Les outrages à magistrat sont légions ces temps-ci. Donnant l'impression que les Burkinabè ne veulent plus respecter leurs magistrats, ceux-là même qui sont sensés les protéger par la loi. C'est comme si l'incivisme était entré dans la « maison des lois ». Mais, comme là-bas, on peut juger tout de suite, on assiste naturellement à des condamnations avec sursis heureusement, de citoyens pour …outrage à magistrat.
« ?Les paroles, gestes ou menaces, par écrits ou images de toute nature ? ; non-rendus publics ou par l'envoi d'objets quelconques adressés à un magistrat, un juré ou toute personne siégeant dans une formation juridictionnelle dans l'exercice de ses fonctions, ou à l'occasion de cet exercice et tendant à porter atteinte à sa dignité ou au respect dûà la fonction dont il est investi, constituent un outrage à magistrat et est puni d'une amende ? ». Définition tirée du Dictionnaire juridique pratique ? : Le Droit de A à Z ? ; éditions juridiques européennes ? ; 3e édition, 1998.
Le Code pénal burkinabè punit de six mois à un an et d'une amende de 150 ?000 à 1 ?500 ?000 F CFA ce délit, lorsque l'outrage est porté contre un ou plusieurs magistrats, jurés ou assesseurs dans l'exercice de leurs fonctions ou à l'occasion de cet exercice.
La peine est de 500 ?000 F CFA à 2 ?000 ?000 F CFA lorsque l'outrage a eu lieu à l'audience d'une Cour ou d'un Tribunal. Même quand il est perpétré avant que le coupable ait eu connaissance de la qualité du magistrat, il est puni d'un emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 100 ?000 F C FA à 500 ?000 F CFA ou l'une de ces deux peines seulement.
Qu'est-ce que donc les magistrats font pour mériter ces temps-ci autant d'outrages ?? N'y a-t-il pas un autre problème qui justifie le comportement des justiciables envers leurs « ?protecteurs ? » ?? On dit que « ?la valeur n'attend point le nombre d'années ? ». Mais, il y a des fonctions qui, lorsqu'on doit les occuper, exigent un minimum de responsabilités à la fois sociales ou professionnelles et qu'il faut avoir. Alors qu'actuellement, ce n'est pas forcément le cas de notre justice qui est composée en majorité de jeunes, fougueux. Dont il est très difficile de prévoir la réaction face à un justiciable qui ne sait trop ce qu'est un outrage à magistrat.
Ensuite, le langage de la justice n'est pas accessible au plus grand nombre de Burkinabè. En majorité analphabètes, certains comprennent très peu de choses pendant et à l'issue d'une audience. Des agents d'une société qui ont été condamnés avec sursis demandent en sortie d'audience ce qui s'est passé. Un producteur dans une localité rurale a refusé pour la deuxième fois de se rendre à une audience où il était cité comme témoin parce qu'il estime que ce qu'il a vu et entendu les audiences précédentes n'est pas ?« ?du sérieux ? ».
Enfin, autant le dire tel quel, les Burkinabè n'ont pas confiance à leur justice, mais aux praticiens que sont naturellement les magistrats. Soit parce que la justice n'est pas rendue telle qu'elle devait l'être, soit tout simplement qu'ils soupçonnent les magistrats et autres auxiliaires de justice de corruption ?et/ou de gens qui sont capables de transformer le mensonge en vérité pour donner raison à celui qui a tort.
Il y a donc un véritable travail à faire. D'abord par un changement de comportement des animateurs de la justice pour être en phase avec les justiciables qui veulent sentir et croire que le pauvre, l'orphelin et la veuve ont effectivement droit à la justice. Ensuite et enfin par une sensibilisation continue des justiciables pour qu'ils soient plus proches de la justice. Et on verra…
Dabaoué Audrianne KANI