Le point de presse de l'opposition politique animé le 25 juillet 2013 à Ouagadougou, a été l'occasion pour les hommes de média d'appeler Zéphirin Diabréà commenter des propos tenus par Tolé Sagnon, président de la CCVC d'un côté, et par Assim Kouanda, secrétaire exécutif national du CDP de l'autre. Si le Chef de file de l'opposition politique (CFOP) a indiqué adorer les débats idéologiques, il a aussi précisé son refus de mener de tels débats avec des personnes qui n'auraient véritablement la qualité requise pour être son interlocuteur direct.
Des différentes prises de position par rapport à l'actualité politique nationale, il ressort que l'opposition politique a en face, à tout le moins, deux fronts. En effet, elle fait frontalement face à une divergence radicalement affichée d'avec le parti au pouvoir, notamment en ce qui concerne la question du Sénat. Avec la Coalition contre la vie chère (CCVC), elles se regardent en chien de faïence.
Serait-ce la défense d'intérêts purement personnels, d'intérêts de groupes, ou de l'intérêt supérieur du peuple burkinabè, qui se trouve au centre de telles divergences ? Pour Zéphirin Diabré, pas question de « rentrer dans un conflit de personne ». Mais, précise-t-il, « j'adore les conflits idéologiques, car c'est ça qui nous fait avancer ». Et ces conflits, ils sont internes au CFOP aussi qui regroupe des formations politiques se réclamant de diverses obédiences idéologiques.
Néo-libéral lui-même, Zéphirin Diabré précise qu'au « sein du CFOP, il y a des sankaristes, des socialistes, des socio-démocrates ». Pour lui, cela est constitutif d'une richesse qui permet à l'opposition politique d'éviter de graves erreurs dans la prise de ses décisions. Et actuellement, « personne ne parle de comment sera l'après Blaise Compaoré ; on se bat contre le Sénat, contre la révision de l'article 37 » a martelé M. Diabré.
Mais déjà, la CCVC appelle à la vigilance quant à l'après Blaise Compaoré
En soutien au meeting de la CCVC du 20 juillet dernier, des partis politiques – de l'opposition notamment – ont appelé leurs militants et sympathisants à sortir nombreux pour assister audit meeting. Pour les responsables de ces formations politiques, au-delà du fait que la lutte de la CCVC est une lutte citoyenne interpellant chaque citoyen, les ennemis leur sont communs, à savoir le rejet du Sénat et des velléités de révision de l'article 37 de la Constitution, ainsi que la dénonciation de la gouvernance du régime en place. Et apparemment, cet appel aura été entendu. En tout cas, le président de la CCVC, Tolé Sagnon les en a remerciés.
Toutefois, le « général » Sagnon, avec lui les militants de la CCVC, ne veut pas se laisser distraire dans son combat. Il a, en effet, lancé sous un ton particulièrement haussé, « nous devons développer notre esprit critique vis-à-vis des différentes forces politiques qui tentent aujourd'hui de se présenter comme des alternatives au pouvoir actuel mais qui, pour la plupart, partagent les fondamentaux de la politique néolibérale du régime en place ». De l'autre côté, c'est un Zéphirin Diabré visiblement plus que fier, qui annonce au point de presse du 25 juillet dernier, « mesdames et messieurs, aujourd'hui, le monde nous appartient, nous les néo-libéraux ; nous l'avons vaincu et conquis », avec la précision, « plus j'avance dans mon parcours, plus j'observe la marche du monde, plus je suis en phase avec elle ». Mieux, il déclare prêt à défier quiconque voudrait l'affronter dans des débats idéologiques.
De plus, précise Tolé Sagnon, « le processus actuel de mise en place du sénat, les velléités de révision de l'article 37, malgré leur actualité et leur importance, ne doivent pas figer toute l'attention du peuple burkinabè ! La plus grande vigilance doit être observée ». A la suite de ce passage, le président de la CCVC a rappelé le contexte du renversement du régime de Maurice Yaméogo en 1966 par les syndicats qui se sont vus après coup, à la limite, trahis dans la gestion du pouvoir confisqué depuis lors, par les militaires.
Pour lui, il y a donc lieu aujourd'hui de se poser la question de savoir « qui on va mettre à la place de Blaise » si son pouvoir venait àêtre renversé. En cela, Zéphirin Diabré dit voir l'expression de velléités de conquête du pouvoir d'Etat, en précisant que pourtant, le rôle des syndicats, « n'est pas de conquérir le pouvoir ou de chercher à savoir qui va remplacer Blaise », mais de « défendre des intérêts catégoriels, quel que soit le parti politique au pouvoir ». Pour lui, «ça fait bizarre » de voir un syndicat s'interroger sur la personne du successeur du chef de l'Etat. En tout cas, Tolé Sagnon aura été suffisamment clair : il n'est pas question pour les syndicats de demander le départ du régime actuel, sans être convaincu de la bonne foi du successeur, fut-t-il de l'opposition, de Blaise Compaoré. Veut-il dire que la CCVC manque est en crise de confiance vis-à-vis des opposants actuels ?
L'on peut bien se demander, surtout quand on se réfère à certaines discordances que relève Tolé Sagnon. En effet, précise-t-il à l'attention des journalistes, « vous savez qu'il y a des questions en débat, que ce soit au sein même de l'opposition, ou entre l'opposition et les organisations de la vie chère ; on ne s'entend pas par exemple sur la question des candidatures indépendantes ». Or, l'admission des candidatures indépendantes aux élections législatives et municipales, permettrait, selon les syndicats, « d'élargir la base du débat démocratique ».
De son côté, Zéphirin Diabré dit être surpris d'apprendre que la CCVC relève ne pas s'entendre avec l'opposition sur la question des candidatures indépendantes en précisant que « les syndicats ne nous ont jamais approchés officiellement pour dire qu'ils souhaiteraient que nous soyons leur porte-parole à l'Assemblée nationale pour les candidatures indépendantes ». « On n'a jamais dit qu'on est contre les candidatures indépendantes », a-t-il martelé, avant d'annoncer, « si les syndicats nous amènent officiellement la question des candidatures indépendantes, nous allons l'examiner et leur donner la réponse ; peut-être même qu'il n'y aura pas de divergence comme certains le prétendent ».
Mais visiblement les responsables des deux camps semblent être campés, chacun sur son égo. Pourtant, ils donnent l'impression de se battre pour l'intérêt supérieur du peuple burkinabè. Si cela est vrai, ils doivent pouvoir réduire leurs divergences, et même unir leurs efforts pour se battre contre un ennemi qui leur serait commun, pour faire prévaloir des causes bien précises sans qu'il y ait confusion de rôle.
Zéphirin Diabré veut commenter les propos du vrai chef du CDP
Par ces temps qui courent, les responsables des partis d'opposition et de la majorité ne manquent pas la moindre occasion pour se faire des tapes verbales peu courtoises, soit envers personnes nommément désignées, soit envers camps opposés. L'on se rappelle les récentes révélations du secrétaire exécutif national du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Amissi Kouanda, devant les commerçants du marché central de Ouagadougou, selon lesquelles des opposants viennent prendre des enveloppes nuitamment.
Ces propos rapportés au Chef de file de l'opposition, celui-ci dit n'en être pas étonné. Et pour cause, « il y a des opposants qu'ils ont fabriqués, et qui au sein de l'opposition, empêchent l'entente ; et si ces opposants font leur travail, il faut bien qu'ils soient payés ». Et de demander à ce que « Assimi Kouanda donne les noms, là on saura les partis qui ont été conçus dans les laboratoires de Kossyam en tant que partis politiques ».
S'adressant particulièrement aux journalistes d'un ton ferme, Zéphirin Diabré annonce ensuite, « J'ai dit à un de vos confrères de ne plus me demander de commenter les propos de Assimi Kouanda », en précisant, « moi, je suis chef de file de l'opposition, donc je dois m'adresser au vrai chef du CDP ».
Donnant l'impression que l'occasion tant attendue est au rendez-vous ce jour, M. Diabré déclenche le dénigrement : « Tout le monde sait que Assimi Kouanda n'est pas le vrai chef du CDP. Assimi, vous êtes témoins de comment on l'a mis là-bas ; quand on a écarté les anciens, il fallait trouver quelqu'un qui ne représente rien, qui ne pèse rien, qui est malléable, quand on dit va à gauche, il va à gauche ; quand on dit va à droite, il va à droite ; quand on dit avance, il dit oui chef ».
Et de conclure, « Si vous voulez qu'on ait un débat sérieux, amenez les propos du vrai chef du CDP ; ne nous amenez pas les propos des faux chefs ».
De tels propos, s'ils ne sont pas constitutifs de germes ou d'éléments aggravants de conflits personnels, ils sont, à tout le moins, inamicaux faisant de leur auteur un instigateur d'affrontements autres que purement idéologiques. Il est souhaitable que des responsables qui s'affichent en combattants pour le bonheur du peuple tout entier, fassent l'économie de telles invectives, surtout dans le débat public.
Fulbert Paré
Lefaso.net