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Moussa Nombo, président du CERFI : « L'organisation du Hadj ne saurait être un deal »

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A la veille du mois de Ramadan, Lefaso.net est parti à la rencontre de Moussa Nombo, président du Cercle d'étude, de recherche et de formation islamique (CERFI). Au menu des échanges : les grands chantiers de son nouveau mandat de trois ans, entamé le 1er janvier 2013, les préparatifs pour accueillir ce mois béni de Ramadan, ainsi que l'organisation du Hadj et son lot de polémiques et de « désordres »…

Lefaso.net : Vous avez été réélu pour un second mandat de trois ans en janvier dernier. Quels sont les grands chantiers de ce nouveau mandat ?

Moussa Nombo : C'est une continuité du précédent mandat, qui avait connu plusieurs réformes et l'élaboration d'un ensemble d'outils et de guides. Ce mandat-ci nous permettra de mettre véritablement en œuvre les référentiels qui ont étéélaborés durant le mandat passé, notamment le référentiel en matière de formation islamique. Mieux, nous avons élaboré un plan stratégique quinquennal qui repose sur un ensemble d'objectifs. Pour être plus concret, il repose sur les trois objectifs stratégiques suivants :
- Faire du CERFI un espace de spiritualité, de solidarité et de promotion des savoirs ;
- Faire du CERFI un espace de prospérité et une organisation actrice du développement national ;
- Faire du CERFI une organisation contribuant à l'éveil de la conscience citoyenne au Burkina Faso par la promotion des valeurs islamiques et républicaines.

Pendant le congrès, nous avons adopté un programme prioritaire d'investissement qui comporte notamment la construction d'écoles et de centres de santé, aussi bien à Ouagadougou que dans les provinces. Mettre en œuvre ce programme prioritaire d'investissement suppose d'abord la mobilisation des ressources.

Le Programme triennal de ce mandat 2013-2015 issu de ce plan stratégique se décline en trois objectifs spécifiques du CERFI : la mise en œuvre du référentiel de formation, la mise en œuvre du programme d'investissement prioritaire et la dynamisation des cellules professionnelles.

Des activités de grande envergure sont au programme. Cette année, nous préparons le 2e forum national du CERFI, qui aura lieu après le Ramadan. L'année prochaine, nous aurons la chance de commémorer le 25e anniversaire du CERFI à travers un ensemble d'activités que nous allons annoncer progressivement. Durant la troisième année du mandat, nous allons organiser un colloque international à Ouagadougou. Voilà, de manière brève, les éléments fondamentaux de ce nouveau mandat.

Nous sommes à la veille du Ramadan, quelle est l'importance de ce mois pour le musulman ?

Le mois de Ramadan est un mois emblématique pour le musulman, espéré autour du 09 ou 10 juillet. Pour rappeler les traditions de ceux qui nous ont devancés, les compagnons du Messager préparaient le mois de Ramadan six mois à l'avance. Le Ramadan, comme vous le savez, est un mois où les musulmans s'abstiennent de manger du lever au coucher du soleil, et s'abstiennent également de tout ce qui peut entacher leur spiritualité. C'est le moment où l'on doit capter suffisamment d'énergie spirituelle pour pouvoir l'utiliser à bon escient tout au long des 11 autres mois. Pour cela, le Ramadan est un mois très important pour le musulman.

C'est au cours de celui-ci qu'a par ailleurs été révélé le Saint Coran. Aussi, l'un des éléments essentiels pendant le mois de Ramadan est la lecture du Saint Coran – c'est pourquoi on l'appelle également le printemps du Saint Coran. Tout musulman doit aller vers le Saint Coran, non seulement pour le lire et le réciter, mais aussi pour mieux le comprendre et surtout mieux l'appliquer.

Comment le musulman doit-il se préparer à accueillir ce mois ?

Le mois de Ramadan est le mois du jeûne obligatoire. Pour favoriser le genre humain, Dieu a donné au musulman la possibilité d'avoir des jeûnes surérogatoires, soit facultatifs, qui facilitent le cheminement vers le Ramadan à venir. Il s'agit des jeûnes du lundi et du jeudi, des jeûnes également des trois jours du mois lunaire (13e, 14e et 15e jours), et de bien d'autres jeûnes, notamment les 6 jours du jeûne de Shawal.

Ces jeûnes nous permettent également de nous rappeler qu'autour de nous, beaucoup de gens manquent absolument de tout et qu'il n'est pas toujours facile de s'abstenir – surtout de s'abstenir de manger. Et de rappeler que la vie, ce n'est pas seulement le matériel, mais c'est aussi développer des relations verticales vers son Seigneur pour être toujours plus proche de Sa Face.

Pour bien préparer le Ramadan, il faut d'abord commencer à méditer sur ce mois, sur son apport. En effet tous les moments ne se valent pas. Il faut donc accorder aux instants d'exception toute l'importance qui leur sied. Il faut toujours, avant le Ramadan, se rappeler de toute sa signification. La religion musulmane est fondamentalement une religion de mémoire. Il faut toujours convoquer en nous l'histoire de la révélation, l'histoire des premiers musulmans, ceux-là qui ont réussi leur parcours et que Dieu a décrété qu'ils ont effectivement réussi leur parcours. C'est également se rappeler, à travers le référentiel 1er qui est le Coran, l'ensemble de l'histoire de la prophétie. C'est cet exercice qu'il faut faire progressivement : se rappeler, pendant ce mois de Ramadan qui est le mois où Dieu nous a donné la nuit d'Al-Qadr – laquelle permet au musulman de bénéficier de toute sa grâce pour toute l'année.

Bien entendu, pour préparer le mois de Ramadan, il y a l'aspect spirituel. Mais il y a également l'aspect matériel puisqu'il s'agit de pouvoir, tout au long de ce mois, partager avec les autres. Aïcha, la femme du prophète Mohammad (PSL), rappelait que durant le mois de Ramadan le prophète était plus généreux que le vent qui soufflait. Donc on partage les avoirs matériels, mais également la solidarité. Il faut savoir se rendre davantage disponible, auprès de sa famille, auprès des uns et des autres, et savoir également apporter sa contribution aux défis qui sont ceux de nos pays. La pauvretéétant tentaculaire dans nos pays, il faut toujours avoir des réflexions beaucoup plus profondes pour savoir dans quelle mesure on peut travailler à faire reculer ce phénomène, qui rend la vie de nos populations très précaire.

Le mois de Ramadan au Burkina rime avec spéculations : on assiste en effet à la hausse des prix des denrées de première nécessité, notamment le sucre, le riz… Comment comprendre ce phénomène quand on sait que la plupart des commerçants se réclament de confession musulmane ?

J'avoue que c'est une question à la fois simple et difficile. Ce d'autant plus qu'on dit, de façon caricaturale, qu'ici beaucoup de commerçants sont musulmans. On devrait donc s'attendre à des prix beaucoup plus modérés, voire des réductions de prix notamment sur les denrées de base comme le riz, le sucre, l'huile, etc., pour permettre à chacun de pouvoir jeûner aisément durant ce mois de Ramadan.

Mais, c'est également une question difficile parce que nous sommes dans un capitalisme presque sans limite, où beaucoup d'entre nous sont à la recherche effrénée de biens matériels de telle sorte que ce qui semble dominer, c'est la loi de l'offre et de la demande. Donc, si vous êtes dans un marché où, à un moment donné, il y a une forte demande et les denrées, du coup, deviennent rares, mathématiquement les prix ont tendance à aller à la hausse. C'est une logique. Maintenant, comment faire face à cette logique économique ? Faudrait-il commander davantage ? Faudrait-il s'adresser aux grands commerçants pour leur demander de faire parler leur cœur ? Voici des questions auxquelles nous devons apporter des réponses.

Au moment où nous sommes en train de nous apprêter à aller dans le Ramadan, il faudra peut-être aller vers certains grands commerçants et demander à ce qu'ils fassent parler leur cœur. Dans un mois où nous voulons aller davantage vers Dieu, il faut que chacun puisse faire parler son cœur, c'est un mois de partage, un mois de solidarité.

Lors d'une conférence, l'imam Diouf proposait au CERFI et à l'Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB) d'acheter des denrées en grande quantité et de les revendre à un prix acceptable durant ce mois de Ramadan. Qu'en pensez-vous ?

C'est une possibilité. Chaque fois que nous faisons face à des questions difficiles, nous essayons de faire des propositions allant dans tel ou tel sens et de les appliquer. Je crois que l'année dernière nous avions même écrit au Ministre du Commerce pour le féliciter du contrôle des prix qui a permis, un tant soit peu, aux commerçants de garder des prix fixes. Je vois en ce moment des commerçants dire dans les journaux qu'ils vendent leurs produits au prix du gouvernement. Cela semble nous rassurer, et j'invite donc tous les commerçants à s'en tenir aux prix fixés par le gouvernement. Peut-être que ça devrait être le juste milieu. Il faudrait que le gouvernement joue également toute sa partition, comme il l'a fait l'année dernière. Ça devrait permettre de maîtriser la situation.

Après le Ramadan, on se tourne vers les préparatifs du Hadj… Quelle est son importance pour un musulman ?

Comme l'a fait le Messager (PSDL) (NDLR : prophète Mohammad), tout musulman a l'obligation de faire le pèlerinage en lieu Saint, conformément aux injonctions divines dans la sourate 22, sourate Al-Hadj dans les versets 27 à 28. Donc, tout musulman qui en a les moyens doit faire le pèlerinage à la Mecque. C'est un pilier de l'islam (le 5e). Les piliers sont les fondements d'un édifice. Pour que l'édifice soit solide, il faut que les piliers soient effectivement solides. C'est ce qui fait toute la mobilisation autour du Hadj, parce que c'est une obligation divine.

Nous nous retrouvons avec des personnes qui mettent de l'argent de côté pendant 20 à 30 ans pour pouvoir effectuer ce pèlerinage. Cela montre à quel point c'est important pour la vie des musulmans. Et ceux qui en ont les moyens font tout pour y aller. C'est le sens que l'on peut donner à cet acte. Comme la tradition du Messager nous le dit : celui qui fait un pèlerinage agréé n'a de récompense que le paradis. Il est considéré comme s'être lavé de tous ses péchés. C'est comme s'il renaissait. Voilà tout le sens spirituel du Hadj.

Ce pèlerinage a lieu dans la ville sainte de la Mecque, soit le premier lieu saint des musulmans. La tradition musulmane ajoute que la Kaaba qui s'y trouve a été construite par les anges pour Adam, le premier homme. Après le déluge, la Kaaba a été reconstruite, comme il a été dit dans le Coran, par notre père Ibrahim (Asl), le père du monothéisme. C'est toute une histoire, c'est toute une spiritualité.

L'organisation du Hadj au Burkina est chaque année décriée. À votre avis, qu'est-ce qui explique ce « désordre » ?

Je pense qu'il y a plusieurs facteurs. Ce qui me gêne beaucoup dans le Hadj, c'est que l'on n'arrive pas à tirer les enseignements des insuffisances antérieures. Vous savez que le Hadj est aussi vieux que les musulmans dans ce pays ? En principe, chaque année qu'on fait le Hadj, on devrait pouvoir tirer les enseignements de l'organisation antérieure pour les combler au fil du temps. Mais, chaque année, on constate beaucoup d'insuffisances ; puis on reprend, et on constate encore les mêmes insuffisances. C'est ce qui me met mal à l'aise au niveau de l'organisation du Hadj.

Globalement, les musulmans arrivent en Terre Sainte et reviennent. Sur ce plan, on peut avoir un minimum de satisfaction. Mais, on ne peut pas s'en prévaloir. Loin de là. Il y a beaucoup d'insuffisances. Je pense qu'il appartient à chaque acteur, à chaque partie prenante de revoir sa copie. Il faut que les pèlerins s'organisent pour faire respecter leurs droits. Il faut que l'Etat nous accompagne comme il se doit, parce qu'on a sollicité son appui. Il est garant de l'application des droits de chaque acteur. Les associations musulmanes, particulièrement la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), doivent user de tout leur pouvoir moral pour influencer positivement l'organisation du pèlerinage.

Quel est le degré d'implication du CERFI dans l'organisation du Hadj ?

Impliquer c'est trop dire. Mais le CERFI s'invite à l'organisation du Hadj ; c'est de cela qu'il faut plutôt parler parce que le CERFI est une association islamique. Comme toutes les associations islamiques, elle sait que c'est un pilier de la religion et qu'il appartient à chacun d'apporter sa contribution pour une meilleure organisation. Et du reste, comme le dit la tradition musulmane, celui qui ne s'occupe pas des affaires des musulmans n'est pas des nôtres. Nous devons donc nous en occuper ; c'est ce à quoi nous nous attelons tant bien que mal. Nous ne sommes pas l'acteur le plus emblématique pour pouvoir influencer conséquemment l'organisation du Hadj, mais nous avons toujours eu des propositions pour voir dans quelle mesure cela peut s'améliorer.

Maintenant, ce que nous faisons à proprement parler, c'est travailler en amont – au niveau de la formation. Nous avons un cadre ici (NDLR : siège du CERFI), et nous voulons encadrer le fait religieux par la formation. Pour faire un bon Hadj, il faut connaître le Hadj, il faut connaître l'islam. C'est ce que nous faisons à notre siège, et dans l'ensemble des 45 provinces du Burkina, tant bien que mal pour offrir une formation à ceux qui veulent aller au pèlerinage.

En outre, nous avons constaté pendant plusieurs années que les choses n'évoluaient pas dans le sens que nous le souhaitions. Pour ce faire, nous avons essayé de prendre langue avec les autorités pour faire des propositions. Nous avons essayé d'attirer l'attention des associations islamiques pour qu'elles s'impliquent davantage dans l'organisation du Hadj. Et ce que nous avons essayé de faire à notre niveau depuis des années, c'est de connaître tout le circuit du Hadj, depuis le recrutement, la formation, le transport et le pèlerinage en lui-même, pour ensuite faire des propositions concrètes.

Or nous avons constaté des problèmes chroniques, notamment au niveau du choix de l'avionneur, le transporteur. Chaque fois que nous faisons un choix, nous n'arrivons pas à tirer les leçons de ce choix. Si je m'en tiens au Hadj de l'année dernière, l'avionneur avait été choisi dans des conditions peu transparentes puisque l'on n'a jamais su par quelle modalité il avait été choisi. Il faut, je pense, expliquer à l'opinion les modalités de choix de l'avionneur.

On a constatéégalement qu'il n'a pas pu respecter les horaires, ni maîtriser la gestion des bagages. On n'a pas compris comment il a été choisi et on n'a pas compris non plus les difficultés qu'il a pues avoir. Sans doute, chaque partie prenante a sa part de responsabilité. Il faut que l'on définisse de façon précise les devoirs des uns et des autres et, qu'à l'issue de l'organisation, on puisse faire un bilan – reprocher à chacun ses insuffisances, pouvoir le noter et le sanctionner pour que les lendemains soient meilleurs. C'est une condition sine qua none si l'on veut réussir le Hadj.

Vous imaginez un fidèle musulman, un père, une mère, qui économise pendant 20 ans, 30 ans, pour avoir deux millions de francs, partir au Hadj et vivre des conditions pitoyables, à l'aller comme au retour du Hadj, si bien qu'il n'a pas la sérénité nécessaire pour mener ce culte-là. C'est vraiment désolant. Sur cette question, je pense qu'il faut tirer la sonnette d'alarme à l'ensemble des acteurs.

Au regard de cette « cacophonie », qu'est-ce que vous proposez ?

Nous voulons, en ce qui concerne les agences de voyage, que l'Etat soit le garant du respect des cahiers des charges, depuis le Burkina jusqu'en Terre Sainte. Nous voulons également, pour l'avionneur, le respect de son cahier des charges. C'est ce que nous demandons à l'Etat en réalité, qu'il soit le garant de son cahier des charges, qu'il respecte ce cahier des charges. Nous voulons également que le Comité national de suivi, chaque fois qu'il revient, fasse son bilan et le publie. De même nous voulons que chaque agence de voyage soit notée et que cette notation soit connue de tout le public, pour que l'on sache qui fait quoi, et qui fait mal son travail.

Sinon, on ne sait pas qui fait quoi et on remet la faute sur les musulmans. Les musulmans, c'est qui ? C'est celui qui prie dans sa mosquée tous les jours et qui ne sait pas ce qui se passe au Hadj, là-bas ? Il y a des parties prenantes. Et il faut situer les responsabilités de chaque partie prenante et que chacun réponde de ses responsabilités. Il ne s'agit pas de créer une confusion atomique et dire que finalement c'est la responsabilité des musulmans. De qui on parle exactement ? Il y a des parties prenantes qui sont chargées d'organiser le Hadj. Chaque partie prenante a ses responsabilités et s'il y a des manquements, il faut qu'on situe les responsabilités. C'est ce que nous attendons au niveau de l'organisation du Hadj. Mais, malheureusement, on ne le voit pas venir.

Finalement, faut-il que l'Etat s'implique davantage ou se retire progressivement pour laisser les associations islamiques organiser le Hadj ?

Je pense que c'est aux associations islamiques d'exprimer leurs besoins vis-à-vis de l'Etat. C'est un accompagnement que les associations islamiques demandent. Maintenant, l'Etat a son rôle régalien. L'organisation du Hadj, ce n'est pas un deal. Quand quelqu'un manque à son devoir – on l'a vu en Côte d'Ivoire – il faut le sanctionner. En Côte d'Ivoire, c'est l'Etat qui a sanctionné les gens qui ont manquéà leur devoir. Ça, on ne va pas demander à l'Etat de le faire ou de ne pas le faire, c'est son devoir.

Délivrer les passeports, ce n'est pas aux associations islamiques de le faire. Valider la qualité d'un avionneur, ce n'est pas non plus aux associations islamiques de le faire. C'est le rôle de l'Etat. Et il y a des normes en la matière. Il revient donc au ministère en charge des transports de le faire, mais de façon transparente pour valider les avions qui respectent les normes de l'aviation civile internationale. Voilà un ensemble de choses que l'on demande à l'Etat.

Il n'y a pas de solution facile. Que ce soit essentiellement les associations islamiques ou que ce soit exclusivement l'Etat, chaque modalité a ses conditions d'efficience. Il faut choisir l'option et définir les conditions minimales. Une des conditions minimales, c'est de faire le bilan après chaque édition du Hadj et d'en tirer tous les enseignements.

N'y a-t-il pas aussi lieu de s'inspirer des bonnes pratiques dans les pays voisins ?

En Côte d'Ivoire, ils sont en train de boucler – ils ont donné un délai supplémentaire pour s'inscrire. Mais au Burkina, on n'a même pas encore l'avionneur, on n'a pas le prix. Or, on avait demandé de tirer le bilan dès le retour des pèlerins et de commencer assez rapidement le processus d'organisation du prochain Hadj, pour pouvoir avoir un chronogramme précis et permettre aux futurs pèlerins de pouvoir s'inscrire à temps. Ça, c'est le premier élément. Quant au deuxième élément : il faut qu'il y ait plusieurs avionneurs, on ne peut pas se contenter d'un seul avionneur. Sinon l'avionneur exerce son monopole comme il veut. Or il faut qu'il y ait de la concurrence.

Le Hadj s'organise dans beaucoup de pays. On doit être à même de tirer les enseignements au Burkina mais également s'inspirer des bonnes pratiques d'autres contrées et les implémenter ici. Malheureusement, on a l'impression qu'on est sourd à ce qui se passe ailleurs. On ne tire même aucun enseignement de ce qui se passe chez nous. Et ce sont les pauvres pèlerins, sans voix, qui sont victimes. On a l'impression qu'il n'y a personne pour parler à leur place.

Le Hadj permet de mobiliser directement des milliards de francs CFA chaque année, n'est-ce pas l'enjeu économique qui prime sur les autres aspects ?

Je pense que le pèlerinage est l'une des plus grandes activités du Burkina Faso, non seulement du point de vue des mannes financières qu'il engage (10 milliards de francs CFA de mobilisation directe chaque année), mais également du point de vue de la périodicité. Le Hadj implique le déplacement d'environ 5000 pèlerins chaque année. Il faut mobiliser directement 10 milliards de francs CFA. Et quand il y a des milliards en jeu, il y a non seulement les pèlerins qui sont à la recherche de Dieu, mais également les loups qui sont à la recherche effrénée de leur argent. Donc, il faut pouvoir résoudre toute cette équation. Il faut convaincre ceux qui cherchent leur argent qu'on peut bien organiser et faire des bénéfices. Et en même temps exiger que le droit des pèlerins soit respecté.

Cette année, il est question de deux catégories d'agences dans le cadre de l'organisation. Pensez-vous que ça peut permettre d'améliorer l'organisation ?

Je pense que c'est une modalité pour mieux encadrer le processus. Globalement, il y a 12 agences qui font le recrutement et la formation. C'est des poules d'agences qui ont été constituées par le Ministère de l'Administration Territoriale et de la Sécurité (MATS). A priori ça ne pose pas de problème. En revanche il faut que les agences apprennent à collaborer, même si chacun veut se faire des sous. On peut se faire des sous en collaborant avec les autres. Mais il ne faudrait pas que ça entrave la question de la concurrence ; nous voulons aussi qu'il y ait de la concurrence pour que chacun puisse offrir le meilleur de lui-même, afin que les pèlerins puissent choisir.

On voit déjà des communiqués déclarer que certaines agences sont les seules habilitées à faire le recrutement, et d'autres affirmer le contraire...

C'est de la concurrence. Les agences qui ont été identifiées comme responsable de poules veulent se donner le privilège d'être les seules habilitées à recruter. Mais nous nous en tenons aux décisions du MATS. Le président du Comité de suivi a signifié que toutes les agences peuvent recruter, former et faire l'ensemble des procédures pour accompagner les pèlerins au Hadj. Maintenant, c'est pour des modalités pratiques qu'on a organisé les agences en poules. Mais les agences, dans leurs différentes communications, et dans le but de recruter plus, se mettent dans une concurrence qui n'est pas toujours loyale. Je pense qu'il appartient au MATS d'attirer l'attention de l'ensemble des acteurs sur la sérénité que l'on veut dans cette organisation.

Avez-vous un message à lancer ?

C'est de répéter que le Hadj est un pilier de l'islam. Il y a des pèlerins, qui veulent aller exercer leur culte en Terre Sainte, qu'il faut accompagner. Nous souhaitons que toutes les parties prenantes comprennent cela, afin que chaque pèlerin puisse exercer sereinement ce culte. En même temps, nous rappelons qu'il n'est pas interdit de se faire de l'argent, et que ce n'est pas incompatible avec une bonne organisation. Il faut rappeler également aux autorités musulmanes, notamment la Fédération des associations islamiques, qu'elles doivent nécessairement s'impliquer pour trouver des solutions à l'organisation du Hadj. Puisque c'est un pilier de notre religion et que nous ne pouvons pas laisser les pèlerins à leur propre sort. C'est le message que je voulais lancer. Et de souhaiter que l'on puisse, chaque année, tirer les enseignements, sanctionner ceux qui doivent l'être, et ainsi améliorer constamment l'organisation.

Je terminerai par remercier à nouveau Lefaso.net, et formuler mes vœux les meilleurs d'un Ramadan de bonne santé, de piété et bénédiction à l'intention de tous les musulmans et de notre pays.

Entretien réalisé par Moussa Diallo

Lefaso.net


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