
Communicateur principal d'un panel portant sur le thème « La démocratie en Afrique : le rôle des acteurs politiques dans la préservation de la paix sociale : cas du Burkina Faso », Laurent K. Bado, a décliné« les vertus » d'une démocratie véritable dans notre pays, et donné sa lecture par rapport à un éventuel référendum visant à modifier l'article 37 de la Loi fondamentale du Burkina Faso. C'était le 17 mai 2014, à Ouagadougou.
Pour Safiatou Lopez, présidente de l'APDC (Association pour la promotion de la démocratie et de la citoyenneté) initiatrice du panel, le contexte actuel de notre pays interpelle chacun dans le sens de la mise en œuvre d'actions promotrices de paix. D'où ce panel pour, dit-elle, attirer l'attention de tous les leaders politiques « sur leur rôle, combien capital et crucial, dans la préservation de la paix au Burkina, gage de tout développement ». Il s'agit, a-t-elle précisé, d'un cadre voulu comme celui d'échanges et de partage d'idées, un cadre de communions et de préservation des acquis démocratiques de notre nation.
Acquis que le constitutionnaliste Laurent Bado juge maigres, car « notre démocratie est ossifiée, pétrifiée ; c'est une démocratie muselée, formolée, chloroformée », dans laquelle « la chefferie coutumière a complètement échoué». La Chefferie coutumière « ne devrait pas, précise le professeur Bado, se mêler de politique, si elle aimait son peuple ». Et le constat, selon lui, c'est que la démocratie au pays des Hommes intègres est « une démocratie gouvernée dans laquelle le citoyen est passif, incapable d'avoir une opinion et des convictions personnelles ». Or, précise-t-il, « dans une démocratie, tant que le citoyen ne se fait pas une opinion personnelle, tant que le citoyen n'a pas une conviction personnelle, ce n'est pas de la démocratie, c'est une exploitation des citoyens ».
Et les raisons de cette situation tiennent au fait qu'on « a brûlé des étapes ». Et ces étapes se rapportent, selon Laurent Bado, à : « la soumission de la création des partis à des conditions plus restrictives ; l'exclusion des groupes de pression et de l'administration, de l'arène politique ; l'admission des candidats aux élections sous réserve d'un contrôle de moralité avérée et d'une condition de diplôme ou de niveau de diplôme ; l'institution d'un conseil national électoral, juge des élections, composé des représentants de la majorité et de l'opposition et de la société civile, le président de ce conseil étant un juge du Conseil constitutionnel ; l'instauration d'une démocratie conventionnelle, fédérative et associative ». Toutes choses qui auraient permis, foi du professeur Bado, d'asseoir « une démocratie gouvernante »– au lieu d'une démocratie gouvernée – dans laquelle « le citoyen est capable de discernement ; le citoyen n'est pas frauduleusement exclu des urnes ; l'ignorance et la pauvreté de l'électeur ne doivent pas être exploitées ; l'électeur ne doit pas être exposé au vote ethnique ou au diktat de la chefferie coutumière ; l'électeur ne doit pas être menacé dans ses droits ; les fraudes électorales doivent être éradiquées ; le juge électoral doit être un arbitre sûr et crédible ».
Et aujourd'hui, pour que « les compétitions politiques ne deviennent pas des combats de gladiateurs romains », et que la démocratie véritable s'instaure au Burkina, il faut, selon Laurent Bado, sept vertus cardinales : « les partis politiques doivent songer àéduquer le peuple, à former leurs militants ; les partis politiques doivent être des partis d'idées, et non pas des partis d'individus à l'hypothalamus développé ; les partis politiques doivent présenter des candidats ayant la droiture morale et les capacités intellectuelles ; tout parti politique devrait se prévaloir d'un projet de société soutenu par un programme de gouvernement quantifiable, mesurable, et contrôlable, ce qui réduirait l'inflation institutionnelle en la matière ; les campagnes électorales ne doivent pas se transformer en tribunes de diffamations, de dénigrements, de mensonges grossiers ; les moyens financiers et matériels des partis doivent être contrôlés ; les lois et les structures relatives aux élections ne doivent pas être modifiées au gré des intérêts du parti gouvernemental qui doit d'ailleurs éviter la gestion patrimoniale du pouvoir d'Etat ».
C'est la morale qui interdit la tenue du référendum en perspective
En attendant, et sur la question précise de la tenue – sujet de tractations entre la majorité et l'opposition – d'un référendum qui viserait à modifier la disposition constitutionnelle relative à la limitation des mandats présidentiels dans notre pays, le juriste Laurent Bado dira que « Ce n'est pas la peine d'organiser un référendum » ; même si, dit-il convenir, « D'un point de vue juridique, rien n'empêche la révision de l'article 37 ». Ce qui, selon lui, interdit la tenue d'un tel référendum, c'est, mieux que les aspects économiques et financiers, « d'abord la morale ». Et l'explication en est, précise-t-il, « qu'on ne peut pas avoir un régime qui a fait un quart de siècle au pouvoir, qui a été le premier à modifier cet article, et qui veut encore le modifier ». Si tel était le cas, cela traduirait de la part du pouvoir, « un mépris pour le peuple ». « Ce référendum est un péché mortel », a-t-il martelé, avant d'enfoncer le clou, « Quiconque est pour ce référendum n'a pas la morale d'un être humain ». S'en est suivi un tonnerre d'applaudissements dans la salle bondée de jeunes (élèves et étudiants ». En tout cas, l'on se croirait à un cours du professeur Bado en Amphi. Et l'occasion, Laurent Bado l'a saisie pour dire que « la jeunesse est un mollusque, un invertébré», quant à la participation citoyenne, particulièrement en politique. « C'est aux jeunes de se lever, de s'engager en politique, avec discernement sans jamais se laisser tromper », leur a-t-il lancé, en les invitant à se laisser guider par la définition juridique de la démocratie, celle selon laquelle la démocratie est le régime dans lequel, tous les citoyens possèdent à l'égard du pouvoir, un droit de participation (chaque citoyen est électeur et éligible) et un droit de contestation (chaque citoyen peut contester les décisions du pouvoir).
Signalons, que les leaders politiques n'ont pas beaucoup répondu présents. Et l'absence qui aura été la plus remarquable, c'est celle de représentant du CDP, le parti au pouvoir. Une absence que la présidente de l'APDC dit trouver « regrettable ». Du côté de l'opposition, le Chef de file de l'opposition politique s'y est fait représenter par le président du RDS, Wendlassida François Kaboré qui a tenu à féliciter les organisateurs du panel. Le MPP y a également été représenté par Salif Tiemtoré.
Fulbert Paré
Lefaso.net