Fin d'année macabre, à Zabré, dans le Centre-Est, localité située à une centaine de kilomètres de Tenkodogo, au Burkina Faso. Un affrontement entre deux communautés, le 31 décembre 2012, tous des Burkinabè, qui vivaient jadis, ensemble, dans la paix, se fréquentaient tous les jours, se rendaient des services. Des communautés dont les enfants vont dans les mêmes écoles, s'amusent ensemble, mènent des activités socioculturelles de concert (…)
Qu'est-ce qui peut donc bien justifier cette barbarie humaine qui s'est produite, à Zabré, avec un bilan officiel de sept morts, six blessés, dont deux policiers, 41 concessions détruites et 1437 déplacés ? Qu'est-ce qui peut amener un Burkinabèà poursuivre un autre Burkinabè, à le massacrer froidement et à aller jusqu'à le bruler vif ?
Tout en ayant une pensée pour la mémoire des victimes de cette « folie », disons-le courageusement et fermement et condamnons l'acte avec la dernière énergie, car rien ne saurait justifier cette « sauvagerie ». Rien ne peut expliquer, surtout, que des innocents, des femmes, des enfants ou des parents d'un accusé, soient punis, tout simplement, parce que leur proche est mis en cause, pour quelle que raison que ce soit.
Ce qui est gênant et qu'il faut dénoncer dans cette affaire, c'est que ce n'est pas la première fois que ce genre d'acte est posé. De part et d'autre, des conflits, entre agriculteurs et éleveurs, ou tout simplement entre communautés, pour cause de « vols de femmes », de coutumes, ou de mésententes naturelles, ont entraîné des chasses à l'homme, avec leur corollaires de morts, le plus souvent, des innocents.
Et souvent, cela se solde par des pardons folkloriques, pour sauvegarder le vivre ensemble ! Allons-nous continuer à tolérer cette « barbarie » ? Permettre à des groupes de personnes de se rendre justice, eux-mêmes, dès qu'un des leurs a une altercation avec quelqu'un, qui qu'il soit ? Il faut que cette façon, qui s'apparente fort à un règlement de comptes, prenne définitivement fin. Et le gouvernement vient de donner le ton. Car, la délégation gouvernementale qui est allée présenter les condoléances aux familles endeuillées, avec le Ministre de l'administration territoriale et de la sécurité (MATS), Jérôme Bougouma, en tête, n'est pas passé par quatre chemins pour tirer la sonnette d'alarme. Pour dire que l'heure a sonné, afin que les choses ne soient plus comme avant, où l'on se contentait de simple pardon, en accusant la volonté de Dieu, pour justifier des actes inacceptables, des hommes.
Et Jérôme Bougouma a été clair sur la question : « Les autorités coutumières ont parlé de pardon, de conciliation. Nous prenons tout cela en compte. Ce sont les vertus Burkinabè, mais nous pensons que dans ces évènements-là, il y a eu des gens qui, de façon délibérée, ont pourchassé d'autres Burkinabè et les ont violentés. A ce niveau, la justice doit faire son travail. Nous pensons qu'il faut mettre fin à ces pratiques. Aucune communauté ne peut être responsable de ce que fait un de ses membres. Il n'y a pas de responsabilité collective en droit burkinabè, donc la sanction ne peut pas être collective ».
Mais, après tout, il appartient au gouvernement de vraiment œuvrer à décourager ceux qui pourraient avoir envie de se rendre justice. Et le MATS a rassuré que le gouvernement va veiller à ce que la justice soit rendue et cela, en toute impartialité, en libérant, parmi les personnes arrêtées, celles qui n'ont rien à se reprocher. « Que ce soit seulement les personnes qui ont commis des infractions qui soient traduites en justice et nous souhaitons également, que ça soit fait le plus rapidement possible », a-t-il annoncé. En tous les cas, il faut que la justice sanctionne les fautifs, pour l'exemple. Sinon, nous sommes tous en danger. Car, de plus en plus, l'on constate qu'il suffit de faire, ne serait-ce qu'un accident, qui est, en principe, involontaire, au détour d'un « six mètres » ou sur la voie publique, pour voir des individus s'échauffer et vouloir lyncher le conducteur.
Mais que faire, quand « il y a un déficit de confiance au niveau de la justice et de l'administration » ? comme l'a relevé M. Bougouma. Nous sommes tous interpellés et le MATS a annoncé des pistes de solutions. « Nous allons travailler à rétablir les liens et la confiance. Je crois qu'avec la sensibilisation et l'aide de la presse, nous pourrons y arriver, parce qu'on s'est rendu compte que les règles de l'Etat de droit ne sont pas bien connues, les gens préfèrent régler leurs comptes, leurs différends, autrement que par la voie judicaire », a-t-il reconnu.
Le mal est donc connu. Il faut sensibiliser les populations à savoir qu'en cas de conflit, le premier recours doit être la justice. Et la justice doit travailler à faire de sorte que les justiciers se sentent en confiance, en lui faisant recours. Mais, avant tout, il faut un changement de mentalité chez les Burkinabè. Il faut arrêter d'en vouloir inutilement aux autres, voulant les rendre responsables de ses propres échecs. Car, de plus en plus, des crises ont leurs origines dans les aigreurs des autres, qui sont prêts à en finir avec ceux qui ont le sourire, tous les jours, aux lèvres. Et cela ne devrait pas être burkinabè !
Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)
Sidwaya