Après les échauffourées d'hier, jeudi 29 novembre 2013, et dans la matinée d'aujourd'hui, consécutives à l'annonce de la suspension par le gouvernement du Conseil municipal de l'arrondissement n°4 de Ouagadougou, le calme est revenu aux alentours de la mairie dudit arrondissement. Des agents vaquent normalement à leurs occupations avec encore une question en tête : pourquoi suspendre le Conseil municipal ?
Calme et silence au sein d'une mairie habituellement bondée de monde et bruyante. Dès l'entrée, deux vigiles assises sur un banc, chacune manipulant son portable. On ne se parle pas. Dans un coin de la cour, des agents de la police municipale sont assis en groupe. On ne règlemente pas la circulation aujourd'hui. Et dans les bureaux, chacun, devant son ordinateur ou sa paperasse, s'occupe comme il peut. Ce calme apparent est loin de refléter l'ambiance de la chaude journée de la veille.
En effet, pour protester contre la suspension du Conseil municipal de l'arrondissement, des jeunes partisans du maire déchu, Issa Anatole Bonkoungou, sont descendus dans la rue. A l'aide de troncs d'arbres et autres objets, ils ont barré les routes principales qui passent à côté de la mairie pour protester contre la mesure gouvernementale. Raison évoquée par le gouvernement : l'incapacité du Conseil municipal à réunir le quorum nécessaire pour délibérer.
La décision ne passe pas chez les sympathisants du maire déchu qui ont manifesté leur mécontentement. Ils dénoncent une décision arbitraire. Ils se plaignent également parce que c'est la troisième fois que des élections sont organisées dans leur arrondissement », indique le chargé de communication de la mairie de l'Arrondissement, Dominique Ouédraogo.
Des raisons infondées ?
Si le personnel de la mairie est encore sous le « choc » de la nouvelle, certaines voix s'élèvent pour demander plus d'explications. C'est le cas de Dominique Ouédraogo qui, bien qu'étant « simplement de l'administration », juge la décision infondée. « La décision du gouvernement ne s'explique franchement pas. La disposition du Code général des collectivités territoriales que le gouvernement a avancée pour prendre la décision ne tient pas. Il parle de quorum alors qu'il était toujours atteint », soutient le chargé de communication. Avec des procès-verbaux à l'appui, il argumente : « Le quorum est bel et bien atteint. Car l'article 238 du Code général des collectivités territoriales stipule que lorsque le maire convoque une session, s'il n'a pas les 50% +1 des conseillers municipaux, le quorum n'est pas atteint. Il y a par exemple 20 conseillers dans cet arrondissement. A la 1ère session, ils étaient 10 présents. Le quorum n'était pas atteint. Mais le Code dispose aussi que le maire doit convoquer une autre session dans les 15 jours qui suivent et à cette réunion, le conseil peut délibérer lorsqu'il y a le tiers de ses membres. Pour l'arrondissement n°4, en ce moment, 7 conseillers peuvent délibérer. A la 2e convocation, ils étaient encore 10 présents. Au regard de la loi, ils sont au nombre pour délibérer. Nous ne comprenons pas vraiment pourquoi le gouvernement parle de quorum. J'ai toutes les données ici ».
En effet, après son installation, sur fond de crise, le nouveau bourgmestre de l'arrondissement n°4 a convoqué une première session le 31 Mai 2013, au cours de laquelle le quorum n'a pas été atteint. Il a décidé d'ajourner la rencontre. Le 9 septembre, une autre session a été convoquée. Nouveau report car le quorum n'était toujours pas atteint. Et le 13 septembre, une nouvelle session a été convoquée. Cette session a délibéré avec 10 présents. Ce qu'autorise la loi. Dès l'annonce de sa suspension, le maire est retournéà son ancienne occupation. Il possède une entreprise de soudure métallique. Dans son bureau où nous l'avons trouvé, il était occupéà remplir des papiers. Ceux de son entreprise. Encore amer, il ne comprend rien à ce qui lui arrive. « Nous regrettons le motif évoqué. Je m'inscris en faux contre ce motif parce que nous avons tenu notre session avec un quorum de 10. Si on se réfère au Code, à l'article 7, nous devions normalement pouvoir tenir la session », s'exprime-t-il.
Des querelles politiques
Mais si les textes ont été respectés que peut justifier la décision gouvernementale ? A cette question, personne n'a une réponse claire. Tout le monde croit que M. Bonkoungou a été emporté par des querelles politiques. En effet, on le savait opposéà l'ancien maire de Nongr-Massom, Zacharia Sawadogo. La tension était devenue ouverte entre les deux hommes au lendemain des élections couplées du 2 décembre 2012. Deux fractions au sein du parti majoritaire, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) se faisaient la bagarre pour gérer la mairie.
Le camp d'Issa Anatole Bonkoungou l'avait emporté dans les urnes sur celui de Zacharia Sawadogo. Mais en politique, une victoire n'est jamais totalement acquise et l'adversaire n'est jamais totalement anéanti. Est-ce une manœuvre du camp de Zacharia Sawadogo avec ses soutiens qui a provoqué la chute d'Anatole Bonkoungou ? Difficile de l'affirmer. Mais des gens y croient. « A mon avis, le maire a été emporté par des querelles politiques. Parce que je cherche toujours vainement des explications valables à la décision », se convainc Dominique Ouédraogo.
Pour sa part, M. Bonkoungou refuse de croire à la victoire de ses adversaires politiques. « Je suis un croyant et je ne dirai pas que j'ai un ennemi. Nous sommes en politique, les gens ont leur point de vue, ils peuvent se battre à leur manière pour réussir. Mais bon, c'est peut-être cela », dit-il assez évasif.
« Tout fonctionne bien à la mairie »
A la mairie, les agents s'occupent comme ils peuvent. Chacun a répondu « présent »à son poste. Le secrétaire général assure l'intérim et évacue les instances en fonction de son pouvoir. « Les problèmes politiques n'entravent en rien la bonne marche de l'administration. Nous avons toujours bien fonctionné. Même avec les problèmes depuis l'installation, nous avons toujours bien fonctionné. Nous n'avons jamais eu de difficultés majeures. Même ce matin, il y avait du monde pour l'achat des timbres », rassure le chargé de communication.
Au service des affaires financières, au service domanial, à l'Etat civil, même dans le bureau du maire, les agents s'activent pour satisfaire la population. « Je suis en train d'enregistrer des courriers que je vais retourner dans le bureau du secrétaire général. Ce n'est pas simple. Les choses ne fonctionnent plus comme avant. Le maire traitait certains dossiers mais comme il n'est pas là, des dossiers attendent. Parce que le SG ne peut pas signer », souligne Absèta Ouédraogo, secrétaire du maire.
Si dans l'ensemble les services, dans leur majorité, « fonctionnent normalement », il reste un gros point pour le chef de service chargé des mariages. « J'ai un mariage programmé demain et je ne sais pas comment faire puisque je n'ai plus d'officier pour le célébrer », nous explique le chef de service. Pour elle, l'alternative pourrait venir de la Mairie centrale qui enverra probablement un officier à l'arrondissement n°4.
A quand la fin de tout ce désordre ? « On attend les mesures spéciales qui seront données pour nous permettre de dénouer certaines situations », nous répond-on dans les bureaux.
Jacques Théodore Balima
Lefaso.net