Quantcast
Channel: leFaso.net
Viewing all articles
Browse latest Browse all 85984

Municipalités et lotissements au Burkina : Vers la mort de la poule aux œufs d'or…

$
0
0

La régularisation de la question foncière constitue un enjeu sociopolitique et économique de taille pour les autorités burkinabè. Dans bon nombre de mairies, la gestion des lotissements par les premiers responsables est source de manifestations protestataires et de revendications tous azimuts au point d'empoisonner le climat social. Le pouvoir actuel qui a hérité de ce lourd passif foncier est très attendu. En plus de dessaisir les maires de leurs prérogatives d'organisation des lotissements au profit du ministère de l'Urbanisme et de l'habitat, d'autres dispositions sous la houlette de ce département ont été mises au point afin de procéder à l'apurement effectif de ce passif.

Les lotissements : une poule aux œufs d'or pour les maires

Depuis que le lotissement des collectivités territoriales a été dévolu aux maires, la problématique de la gestion terrienne a toujours défrayé la chronique au Burkina Faso. Détournements et ventes illicites de parcelles, irrégularités dans l'administration des opérations de lotissement, spoliations…, autant de prévarications en matière de gestion terrienne où des responsables municipaux ont été englués, perdant ainsi la légitimité et la légalité qu'ils détenaient auprès de leurs populations et de la loi. En tout cas, ils sont légions les maires qui sont sous le coup de poursuites judiciaires concernant ces affaires de mauvaise gestion des terrains et des baux au Burkina Faso.

Il est en effet difficile pour les gens d'oublier les pratiques illicites qui avaient pignon sur rue lorsque les maires étaient à la manœuvre dans la parcellisation de la terre. Et lors des élections municipales, l'enjeu des opérations de lotissement était au cœur de moult tractations dans la compétition des listings au niveau des partis politiques. Chaque candidat cherchait àêtre bien positionner pour pouvoir bien « profiter » de la situation s'il venait àêtre élu premier responsable de la municipalité. Les opérations de lotissement et la vente des parcelles étaient un véritable terreau de spéculation et d'enrichissement mafieux. Une véritable poule aux œufs d'or, la responsabilité de lotissement détenue par les responsables municipaux en son temps.

Les maires et la gouvernance foncière : une tradition de crise…

En 2011, l'effet boomerang de la gestion des maires en matière de foncier avait atteint une certaine ampleur si fait que Simon Compaoré, alors bourgmestre de la ville de Ouagadougou, avait tout simplement proposé que l'on décharge les maires de cette responsabilité qui les éclaboussait tant. En effet, l'actualité au niveau des communes burkinabè en son temps était fortement marquée par de multiples mouvements d'humeur au sujet des opérations de lotissement dans lesquelles de nombreux maires avaient été compromis.

La suspension des opérations de lotissement par le premier gouvernement de Luc Adolphe Tiao procédait d'une volonté d'exorciser les démons de la fraude et de la spéculation terrienne. Depuis cette période jusqu'à l'avènement du pouvoir actuel, il n'y avait plus eu une quelconque opération de lotissement sur le territoire nationale. La transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des lotissements et des parcelles ont toujours fait partie des revendications à l'occasion des crises ayant secoué le pays, que ce soit sur le plan national ou sur le plan local. Les attentes sont fortes sur cette question, prégnantes elles le sont également.

L'annonce de la mise à mort prochaine de la poule aux œufs d'or à l'Assemblée nationale

Lors du lancement de la première session ordinaire de l'Assemblée nationale le mercredi 2 mars 2016, le président de l'institution à l'époque, feu Salif Diallo, avait annoncé que les maires n'allaient plus administrer la restructuration foncière autrement dit les lotissements au Burkina Faso. L'on se rappelle que l'information en son temps avait marqué l'actualité politique et fait l'objet de plusieurs appréciations. Cette volonté des nouveaux tenants du pouvoir d'écarter les maires des opérations de lotissement, bien que diversement appréciée, aura toutefois rencontré l'assentiment d'une population qui dans sa majoritéétait grognarde de la concussion flagrante de ses représentants locales.

Bien entendu, si la décision donne satisfaction à des gens, pas si sûr qu'elle enchante ceux-là même qui s'étaient inscrits dans une logique de profiter tant que c'est possible de leur mandat municipal pour faire des affaires sur les baux et les lotissements de leurs zones de compétence. Du coup, l'on peut se demander si l'intérêt autour des postes municipaux aura toujours la même cristallisation ? Ce n'est pas évident !
En plus de dessaisir le maire de la responsabilité de lotir, les parlementaires de la VIIe législature avaient annoncé vouloir, par le biais d'une commission d'enquête, faire un diagnostic sans complaisance du foncier aussi bien rural qu'urbain. Cette commission parlementaire avait été effectivement en place le 14 juin 2013, fait son travail pendant 90 jours et remis les résultats.

Dans leur travail, les commissaires enquêteurs ont relevé plus de 105 000 parcelles entachées d'irrégularités dans l'ensemble des localités enquêtées sur la période 1995 - 2015. Des cas de lotissements de sites sans autorisation, de morcellement (d'espaces verts, de marchés et yaars, de terrains de sports et de réserves administratives sans autorisation), des occupations illégales, des extensions qui ont été réalisées après les lotissements sans l'aval des ministères compétents, des changements de destinations sans autorisations…, c'est la kyrielle d'irrégularités et de pratiques illicites qui a été révélée à l'issue de cette enquête parlementaire dont le rapport a été remis le 13 octobre 2017. « Le constat général qui se dégage est que de nombreuses opérations d'urbanisme ont été réalisées en violation de l'article 98 de la loi n°017-2006/AN portant code de l'urbanisme » dit sans détour ce rapport.
L'apurement de ce passif lugubre est certes objet de toutes les attentes. Mais des réformes cohérentes avec un encadrement juridique conséquente pour que de telles pratiques illégales et anarchiques ne se produisent plus sont également et surtout attendues par les Burkinabè. Comment les gouvernants actuels y travaillent ?

Les solutions du ministère de l'Urbanisme et de l'habitat : vers la mort certaine de la poule aux œufs d'or

L'on sait qu'en ce qui concerne l'apurement du passif, le gouvernement a créé en sa séance du 29 décembre 2016 une commission interministérielle pour s'en charger. Cette commission composée de 6 départements ministériels, présidée par le Premier ministre et installée le 10 mars 2017 dernier est déjàà pied d'œuvre avec des commissions ad hoc installées dans toutes les régions afin de réussir sa mission. Arriver à dépassionner la gestion problématique ou chaotique de la terre et lui trouver vraiment des solutions idoines afin d'exorciser les frustrations et les rancœurs qui se fermentent depuis, c'est tout le mal que l'on souhaite à cette structure interministérielle.

Au demeurant, dorénavant l'administration des opérations de restructuration devrait être organisée sur des ressorts de transparence et d'équité. Et sur cette question, le gouvernement est très attendu. Selon le ministre de l'Urbanisme Dieudonné Maurice Bonanet, des travaux de réflexion ont été menés sur l'encadrement juridique des lotissements et des attributions de parcelles. A l'occasion d'une interview récente, le premier responsable du département de l'Urbanisme et de l'habitat a expliqué qu'effectivement le temps des maires dépositaires exclusifs des opérations de lotissement et des baux est désormais révolu.

Ainsi que Gorba l'avait annoncé le 02 mars 2016, les maires ne sont plus les administrateurs spécifiques des lotissements dans leurs terroirs. Et dans le cadre de la commission interministérielle, la solution proposée est de créer désormais des commissions transversales et collégiales d'administration des opérations de restructuration de sortir à en garantir au maximum la transparence, la légalité et la légitimité. Certes, dans ce processus, les premiers responsables des collectivités locales ne seront pas émargés. Mais ils n'en sont plus les seuls détenteurs. « Il faut reconnaître que notre encadrement juridique est à resserrer de manière à ce que nous puissions trouver désormais remèdes aux problèmes et même les anticiper. A partir de maintenant, nous n'allons plus permettre qu'un individu à lui seul dispose des centaines, voire des milliers d'hectares rien que dans la perspective de la spéculation foncière » soutient le ministre de l'Urbanisme et de l'habitat.

D'ores et déjà, dans cette dynamique, la volonté d'assainir le secteur, selon le ministre, les a amenés (lui et son personnel) à initier dans des structures comme la SONATUR le tirage au sort d'attribution des parcelles. Cette initiative qui procède d'une vision de transparence et d'équité a été rééditée à Gaoua dans le cadre de la célébration du 11-Décembre 2017.

La législation en gestation en amont dans le cadre de la commission interministérielle et en aval en conseil de ministres viendra parachever l'époussetage d'un secteur qui aura constitué pendant une caverne d'Ali Baba pour les maires au Burkina Faso. Il faut véritablement une nouvelle politique véritable en matière de gestion terrienne au Burkina Faso. Le pouvoir actuel y joue sa crédibilité ? Serait-il vraiment à la hauteur ? En tout cas pour le ministre de l'Urbanisme et de l'habitat, il faut y croire : les aspirations des populations seront honorées.

KAMMANL
Lefaso.net


Viewing all articles
Browse latest Browse all 85984

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>