
Ce 30 juin 2020, c'était le grand déballage au palais de justice de Ouagadougou dans le cadre du procès sur le recrutement frauduleux à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Les témoins ont continuéà défiler pour chacun, donner sa version de cette affaire qui à chaque audience, révèle des choses. Des dissertations qui se ressemblent à la virgule près, les fautes y compris. Des candidats qui ne reconnaissent pas leurs signatures, ni leurs écritures sur des copies dont certaines sont passées de 10 à 17/20.
Salmata Sawadogo était candidate pour le recrutement d'agent de liaison à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). A l'issue d'une des épreuves, elle a obtenu la note de 10 sur 20. C'est ce qui figure sur le registre de la correctrice. Mais entre-temps, sur une autre feuille de composition, dame Sawadogo s'en sort avec la note de 17/20 et finit 1ere. Problème. Cette copie-là, la candidate reconnait que ce n'est pas la sienne.
La signature sur la copie n'est pas la sienne. Mieux, son nom a été réécrit avec une erreur. Au lieu de Salmata, un ‘'a'' a été rajouté. C'est maintenant « Salamata ». Mais où est passée la copie originale ? Mystère et boule de gomme. «Ça pose un sérieux problème. Il y a quelque chose qui ne s'explique pas », constate le président.
Comment cela s'explique ? Salmata Sawadogo déclare qu'elle n'en sait rien. « Je n'ai rien à dire », se contente-t-elle.
Comme elle, Djénéba Kanao (agent de classement) reconnait que la copie où figure la note qui lui a permis de réussir au test, n'est pas la sienne. Sa copie ressemble trait pour trait à trois autres. Avec les mêmes fautes. « Une manque de sécurité», lit par exemple le parquet sur les copies. Tous les trois admis, ont des parents dans la boite. C'est le cas de Marc Zèda, le frère de l'ancien directeur des ressources humaines qui a piloté l'organisation du test. « Non mon frère ne savait pas que je passais le test », répond-t-il ; tout comme l'avait dit la femme de l'ancien DRH, également admise.
Le tribunal est à bout de nerf et insiste pour que le jeune « balance » celui qui a étéà l'origine de cette manipulation. Il reste stoïque. « Vous avez de la chance, vous devriez vous retrouver dans le box des accusés comme votre frère et votre belle-sœur », finira par lancer le tribunal, visiblement exaspéré.
Motus et bouche cousue
D'autres témoins sont passés. Tous ont des parents dans la boite et les notes ont été bonifiées. Edith Tougma, a sa sœur (Tougma Odile), comptable à la CNSS. Sa note de 12 est passée à 15. « Vous vous foutez du tribunal, vous vous foutez du tribunal ? », finit par lancer le tribunal face à l'insistance de Edith Tougma qui dit ne même pas reconnaitre son écriture, encore moins sa signature.
Seydou Diarra, comptable à la CNSS a étéégalement appeléà comparaitre en tant que témoin. Son enfant a obtenu le concours, mais également avec des notes qui ont été falsifiées. « Je ne doute pas de sa compétence », répondra-t-il quand on lui demande comment cela a pu arriver.
Fatimata Ki, agent administratif elle aussi est parvenue à intégrer la CNSS suite à ce concours qui ne finit pas de dévoiler tous ses secrets. Làégalement, la candidate avait des entrées dans « la maison », à travers son mari Ki Siriki. A la barre, le parquet lui présente la copie sur laquelle elle a obtenu la note de 16, lui permettant ainsi de surclasser les autres candidats. Elle n'a ni reconnu sa signature encore moins son écriture. Selon la correctrice, la vraie note c'est 10. « Etes-vous fière d'avoir eu le concours avec une note qui n'est pas la vôtre ? », envoie le président. La dame, visiblement gênée, murmure « je ne sais pas quoi dire ».
Qui a fait ça ?
Pour le parquet et la partie civile, tout est clair. Avec ces éléments matériels, il est désormais établi qu'il y a bel et bien eu fraude. Les avocats de la défense, notamment Me Timothée Zongo, disent être restés sur leur soif. « Il a brandi les copies comme un trophée de guerre, sans désigné de coupable », image Me Zongo à l'endroit du parquet.
Il reconnait par contre que ce sont des copies « bizarres, sans paternité», mais qui a fait ça ?se demande-t-il, avant de préciser que c'est au procureur de répondre à cette question. Pour les avocats de la défense donc, leurs clients ne sont pas les responsables de ces manipulations. Du coup, les conseils des accusés constatent que ce sont des infractions sans père ni, ni mère. « J'attends que le parquet nous dise qui a fait cela », conclut-il.
L'audience reprend le 10 juillet 2020 avec la suite de l'interrogatoire des témoins.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net