoré par cette décision de l'arbitre Seychellois qui ne voulait visiblement d'un succès burkinabé, Pit tape sa poitrine, furieux et prend le poste d'attaquant de fixation puisque Bancé venait de céder sa place à Florent Rouamba et que le capitaine Charles sortait pour le Moldave Wilfried Balima. Le blessé Balima est de retour sur le terrain, alors qu'on jouait les arrêts de jeu. Il touche à sa première balle et la coulisse pour le passeur Pitroipa qui se transforme en buteur. 4-0 : La messe est dite !
C'est fini ! Pit, pour la deuxième fois consécutive, et désigné l'homme du match par les organisateurs de cette compétition. Mais, on apprend le décès du papa de Soulama. Paix à son âme ! On saurait aussi que le président de la FBF, Sita Sangaré, n'a pu effectuer le déplacement du stade, parce cloué au lit par un palu que la victoire a vite fait de guérir. Il y a bien longtemps que j'ai vu ce jeu des Etalons fait de précision et de combattivité , d'élégance et de vivacité. Le peuple burkinabé en redemande.
Je l'avais écrit le 21 janvier dernier , après le nul héroïque contre le Nigéria que « les Etalons reviennent de loin et ils iront loin ». Ils sont sur la voie. Mais Déjà , honneur à eux pour cette première victoire en CAN depuis 15 ans. Oui, depuis la chevauchée de 1998, plus jamais, les Etalons avaient enregistré la moindre victoire en phase finale de CAN. Belle performance en attendant le rendez-vous de demain face à la Zambie. Dans ce groupe C aucune équipe n'est encore qualifiée ou éliminée. Chacun a son destin en main. J'oubliais : Seule l'Ethiopie devra compter sur le résultat du match Zambie-Burkina si elle venait à triompher du Nigéria. A chacun donc de se battre. Et les Etalons continueront de se battre. En attendant bravo à ces jeunes garçons qui viennent de vaincre le signe indien ! Bravo aux supporters qui ont su également leur partition malgré cet enfer d'ambiance créé par ces nombreux qui supporters éthiopiens qui ont fini par noyer leur désarroi dans les maquis de Nelspruit.
Alexandre Le Grand ROUAMBA (à Nelspruit)