Après la remise du rapport circonstancié du 31 août, rapport qui ne pouvait que constater l'impossibilité légale de rejeter ce que la Loi fondamentale consacre, dura lex sed lex. La discordance des préoccupations exprimées inhérentes à leur pluralité hétéroclite (pouvoir, opposition, société civile), nous ramène à l'impératif moral pour tous d'observer de la bonté correctrice pour nous-mêmes en tant que communauté nationale.
Cette impossibilité légale de supprimer le Sénat s'applique plus durement pour le premier garant de la Loi fondamentale qu'est le Président du Faso.
Pourquoi ? Parce que précisément, peut-il sans le couvert de la loi, praeter legem, mieux en porte-à-faux avec elle, contra legem, supprimer le Sénat ? A l'évidence, non. Aussi, il revient à l'opposition de faire des propositions concrètes. Or, peut-elle articuler une seule proposition concrète lorsque les uns attendent une révolution improbable, certains, néo-libéraux fiers de leur franchise idéologique, voudraient parler au nom de socialistes apparentés aux sociaux- démocrates du CDP, tandis que les autres, les syndicats ne pourraient raisonnablement accompagner les néo-libéraux. Peuvent-ils se mettre au service de leurs bourreaux de demain si jamais le rêve de rupture ou de basculement de ceux-ci advenait ?
Il n'y aura donc point de proposition unique et tactique, à fortiori stratégique venant des opposants. Il faut donc saluer la sagesse du Président dans son entreprise de consulter tous les milieux et regroupements socio-politiques aux fins de délibérer.
C'est sage en ceci qu'il a perçu qu'il ne peut se détourner de la phronesis suivant laquelle la prudence est la vertu de la raison en acte. Au bout de ce processus ouvert, l'epieikéia ou bonté correctrice pourrait signifier pour lui, garant des libertés publiques et du libre fonctionnement des institutions de la République, d'en appeler au peuple souverain pour trancher.
Le mécanisme pour les consultations populaires existe, c'est le référendum. La société savante de juristes peut très bien soumettre un questionnaire couplant le Sénat, l'article 37 et aussi adjoindre l'obligation pour toute formation ou regroupement politique concourant à l'expression de la volonté populaire de se soumettre désormais à une course au leadership en leur sein tous les cinq ans. Une seule consultation pour liquider tous les fantômes de cette guérilla verbale, c'est moins cher payer. Le cœur de la démocratie, ça n'est pas l'alternance vaille que vaille.
C'est fondamentalement, la liberté i.e. le choix libre offert à chacun dans une délibération contradictoire, publique et transparente de se prononcer. Ce que demandent les opposants, à vrai dire, c'est la summum ius summa iniuria sur la dura lex sed lex, ou simplement l'équité, la justice comme équité comme théorise le philosophe américain John Rawls. Mais leur demande exige d'eux-mêmes, un réquisit moral indubitable : qu'ils aient de la bonté correctrice eux aussi pour eux-mêmes et pour la population qui est en droit d'attendre de la société politique toute entière le respect scrupuleux de l'intérêt de la paix et de la cohésion sociale. Pour les opposants à la mise en place du Sénat, cette bonté correctrice signifie, puisqu'elle se dit mobilisée, l'acceptation d'en appeler le peuple souverain pour trancher. Leur contradiction est celle-ci : Vous exigez que le Président du Faso viole la Constitution sans la modifier ? Seul le référendum modifie la Constitution sans la violer.
Puisque le peuple souverain est détenteur unique du pouvoir, les uns auront alors le moyen de transformer ce référendum à venir en plébiscite vu que leur figure emblématique a des états de service fort défendables, tandis que les autres, y verront opportunément une aubaine pour un référendum révocatoire du leadership du Président Compaoré et de son parti.
Feu Hugo Chavez s'y était soumis en son temps au Venezuela, montrant en cet appel au peuple, qu'il est démocrate et qu'il a foi en son peuple. Et le meilleur moyen pour asseoir une légitimité et subséquemment, une légalité dans une République, tant pour les uns que pour les autres, ce n'est point de se recroqueviller en tant que technostructure sur le microcosme politique, ce qui dénote un certain mépris pour le peuple mais plutôt de se soumettre à son verdict.
Les manipulations rhétoriques des uns et la peur des manipulations opportunistes de la Constitution par les autres, ont engendré cette controverse inutile sur le Sénat lors même que, se voulant démocrates, tous devraient, avec allégresse, en appeler au peuple. C'est la seule revendication valable pour nos droits. Et ces droits, ils appartiennent à tous.
N'est-ce pas là une évidence aveuglante ? N'habitons pas dans la peur des verdicts, cette peur panique des politiciens.
Le temps est venu d'affronter, sans consolations espérées ni désolations redoutées, la fatigue de nos arguments en empruntant la voie grandiose du référendum qui nous ramènera la convivialité sociale. Et celle-ci à son tour nous permettra de cultiver la singularité universelle de notre république, de contenir le contingent et d'engager le particulier suivant les circonstances.
Mamadou Djibo
Docteur en philosophie
Spécialiste des courants mathématiques contemporains
L'Express du Faso