
Les enjeux des avertissements sanitaires graphiques sur les paquets de cigarettes au Burkina Faso. C'est l'objet de la rencontre de ce samedi 9 septembre 2017, initiée par le Réseau des journalistes pour la lutte antitabac au Burkina Faso (REJAT-BF), en collaboration avec l'ONG Afrique contre le tabac (ACONTA). Au cours de cette rencontre d'information sur la lutte antitabac, les journalistes se sont penchés sur le rôle actif des médias contre le tabagisme, les entraves à l'évolution de la lutte au Burkina, et la dynamique mondiale contre le tabac.
Khalil Traoré, celui qui coordonne aujourd'hui l'Association burkinabè d'aide contre le cancer tabagique (ABACT), a été un amoureux de la cigarette, durant 32 ans. « Lorsque je demande à quelqu'un de ne pas fumer et qu'il me demande pourquoi ; je lui demande, tu as 17 millions. Il n'est pas donnéà tout le monde d'avoir la chance que j'ai eue » souligne-t-il.
A l'époque, dit-il : « Je crois que je suis à même de mettre ma main au feu, en affirmant que je n'ai jamais fait 72 heures sans fumer pendant ces 32 ans, en raison d'un paquet par jour. J'ai arrêté de fumer le 11 octobre 2003, le cancer est survenu en 2011 » témoigne-t-il. Près de huit ans après avoir abandonné la cigarette, monsieur Traoré en a payé les frais. Depuis 2012, il porte les stigmates d'un cancer de la gorge.
Après avoir subi une ablation du larynx et des cordes vocales, il s'exprime aujourd'hui à travers un appareil phonatoire. Et le coordonnateur général de l'ABACT, d'interpeler les amoureux de la cigarette. « Il faut se défaire de cet amour qui existe entre le fumeur et la cigarette. C'est le plus grand amour, la cigarette qui brûle pour toi et toi qui meurs pour la cigarette ». Et c'est pour sauver des vies, que monsieur Traoré a décidé de faire de la lutte contre le tabagisme, son principal combat, en mettant en place une association dont la mission principale est d'assister les personnes atteintes par le cancer tabagique.
6,3 millions de décès par an
Chaque année, ce sont environ 6, 3 millions de personnes qui meurent prématurément de maladies liées au tabac, dans le monde. Et selon les données, si les tendances actuelles se poursuivent, le tabac tuera plus de 8 millions de personnes par an d'ici 2030, dont 80% dans les pays en développement. Pourtant, au Burkina, « la lutte contre le tabac traverse une phase difficile » a signifié Dr Larba Théodore Kangoye, personne ressource en matière de lutte antitabac. « J'ai vu évoluer cette lutte pendant un certain nombre d'années. On a engrangé pas mal d'acquis, il faut s'en féliciter, mais depuis quelques temps, on marque le pas et qui marque le pas, recule. Le Burkina est à cette phase en raison des interférences de l'industrie du tabac », a-t-il ajouté.
- Salif Nikièma coordonateur de ACONTA
Pour le coordonnateur de l'ONG ACONTA , Salif Nikièma, le plus grand challenge est que le Burkina puisse mettre sur le marché, des paquets de cigarettes qui sensibilisent les consommateurs et plus précisément, les plus jeunes qui consomment ces produits sans savoir réellement, ce qu'ils causent comme conséquences sanitaires à l'avenir .
Et si l'arrêté sur l'apposition des avertissements sanitaires graphiques sur les paquets et les cartouches de cigarettes peine àêtre effectif au Burkina, depuis 7 avril 2016, Salif Nikièma soutient qu'il y a de la désinformation autour de la question.'' Elle (industrie du tabac) soutient qu'en mettant les images sur les paquets de cigarettes, cela va contribuer à la fermeture des usines de tabac. Ce qui est important à souligner, c'est que cette industrie existe dans d'autres pays, où elle accepte d'apposer les images sur les paquets de cigarettes » a-t-il indiqué, citant l'exemple du Sénégal. « Cela nous amène à nous poser des questions, est-ce l'Etat qui est laxiste où c'est l'industrie du tabac qui doit dicter sa loi au Burkina » s'est-il interrogé.
Entre intérêts commerciaux et santé des populations
- Dr Larba Théodore Kangoye
Si la lutte contre le tabac fait face à de nombreux obstacles, Dr Kangoye soutient qu'Il faut néanmoins, continuer à sensibiliser les populations et rester vigilant face à l'industrie du tabac qui a « mille tactiques de nous empêcher d'avancer pour ses intérêts ». Et d'ajouter que : « il faut que tout le monde prenne conscience, notamment les dirigeants, que dans la gouvernance, lorsqu'il s'agit d'un conflit entre intérêts commerciaux et santé publique, on ne doit pas hésiter à prendre cause pour la santé».
Pour Abdoul Wahab Nombré, Secrétaire exécutif du Réseau des journalistes pour la lutte antitabac au Burkina Faso (REJAT-BF), il était important de sensibiliser l'opinion sur les conséquences induites par la consommation du tabac. Raison pour laquelle, les membres du réseau ont tenu la présente rencontre pour revisiter les textes qui existent en matière de lutte antitabac. La finalité majeure selon lui, étant d'adapter le plan d'action au contexte du moment.
Nicole Ouédraogo
Lefaso.net