J'ai lu avec beaucoup d'intérêt comme beaucoup d'autres lecteurs l'article sur “ Sit-in des médias publics : l'AJB entendu par le ministère de l'Administration territoriale et de la sécurité” et qui a suscité beaucoup de réactions de la part des internautes. Je voudrais en tant lecteur apporter aussi ma modeste contribution pour d'une part dire que la lutte engagée par le SYNATIC et soutenue par l'Association des journalistes du Burkina (AJB) est noble et vaut son pesant d'or et d'autre part signifier que le vrai ennemi de l'AJB qu'on veut aujourd'hui dissoudre n'est pas le ministère mais les journalistes eux-mêmes.
En effet il est de notoriété publique que le sit-in des media publics fait suite à une intervention du secrétaire général du ministère de la communication à la télévision nationale pour dicter la conduite à tenir pour le traitement de l'information relative à la marche de l'opposition. L'accusé a démenti catégoriquement les faits à lui reprochés et le ministre Alain Edouard Traoré est monté au créneau pour qualifier les journalistes de menteurs.
Les immixtions du ministère de la communication dans le traitement de l'information dans les médias publics sont des pratiques séculaires relevant d'un secret de Polichinelle. Qui contestera les propos d'un crapaud qui surgit du fond des eaux troubles pour témoigner que le vieux crocodile a mal aux yeux ? Eh bien, l'ancien directeur de la RTB, Yacouba Traoré, dans son livre “ Gasse Galo” a bel et bien mentionné que le ministère de la communication intervient dans le choix des articles qui devraient passer et ceux qui devraient être jetés à la poubelle.
J'ai vécu moi même une expérience similaire lorsque j'étais à Sidwaya. Et voici les faits : Ce matin-là, deux jeunes gens débouchent dans la salle de rédaction de Sidwaya . L'un d'eux est amputée d'une jambe et marche à l'aide d'une béquille. Ils sont reçus par Ibrahiman Sakandé qui fut directeur général des éditions Sidwaya et qui est actuellement directeur de communication de la présidence du Faso. A l'époque il était un simple journaliste. Après les avoir écoutés Sakandé les dirigea vers moi. C'étaient des jeunes qui entretenaient un parking devant la Sonapost siège de Ouagadougou et qui venaient d'être chassés par le tout nouveau directeur qui venait d'être fraichement nommé. Il les avait remplacés par de nouvelles personnes. Ces jeunes handicapés étaient les anciens locataires des lieux depuis plus d'une dizaine d'années et arrivaient à subvenir à leur besoin grâce à ce parking et évitaient du coup d'aller tendre la main comme beaucoup de ceux qui sont dans la même situation qu'eux le font. Ils voulaient se faire entendre et pensaient que Sidwaya les aidera à faire entendre leur voix.
Après les avoir écoutés j'ai décidé de faire entendre leur voix. J'ai appelé le nouveau directeur de la poste pour entendre sa version des faits et il me dit qu'il n'a rien à m'expliquer. J'écris alors mon article avec les informations que j'ai sous la main. Le lendemain matin à la conférence de rédaction, Tiergou Pierre Dabiré mentionne que l'article est très bien écrit. Un ouf de soulagement de ma part car j'ai pu transmettre le message.
Un soulagement qui fut de courte durée puisque l'instant qui suit le rédacteur en chef m'annonce que le directeur général de sidwaya veut me rencontrer dans son bureau pour ce même article. Pourquoi ? Réagit instantanément Hortense Zida qui demande à ce que je sois accompagné . Malheureusement je me retrouve seul face à face avec le directeur. Il me demande d'abord comment je me suis débrouillé pour que l'article ait pu passer car selon lui il est venu nuitamment retiré l'article et qu'il est surpris de le voir paraitre dans le journal. “Je te dis que je suis le directeur et je suis la seule personne qui prend les décisions ici”, me dit-il ; et d'ajouter : “ Nous avons signé un contrat de dix millions avec la Sonapost et cet article risque de nous faire tout perdre”. J'ai lui ai répondu que j'ai fait le travail que je devrais faire mais je ne sais pas non plus par quelle acrobatie l'article a pu paraitre alors qu'il était retiré du lot. Le lendemain matin un article sous la plume de monsieur le directeur parait et dément mot pour mot tout ce que j'avais écrit. L'autre point que je veux aborder est l'attitude de ces associations des journalistes qui fourmillent au Burkina Faso et qu'on entend rarement lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts des journalistes. On est prompt à noircir les pages des journaux pour faire des déclarations timides mais lents comme des caméléons à agir lorsque les intérêts des journalistes sont menacés, lorsque leur liberté d'expression est compromise. Cette lutte des journalistes des médias publics est noble et nécessite une synergie d'action de la part de toutes les associations de journalistes légalement reconnues au Burkina Faso.
La rhétorique selon laquelle l'AJB n'est pas un syndicat en écoutant le directeur des libertés publiques lorsqu'il cite les articles 29 et 47 de la loi 10- 92 portant liberté des associations au Burkina Faso n'est pas nouvelle. Le hic c'est qu'elle est entretenue par certains journalistes pour justifier leur inaction. Lorsque j'étais par exemple le Secrétaire général de l'AJB, section régionale de l'Ouest, je me suis battu pour avoir des financements pour organiser des séminaires au profit des journalistes. A l'époque un de nos séminaires avait été financé par le Conseil Supérieur de la Communication quand l'actuel premier ministre en était le président . il m'avait instruit de tenir le séminaire un peu loin du centre ville de Bobo-Dioulasso. Ce que fut fait. Il y avait plusieurs communicateurs dont Justin Coulibaly l'actuel, président du Synatic. Alors que le séminaire battait son plein un groupuscule de journalistes m'amènent à l'écart pour poser toutes sortes de jérémiades : ils me reprochent d'avoir invité des syndicats alors que l'AJB n'est pas un mouvement syndical, ils martèlent que le local ou se tient le séminaire est très éloigné de la ville et que la nourriture n'est pas bonne, bref tout un chapelet de plaintes qui bourdonnaient dans mes oreilles. La véritéétait que ces revendicateurs étaient membres de certaines associations de journalistes qui étaient incapables de faire quoi que ce soit.
En réalité l'attitude de ces associations qui ont failli de ne pas se joindre au SYNATIC et à l'AJB pour donner plus de tonus à la protestation donne du poids au directeur des libertés publiques dans ses rêvasseries de vouloir faire dissoudre l'AJB. Lorsqu'une lutte est noble, les hommes peuvent se taire mais la nature elle se réveillera : les arbres remueront leur feuillage, les montagnes gronderont en leur sein et les eaux jailliront du fond des océans.
L'engagement de l'AJB aux cotés des organisations syndicales ne date pas d'aujourd'hui. On a vu son président, Jean Claude Meda, et bien d'autres devant les différentes manifestations qui réclamaient que la lumière soit faite sur l'assassinat de Norbert Zongo.
Barnabé Bazona Bado,
Lefaso.net, New York