Répondant à une question orale sans débat à l'hémicycle le 24 mai 2013 relativement à la règlementation de l'activité d'orpaillage, le ministre Lamoussa Salif Kaboré note au passage que cette activité ne peut être interdite, avant de préciser qu'actuellement, la règlementation prévoit l'encadrement des sites par des opérateurs autorisés.
Dans le cadre du contrôle de l'action gouvernementale prévu à l'article 84 de notre Constitution, les députés disposent du pouvoir d'interpeler les ministres à travers des questions d'actualité, des questions orales avec ou sans débat. Sur la base de l'un quelconque de ces types de question, le ou les ministres interpelés ont l'obligation de répondre.
Et avec la question orale sans débat, le ministre interpelé vient présenter ses éléments de réponse à l'hémicycle sans avoir à répondre à d'autres questions pouvant surgir dans le cadre d'un débat, puisqu'un tel débat est même exclu en pareil cas. Il en a été ainsi le 24 mai dernier avec le ministre des mines et énergie, répondant à une question qui lui a été posée par le député Tamini/ Bihoun Pascaline.
En effet, note-elle à l'attention du ministre, « au regard des avantages de l'orpaillage artisanal tels la création de revenus pour les populations et la lutte contre le chômage des jeunes, comment le gouvernement peut entreprendre la réglementation de ce secteur tout en sauvegardant le niveau de vie des populations concernées ? »
Dans sa réponse, le ministre dira en guise de conclusion que « pour répondre à la question de l'Honorable Député Pascaline TAMINI, on peut dire que pratiquer l'orpaillage dans le respect de la réglementation nationale permet effectivement de procurer des revenus et dans une moindre mesure réduire le chômage des jeunes ruraux ». Telle est donc la réponse du ministre Salif Kaboréà cette question d'une clarté franche et dont la réponse appropriée intéresse plus d'un.
Mais l'on peut bien s'étonner de savoir que l'auteure de la question ait été satisfaite. En effet, l'on est fondéà s'attendre à ce que le ministre présente la stratégie de son département dans l'élaboration d'une réglementation qui tienne compte effectivement des intérêts des populations qui pratiquent l'orpaillage ou qui sont riveraines des sites d'orpaillage. Question mal comprise ou fuite en avant ? L'on peut bien se demander.
Néanmoins dans son argumentaire, le ministre relève que « la réglementation nationale actuelle prévoit un encadrement des sites d'orpaillage par des opérateurs nationaux auxquels il est délivré une autorisation d'exploitation artisanale par l'administration des mines ». Soit ! D'où vient alors le désordre qui sévit dans ce secteur d'activité ?
Silence, on réfléchit !
Le moins que l'on puisse dire à ce jour, c'est qu'une nouvelle réglementation qui soit ferme mais souple, s'impose. Et c'est sans doute dans le souci d'être située sur les démarches concrètes et actuelles pour l'effectivité d'une telle réglementation que le député Pascaline a posé cette question orale d'intérêt national.
Au mieux, il faut encore se contenter d'une annonce de réflexion. «… au niveau de mon département, nous réfléchissons à un cadre réglementaire amélioré du secteur de l'orpaillage de sorte à prendre en compte les intérêts des orpailleurs, des collectivités qui abritent les sites et de l'Etat », a annoncé le ministre Salif Kaboré dans ses développements. Bonne annonce ? Peut-être pour le moral encore.
Si l'on convient que « gouverner, c'est prévoir », l'on comprend difficilement que ce soit maintenant qu'une réflexion serait en cours, pour améliorer un cadre réglementaire que l'on devrait depuis longtemps savoir inadapté. Cela, d'autant plus que le phénomène de l'orpaillage est depuis longtemps, surtout décrié au regard surtout de son cortège de malheurs qui ont pour nom éboulement sur des orpailleurs qui se trouvent ainsi engloutis à jamais, banditisme, prostitution, consommation de drogue, abandon d'école par des élèves, pollution, dégradation du couvert végétal, etc.
L'orpaillage ne peut être interdit
L'orpaillage fait suite à un constat ou à un soupçon d'existence de l'or dans un espace donné. Un tel espace se trouvera ainsi creusé, sinon perforé–à la main notamment- à des centaines de mètres en profondeur, dans l'espoir de glaner quelques kyrielles du métal précieux. C'est donc dire que l'orpaillage est une activité qui naît par spontanéitéà tel ou tel endroit et d'un jour à l'autre.
Cette spontanéité finit de convaincre sur le caractère informel de l'activité pourtant juteuse, du moins pour nombre d'orpailleurs. En effet, l'argument majeur qu'avancent les orpailleurs se rapporte à la recherche de revenus monétaires pour faire face au coût de la vie. Sans doute que beaucoup y gagnent leur pain. En tout cas, l'orpaillage occupe de nos jours plus d'un millions de personnes sur plus de 600 sites répartis à travers le territoire national. Source de revenus et réducteur du chômage ? Ça y ressemble !
L'interdire, serait perçu par les orpailleurs comme une provocation. Ce qui est à tout le moins prévisible, ce sont les tensions sociales, sinon les soulèvements populaires que son interdiction pure et simple peut provoquer. C'est pourquoi la réglementation de cette activité ne devra pas viser à priver les orpailleurs de leur source de revenus. Elle gagnerait mieux à les encourager à exercer leur activitéà travers un schéma organisationnel et selon des règles clairement établies, donc en toute légalité. Et sa mise en œuvre devra être précédée d'une large et suffisante communication à l'endroit notamment des populations cibles.
Fulbert Paré
Lefaso.net