L'ancien leader des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, a été arrêté par Interpol au Ghana le 17 janvier, transféréà Abidjan et inculpé pour « crimes de guerre ». « Blé la machette » pourrait bien rejoindre Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.
Appelé« général de la rue » dans son pays, Charles Blé Goudé avait appris très tôt à manier les foules. Devenu ministre de la Jeunesse du gouvernement Aké N'Gbo (sous Laurent Gbagbo), le leader charismatique des Jeunes patriotes était sous le coup d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités judiciaires ivoiriennes. Après une tentative avortée d'arrestation en mars 2011, il s'était réfugié au Ghana au mois d'avril de la même année, suite à l'assaut des forces armées d'Alassane Ouattara contre le palais présidentiel de Laurent Gbagbo.
Selon un communiqué du ministère ivoirien de la Justice et des Droits de l'Homme, rendu public par la chaîne RTI, Blé Goudé a été interpelléà Accra au cours d'une opération militaire conjointe de la Côte d'Ivoire et du Ghana, menée par Interpol, puis extradé dès le lendemain dans son pays. Blé Goudé a donc été entendu ce lundi par un juge d'instruction du Tribunal de première instance. Inculpé pour crimes de guerre, assassinats, atteinte à la sûreté de l'Etat et vols de deniers publics en réunion, il a été placé sous mandat de dépôt à Abidjan. Les autorités ivoiriennes lui reprochent notamment d'avoir activement participé, à la suite de l'élection présidentielle controversée de novembre 2010, aux violences qui ont coûté la vie à 3000 Ivoiriens. Sans compter les centaines de personnes toujours portées disparues et celles qui en porteront les séquelles toute leur vie.
Paradoxe, Blé Goudé avait pourtant été nommé en avril 2007 « ambassadeur de la paix » par le gouvernement de Guillaume Soro, l'actuel président de l'Assemblée nationale. Mais ce farouche meneur d'hommes et fervent militant pro-Gbagbo était aussi depuis 2006 sous le coup d'un gel des avoirs et d'une interdiction de voyager par l'Organisation des Nations unies (ONU), l'accusant de « déclarations publiques répétées préconisant la violence contre les installations et le personnel des Nations unies, et contre les étrangers ; direction et participation à des actes de violence commis par des milices de rue, y compris des voies de fait, des viols et des exécutions extrajudiciaires ; intimidation du personnel de l'ONU, du Groupe de travail international (GTI), de l'opposition politique et de la presse indépendante ; sabotage des stations de radios internationales ; obstacle à l'action du GTI, de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et des forces françaises et au processus de paix tel que défini par la résolution 1633 (2005). »
Si la CPI n'a encore émis aucun mandat contre Charles Blé Goudé, il y a de fortes chances pour qu'il y rejoigne Laurent Gbagbo, désormais détenu à La Haye pour « complicité de crime contre l'humanité». A l'occasion d'une interview à l'AFP (Agence France-Presse) en juin dernier, « le général des patriotes » déclarait déjà : « Je ne suis pas un partisan des armes, je n'ai jamais entretenu une seule milice. Si pour avoir organisé des marches de protestation, la CPI veut bien m'inviter […] je suis prêt à [y] aller pour qu'on sache enfin en Côte d'Ivoire qui a fait quoi ».
Son avocat a d'ailleurs confirmé lundi que son client était prêt à y être entendu. Cette nouvelle arrestation d'une personnalité proche de Gbagbo a sans doute été rendue possible après le décès soudain du président de la République ghanéenne John Atta-Mills, victime d'une crise cardiaque en juillet 2012 qui ne se pressait pas du tout pour donner suite favorable au mandat d'arrêt émis par les autorités judiciaires ivoiriennes. Son successeur, John Dramani Mahama, ne s'est visiblement pas opposéà cette extradition. L'enquête dira peut-être pourquoi l'ancien président ghanéen semblait protéger Charles Blé Goudé. En attendant, les partisans de l'ancien président, Jeunes patriotes en tête, dénoncent une « Justice des vainqueurs ». Une chose est certaine : Alassane Ouattara va gagner en légitimité et s'asseoir un peu plus confortablement dans son fauteuil présidentiel.
Henri Le Roux : Stagiaire
L'Express du Faso