Si les uns sont pour le Sénat, c'est parce que, disent-ils, ils veulent le bien du peuple. Si les autres ne veulent pas du même Sénat, c'est parce que, disent-ils eux aussi, ils veulent le bien du peuple. Si les uns parlent de la révision de l'article 37 de la Constitution pour déverrouiller la limitation du mandat présidentiel, c'est parce que, disent-ils, ils veulent le bien du peuple.
A contrario, si les autres ne veulent pas entendre parler de la révision du même article 37, c'est parce que, disent-ils aussi, ils veulent le bien du peuple. Il en est ainsi de plusieurs autres questions sur lesquelles, le pouvoir et une partie de l'opposition, ne s'entendent pas. Au nom du peuple donc, les deux disent défendre les intérêts. Et cette situation dure depuis maintenant quelques mois. Malheureusement, elle ne prendra pas fin de suite. Et risque même d'aller jusqu'en 2015, voire au-delà.
Ainsi, le même peuple, pour lequel chacun dit travailler, est pris en otage. Seules les chansons des politiques sont entendues. Et pourtant, ce peuple mérite mieux ? Il mérite qu'on le considère, qu'on le respecte et qu'on agisse effectivement en son nom et pour lui. L'adage populaire dit qu'on ne peut pas raser la tête d'un fou en son absence. Autrement dit, on ne peut pas défendre les intérêts du peuple sans le peuple. Dans cette optique, il appartient au président du Faso, investi par le peuple après son élection en 2010, aujourd'hui garant de l'unité nationale, donc chargé du respect et de l'application des dispositions de la Constitution, de prendre ses responsabilités. Toutes ses responsabilités pour effectivement préserver les intérêts du peuple et lui accorder le respect et la considération dont il a besoin. Nul ne peut se prévaloir de ce peuple, sans ce peuple. La Constitution lui donne les pleins pouvoirs pour agir dans ce sens.
En outre, Blaise Compaoré ne doit, en aucun cas, accepter que tant d'efforts consentis durant des années partent si facilement en fumée. Tout simplement parce que, en réalité, des gens qui luttent pour leurs propres intérêts, prétendent qu'ils le font au nom du peuple. Pour l'instant, il est le seul à détenir un mandat du peuple et qui doit rendre compte à son terme. La situation paraît assez grave pour laisser les choses se dérouler comme c'est le cas actuellement. Face au Sénat, il a suffisamment fait de concessions. Malgré tout, l'opposition reste figée et ne veut rien comprendre. Pendant ce temps, on ne parle plus de développement, la vie est suspendue et tout le monde semble dans une certaine attente. De quoi ?
C'est pourquoi, le président du Faso doit dénouer rapidement cette situation de ni paix ni guerre et libérer le peuple afin qu'il s'attaque véritablement aux multiples questions d'éducation, d'accès à l'eau potable, de santé, de vie chère, de formation et de chômage. Quand on aime son peuple, quand on travaille ou veut travailler pour son peuple, on ne le prend pas en otage. Les Burkinabè sont assez grands et mûrs politiquement et démocratiquement pour savoir ce qu'ils veulent. Ils sauront donc faire des choix. Donnez-nous donc l'occasion, au moins, de faire ces choix. C'est une simple question de bon sens et de principes élémentaires en matière de démocratie. Dans tous les cas, le peuple saura, en temps opportun prendre ses responsabilités si les politiciens qui sont payés pour ça refusent de le faire.
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso