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Article 37 de la Constitution : Le piège facile du référendum

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Les élections municipales et législatives couplées du 02 décembre 2012 ont livré leurs verdicts. Les résultats définitifs proclamés par les institutions habilitées donnent le parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès(CDP), majoritaire aussi bien pour les municipales que pour les législatives. Il est suivi de l'Union pour le Progrès et le Changement (UPC) et de l'Alliance pour la Démocratie et la Fédération/Rassemblement Démocratique Africain (ADF/RDA). Au total, 13 partis politiques sur les 74 en compétition ont pu engranger un élu municipal et seulement 6 partis ont pu faire élire au moins un député.

Malgré les nombreuses irrégularités et les fraudes massives qui ont entaché ce scrutin, dont certains d'ailleurs ont provoqué l'annulation du scrutin municipal dans certaines circonscriptions, tous les acteurs politiques ont affiché une volonté de rester dans l'Etat de droit. Pratiquement, tout le contentieux électoral a été vidé devant les tribunaux compétents en la matière. A l'exception de quelques manifestations spontanées, d'ailleurs non revendiquées par les états major des partis politiques, la paix sociale a été préservée avant, pendant et immédiatement après les élections.

Le relatif succès de ces élections couplées est à mettre à l'actif d'une volonté manifeste de les réussir exprimée par l'ensemble des acteurs que sont les partis politiques toute tendance confondue, la société civile et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Les fausses notes observées l'ont été par la volonté d'effectuer des passages en force par certains acteurs, notamment le parti au pouvoir, bénéficiant de la complaisance, voire de la complicité de la CENI à des moments donnés du processus (cas de Gourcy, de Banfora et de Ouagadougou).

Il n'est donc pas superflu de se demander ce qu'il en adviendrait si le consensus tacite d'un comportement républicain n'était pas observé par les partis politiques. La paix sociale pourra-t-elle toujours être sauvegardée dans l'hypothèse de divergences majeures des acteurs quant à l'opportunité même d'une consultation électorale, divergences qui rompraient le consensus tacite de rester dans la République à travers les formes de contestation des résultats ? L'ordre pourra-t-il être maintenu au cours du déroulement d'un tel scrutin, et subséquemment la contestation par des moyens violents pourra-t-elle être évitée ? Il est fort aisé d'en douter.

La pertinence de ces interrogations réside dans le fait que, depuis quelques temps, des voix se font audibles, exprimant la volonté renouvelée du CDP de modifier l'article 37 de la Constitution et ce, par voie référendaire. Effectivement, la consultation du peuple par référendum semble à ce jour être, parmi les solutions constitutionnelles, la seule plausible et fructueuse pour une telle manœuvre, étant entendu que la solution parlementaire à peu de chance de prospérer car la majorité qualifiée des ¾ (75% des députés, soit 96 élus) nécessaire sera difficilement acquise. A ce sujet, la défection ou l'éviction de l'ADF/RDA du gouvernement doit être regardée comme la manifestation d'une profonde divergence y relative d'avec le parti au pouvoir. Les marchandages pour leur participation au gouvernement ont probablement achoppé sur ce point précis. Il convient de rappeler, que déjà, lors des assises du CCRP (Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques), l'ADF/RDA avait pris position en faveur du maintien en l'état de l'article 37. Revenant de loin, d'où d'ailleurs selon nous, il n'aurait jamais du aller, ce parti va probablement donc renforcer les rangs de ceux qui ne veulent pas de la modification de l'article 37. Il est donc facile de prévoir que les forces opposées à la modification dudit article seront plus que significatives.

Dans ces conditions, et dans la mesure où la confiance en la CENI a été sérieusement érodée par sa complaisance à l'égard des fraudeurs (on retiendra qu'elle n'a même pas porté plainte contre X alors que son matériel électoral a été pillé par endroit), pouvons-nous encore garantir, que pour une consultation électorale aussi déterminante qu'un référendum sur la modification de l'article 37, les acteurs politiques observeront le même comportement républicain et que la paix sociale sera préservée tout au long du processus ?

Pour notre part, la fragilité de notre processus démocratique mise à nue par les évènements de 2011, la prise de conscience des populations des conséquences dramatiques des règnes à vie, conjuguées à la crise de confiance désormais révélée et installée entre les acteurs à l'occasion des élections couplées, devraient inciter à la prudence, pour éviter de tomber dans le piège facile que constitue la convocation d'un référendum dans ces conditions là.

Bien entendu, l'argumentation est ondoyante contre la modification de l'article 37 de notre Constitution. Nous avons délibérément choisi seulement d'attirer l'attention sur la précarité de la paix sociale, sauvegardée à bon escient lors des élections couplées par une sorte de gentlemen agreement des acteurs politiques dont la réédition n'est pas garantie.

Dr M. Joseph SOMDA (msomdaj@yahoo.fr )


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