
Dans un entretien exclusif, Lefaso.net a eu le privilège de discuter avec Ousmane Néré, le directeur général du Centre hospitalier universitaire (CHU) Yalgado Ouédraogo. Ce qui a permis d'explorer les grands chantiers actuellement en cours, mettant en lumière les efforts déployés pour renforcer les infrastructures et les services sanitaires au profit des Burkinabè. Monsieur Néré a aussi abordé les difficultés rencontrées sur ce parcours, soulignant les défis complexes du secteur de la santé. C'était le mercredi 24 janvier 2024 à Ouagadougou, à l'occasion de la visite du directeur général de l'hôpital Yalgado et de ses proches collaborateurs. Selon monsieur Néré, l'hôpital Yalgado manque crucialement de partenaires financiers.
Lefaso.net : Quel est le sens de votre visite à Lefaso.net ?
Ousmane Néré : Nous sommes là au nom de l'ensemble des travailleurs du CHU Yalgado Ouédraogo, pour d'abord traduire notre gratitude au directeur de publication de Lefaso.net et à toute son équipe. Cela, pour l'accompagnement dont bénéficie l'hôpital Yalgado depuis plusieurs années, en termes d'élaboration de plan de communication et dans bien d'autres activités qu'il a pu mener. C'est aussi faire la connaissance des locaux de la rédaction et du personnel qui l'anime si bien au grand bonheur de la population burkinabè.
Vous êtes depuis janvier 2023, le nouveau directeur général de cet hôpital ; quel bilan pouvez déjà faire de cette première année de mandat ?
C'est peut-être un peu trop tôt pour parler de bilan en l'espace seulement d'une année. Mais ce que nous pouvons dire, c'est qu'au niveau de Yalgado, nous avons un personnel très engagé. Et ce, dans la mesure où, ce personnel reçoit les cas de maladies les plus compliqués, en dépit des conditions difficiles. Il faut rappeler que Yalgado a été très éprouvé du fait des inondations de 2009 au regard de sa proximité avec le barrage.
En effet, il y a eu beaucoup de pertes et de détérioration tant sur le plan des équipements que des infrastructures. Cette situation a donc eu des répercussions sur les conditions de travail du personnel, qui sont devenues très difficiles. Cependant, nous avons une équipe qui fait preuve d'un engagement remarquable malgré les difficultés.
Face à ces obstacles, nous avons pris un certain nombre de résolutions allant dans le sens de l'amélioration de l'offre des services aux populations. S'il y a des réformes institutionnelles en cours, il faut noter que des travaux d'investissement sont aussi envisagés. Tout cela, grâce au concours de l'ensemble des acteurs et surtout des travailleurs du CHU Yalgado Ouédraogo.
Quels sont les grands chantiers que vous menez ?
Nous avons entrepris d'ores et déjà, d'améliorer les conditions de travail au sein de Yalgado afin d'offrir des soins de qualité. La vision est que les travailleurs soient dans des conditions optimums aux fins de s'occuper convenablement des patients. Ensuite, nous avons engagé des travaux de réhabilitation au niveau des infrastructures, mais également des travaux d'investissement en matière d'équipements.
L'autre chantier prioritaire, c'est la réforme du système informatique. Cela va permettre de fluidifier la prise en charge du patient, notamment réduire de façon drastique les files d'attente au niveau des guichets de paiement et améliorer ainsi le recouvrement.
L'amélioration de l'accessibilité des bâtiments comme celui de la gynécologie est aussi à l'ordre du jour grâce à l'appui de certains partenaires. Nous avons bénéficié de l'accompagnement de la Présidence du Faso pour ériger des rampes d'accès au profit des bâtiments concernés.
Enfin, nous sommes en train de voir au plan organisationnel et institutionnel, quelles sont les insuffisances à combler pour aller sur des bases solides de sorte à instaurer un management de qualité.
Ces chantiers rencontrent-ils des difficultés particulières ?
Ce qu'il faut reconnaître, c'est que l'hôpital Yalgado manque crucialement de partenaires financiers. Nous basons notre investissement sur la subvention que nous recevons de l'État. Comme vous le savez, les priorités sécuritaireau niveau national sont énormes, auxquelles est venue s'ajouter la situation . Juste pour préciser que la subvention dont nous bénéficions est bonne à prendre, mais reste insuffisante au regard des besoins de CHU Yalgado Ouédraogo.
Du fait des contraintes que connaît l'hôpital Yalgado depuis les inondations de 2009, le CHU a besoin d'un financement conséquent pendant que les partenaires se font rares. L'autre difficulté, comme vous le savez, c'est que toute réforme connaît une certaine résistance quand elle vient surtout bouleverser les habitudes. Il nous faut de ce point vue, faire preuve de rigueur pour atteindre les résultats escomptés.
L'une difficultés importantes à souligner qui n'est pas propre à Yalgado, c'est la rupture régulière des médicaments sur le plan national. Ce qui se ressent sur la prise en charge des patients.
Les services d'urgence du CHU-YO sont très sollicités ; y a-t-il des innovations à ce niveau ?
Avec l'ensemble des acteurs, nous sommes dans la phase d'élaboration de notre projet d'établissement pour les cinq prochaines années. Et probablement au mois de mars, nous aurons l'adoption par notre conseil d'administration de ce projet dans lequel, la question des urgences est l'élément central. Recevant régulièrement les urgences des autres structures sanitaires, il nous faut traiter la question des urgences sur plan organisationnel de l'offre des soins.
Dans ce sens, nous avons déjà bénéficié d'un accompagnement de certains partenaires et de notre tutelle pour réaliser à la fois l'extension et la réhabilitation des urgences traumatologiques et celles de neurochirurgie. Ce qui va nous permettre d'améliorer les capacités d'accueil et l'offre des soins.
Nous avons aussi pris l'initiative d'aller vers une mutualisation des lits au sein de l'hôpital. Nous envisageons également la réhabilitation de l'ensemble des blocs opératoires. C'est vrai que cela nécessite des investissements énormes, mais nous devons nous y mettre si nous voulons que la prise en charge soit très rapide.
L'autre initiative d'amélioration de la prise en charge des urgences, c'est de renforcer le fonctionnement au niveau du laboratoire d'analyse biomédicale afin d'offrir des prestations 24h/24 et 7jr/7. À cela s'ajoute la mise en place d'une unité d'exploration fonctionnelle. Tout cela s'inscrit dans la perspective qu'un patient sorte le moins possible de Yalgado pour faire un examen quelconque.
Quelles perspectives voyez-vous au CHU-YO ?
Recevant de plus en plus de cas de cancers, comme perspective, nous pensons àélargir l'offre en vue de satisfaire la demande. Et au niveau de la tutelle technique, il y a cette possibilité que le centre de cancérologie puisse être rattaché au CHU Yalgado, afin de pouvoir mettre en œuvre la radiothérapie et la médecine nucléaire, dans le cadre de la lutte contre le cancer.
Nous voulons également voir comment développer ce que nous appelons la médecine de réadaptation fonctionnelle. Parce que cela va en droite ligne avec les autres prestations aussi bien au niveau de la traumatologie, qu'au niveau de la pédiatrie et de la gynécologie.
L'autre volet, c'est de faire en sorte d'aboutir à la dispensation individuelle nominative au lit du malade. Cela signifie que pour un patient hospitalisé, on ne prescrira pas une boite de médicament alors qu'il a seulement besoin que de quelques comprimés ou ampoules. Cette initiative va concourir à réduire les dépenses des ménages dans la prise en charge des patients.
Quel est votre mot à l'endroit des usagers ?
C'est d'abord dire que la CHU Yalgado Ouédraogo est pour la population et ses travailleurs sont à sa disposition. Nous sommes là pour offrir des soins à tous ceux qui en ont besoin. Nous sommes là pour redonner l'espoir aux familles.
Nous invitons les Burkinabèà s'impliquer dans les questions d'entretien, d'hygiène et de sécurité pour faire de Yalgado un cadre agréable et sécurisé au profit des patients et des accompagnants. C'est pour ainsi souligner que l'hôpital a besoin de l'appui de tout le monde. Offrir un matelas au CHU Yalgado Ouédraogo, c'est déjà beaucoup. Parce qu'il pourra servir à plusieurs patients. Et ceux qui ont les moyens, peuvent nous aider dans l'acquisition des équipements. Un appui n'est jamais de trop, que ce soit de façon individuelle ou collective, Yalgado a besoin de soutien pour renaître.
Quand bien même nous sommes décriés, il faut noter que nous regorgeons des meilleures compétences. D'ailleurs, nous sommes décriés parce que nous acceptons de faire ce que les autres refusent. Lorsque le malade arrive à Ouagadougou et se rend dans les centres de santé où l'on refuse de le recevoir, une fois qu'il arrive à Yalgado, si nous disons qu'il n'y a pas de place, où ira-t-il ? C'est comme dire au malade de repartir mourir à la maison. C'est pourquoi nous acceptons le patient, même s'il faut le traiter à même le sol. Ce qui doit être plutôt salué que de dénoncer le fait que nous soignons des malades par terre. Car il est plus facile pour un médecin de soigner un patient sur lit qu'à terre. Cela est assez difficile mais les travailleurs de Yalgado consentent ce sacrifice.
Entretien réalisé par Hamed Nanéma et Auguste Paré
Lefaso.net