Comme il fallait s ‘y attendre, le débat sur la création d'un Sénat au Burkina est vif. Et pour cause les opinions sont partagées. Au ‘'Cisag'', le Conseil d'information et de soutien aux actions du gouvernement, l'on est ‘'pour''. Son président, Ouédraogo Issaka, se justifie, de même qu'il s'exprime sur la récente augmentation du prix du gaz butane par rapport à laquelle il estime que le gouvernement n'avait pas le choix.
Lefaso.net : Issaka Ouédraogo, vous êtes le président du Conseil d'Information et de Soutien aux Actions du Gouvernement (CISAG), pouvez-vous nous présenter votre organisation ?
Issaka Ouédraogo (IO) : Le CISAG est une organisation de la société civile dont la reconnaissance officielle a été matérialisée par le récépissé numéro 97-263/MATS/SG/DGAT/DLPAJ, elle intervient comme l'intitulé de son sigle le dit si bien, dans des actions d'informations pour mieux sensibiliser les populations sur le bien-fondé de certaines mesures gouvernementales qui sont souvent malheureusement mal comprises par les populations.
Nous intervenons aussi et cela de manière très active par des plaidoyers auprès des décideurs gouvernementaux pour les orienter très souvent sur les attentes réelles des populations dans les prises de certaines mesures.
Aussi nous attirons la très haute attention du gouvernement quand il y a des dérives graves avérées de certains de ses membres.
Enfin nous intervenons dans le social en soutenant des personnes âgées, des indigents, des veuves et orphelins et parrainons des écoliers, des élèves et étudiants en payant leurs inscriptions et les dotant de Kits scolaires, etc…
Lefaso.net : Vous agissez alors comme des conseillers externes du gouvernement si je comprends bien ?
IO : Exactement, sauf que nous n'émargeons pas au Trésor public, car nous faisons du bénévolat et nous pensons que c'est notre pierre que nous apportons à la construction du pays.
L'association vit sur la base des cotisations de ses membres, des dons et des legs de personnes de bonne volonté qui apprécient la noblesse de nos actions.
Lefaso.net : Quand on se réfère à la date de création, votre organisation existe mais on ne vous voit pas sur le terrain. Comment expliquez-vous cela et n'est-ce donc pas un peu prétentieux de votre part de vous arroger un droit de regard sur la conduite du gouvernement et de ses membres ?
IO : vous savez qu'on dit très souvent que ce sont les tonneaux vides qui font beaucoup de bruit, et cela s'applique à notre cas.
Vous savez si vous catégorisez les associations de la société civile il y a de mon point de vue trois types : Le premier type est constitué d'associations qui sont obligées de faire du tapage dans la presse ou même d'inviter la presse pour couvrir des évènements qui ne réunissent pas plus de 10 personnes.
Elles, elles sont obligées de justifier les financements qu'on leur donne.
Le deuxième type est constitué d'associations qui ont besoin de légitimer leur existence par une visibilité pour leur propre gouverne pour certaines et pour avoir accès aux portes des bailleurs de fonds pour d'autres.
Le troisième type est constitué d'associations qui travaillent comme on le dirait dans l'ombre et qui se préoccupent essentiellement des résultats à atteindre et non d'autre chose et c'est notre cas…
Lefaso.net : Qu'est-ce qui vous a motivéà choisir un objectif aussi ambitieux et controverséà la fois surtout dans le contexte actuel du Burkina, ce d'autant plus qu'il y a des structures comme la Fedap-bc qui elles aussi revendiquent une certaine légitimité.
IO : Je m'attendais à ce que vous me disiez plutôt un objectif aussi noble. Vous voyez qu'il y a des gens qui choisissent d'être actifs sur le plan politique et dans ce cas vous trouvez des pro-pouvoir des anti-pouvoir et des neutres. Certains sont actifs dans le monde syndical, associatif, religieux etc.
Vous par exemple vous avez choisi de rendre compte du pouls de la citéà vos lecteurs en optant pour le métier de journaliste.
Le point de vue qui a motivé notre choix est que dans le contexte de la démocratie, le gouvernement est l'émanation de la volonté populaire. Et si la majorité, parlant de la population, a donné son quitus à un parti de mettre en œuvre son programme politique ; il y a de notre point de vue lieu qu'on l'accompagne pour qu'au bilan nous puissions ensemble évaluer les acquis et les insuffisances, et si les résultats sont bons c'est le peuple qui va lui renouveler sa confiance mais si les résultats sont mauvais c'est encore le même peuple qui va accorder ses suffrages à un autre parti et l'aventure démocratique continue. C'est le principe du jeu démocratique et nous devons commencer à nous éduquer dans ce nouveau moule qui implique le respect de certains principes, des droits et des devoirs. C'est à prix que nous réussirons à assurer une paix sociale durable dans une concorde nationale parfaite.
Si donc, disais-je, le peuple accorde sa confiance à un groupe politique nous devons en bons citoyens respecter le choix du peuple et accompagner de toutes forces ce gouvernement.
Lefaso.net : Vous voulez dire que vous ne travaillez pas pour le CDP et que votre action accompagnera le remplaçant éventuel du CDP en cas d'alternance ?
IO : Si c'était une note pour vous évaluer je vous donnerai 10 sur 10 car vous avez compris que nous nous sommes inscrit dans la continuité et donc dans une dynamique de pérennité de l'Etat.
Lefaso.net : Que pensez-vous alors de la récente augmentation du prix du gaz butane ?
IO : Je suis avant tout un consommateur burkinabè et de ce point de vue je suis également frappé par le fouet de cette augmentation.
Je suis ensuite membre du CISAG et de ce point de vue au nom de notre philosophie, j'opère un recul pour analyser la situation la tête froide. Et là en ma qualité de citoyen et patriote je me mets à la place du ministre du Commerce pour imaginer combien cela doit être difficile d'annoncer une telle mesure impopulaire car induisant une cherté de la vie. Il aurait à annoncer les prévisions météo, le bilan de la pluviométrie, l'état de la promotion de la femme au Burkina, le nombre de km de routes et de pistes rurales ou le nombre de barrages à construire ou encore la situation de l'évolution des droits humains au Burkina Faso qu'il n'aurait pas la même charge psychologique.
C'est comme si quelqu'un venait vous annoncer un décès ; celui qui vient vous l'annoncer n'est pas l'auteur du meurtre. Et que ce soit par lui ou par quelqu'un d'autre l'annonce vous sera faite et le cadavre devra être enterré.
Mais je réalise en même temps que le Burkina Faso
n'est pas un Pays producteur de Pétrole ;
n'a pas accès à la mer et est en moyenne à 1000 Km du port le plus proche ;
est arrivéà assurer une certaine stabilité du prix du gaz depuis très longtemps ;
malgré l'augmentation se retrouve être le deuxième pays ex-aequo avec la Côte d'Ivoire après le Niger ou le kg est le moins cher alors que ces deux pays cités sont des pays producteurs de pétrole ;
est cité en exemple dans des pays non loin de chez nous ou les associations de consommateurs ne comprennent pas pourquoi le gaz coûte moins cher ici que chez eux ;
n'est pas auteur de cette augmentation mais est une victime collatérale des fluctuations du pétrole au plan mondial ;
achète le gaz plus cher qu'il n'est vendu au Burkina.
Tout ce que je dis-là n'a pas été inventé et peut être vérifié pour peu qu'on ait le réflexe de la rigueur et du souci de l'information vraie et juste. Vous les gens de la presse qui aimez fouiller je vous mets au défi de me contredire sur ces affirmations.
Et pour aller plus loin, si on doit faire une comparaison ou le classement par ordre croissant du prix du kg de gaz pour certains pays de la sous-région on aura : Niger 300 F CFA, Burkina Faso et Côte d'Ivoire 400 F CFA, Togo 440 F CFA, Sénégal 624 F CFA, Mali 639 F CFA et le Bénin 645 F CFA.
Au regard de tout ce qui a été dit avant, je crois qu'à moins de vouloir trouver vraiment des poux sur une tête rasée on n'a pas à en vouloir au gouvernement. Nous sommes certes touchés par la mesure car notre pouvoir d'achat prend un coup mais de làà ne pas vouloir comprendre que le gouvernement ne pouvait pas faire autrement je trouve que c'est de la malhonnêteté citoyenne.
Lefaso.net : Mais que répondez-vous aux gens qui demandent à ce que le gouvernement ait le courage de comparer aussi les salaires dans les pays que vous avez cités ?
IO : A ce sujet je crois qu'il n y a pas àépiloguer inutilement sur des faits têtus. Cela ne fait l'ombre d'aucun doute que certains de ces pays traitent mieux leurs salariés qu'au Burkina Faso et partant cela confirme du même coup que tout est un rapport de proportionnalité et que les salaires y sont payés par rapport au niveau de vie. Il faut préciser que les salaires et le niveau de vie sont eux-mêmes tributaires des ressources propres à chaque pays. Il y a d'autres considérations qui sont prises en compte. Je prends le cas du Niger ou à cause de l'uranium et du pétrole les salariés demanderont toujours des salaires plus élevés. Mais ce ne sont pas les salaires élevés qui justifieront qu'ils paieront plus cher tous les produits car ils refuseront paradoxalement de payer le gaz et les hydrocarbures chers parce que leur pays en est producteur. Voilà la réalité. Les choses ne sont pas aussi simples qu'on le croit.
Lefaso.net : Etes -vous d'accord avec le projet de création d'un Sénat qui fait tant de bruit actuellement ?
IO : Naturellement, nous ne voulons pas dire le dire, nous sommes d'accord. Et je crois aussi que pour ceux qui sont contre le projet de création du Sénat, c'est leur droit le plus absolu ; mais je persiste et signe pour dire que l'argument de la suppression du sénat Sénégalais n'est pas un argument qui puisse empêcher que nous fassions l'expérience d'un Sénat au Burkina.
Quelle malhonnêteté intellectuelle ! Les mêmes qui nous disent de ne pas comparer le prix du gaz trouvent enfin là, un motif de comparaison.
Pour ceux qui crient à la cherté de cette institution, je crois qu'ils perdent de vue le fait que la démocratie coûte cher.
Après la parenthèse révolutionnaire de notre histoire, il faut noter que plusieurs voix s'étaient élevées à l'époque pour dire haut et fort que l'assemblée nationale est une institution budgétivore et qu'il ne fallait pas jeter l'argent du peuple dans un instrument de l'impérialisme.
Remarquez que cette institution, parlant du Sénat bien sûr, fonctionne très bien dans d'autres pays africains et je crois qu'il faudrait prendre exemple sur eux et non se focaliser sur le cas du Sénégal dont Maky SALL redoutait un contrepouvoir à son pouvoir. Pour la raison avancée au Sénégal, ce sont des raisons d'intrigues purement politiques qui ont conduit à son abandon.
Je conclurai sur ce point en disant que nous sommes non seulement entièrement d'accord avec le projet de création du sénat mais aussi et surtout avec tous les autres projets de loi gouvernementaux que nous jugerons à même d'améliorer la vie des burkinabé et l'univers institutionnel du Burkina.
Interview réalisée par Juvénal Somé
Lefaso.net