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Le pouvoir des Premiers ministres au Burkina

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Le Burkina Faso indépendant est à son neuvième Premier ministre (PM). Ils ont connu des fortunes diverses en fonction du contexte et de leur poids politique.

Le Duc du Yatenga, Gérard Kango Ouédraogo (GKO), a été le premier à occuper le poste de Premier ministre sous la Haute-Volta indépendante. Il assume le poste de 1971 à 1974 sous la deuxième république. Pendant cette période, il présidait aussi le bureau politique du parti dominant, le RDA. La constitution du 14 juin 1970 donnait des pouvoirs étendus au Premier ministre. Ainsi elle stipule que « le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation. Il arrête les lignes directrices de la politique et en porte la responsabilité…» (article 60) et l'article 61 précise qu'il « préside le Conseil des ministres et dirige les travaux du gouvernement…».

Le Premier ministre est le véritable détenteur du pouvoir exécutif. Ses pouvoirs exorbitants étaient néanmoins tempérés par le contrôle réel sur le gouvernement conféré par la constitution à l'Assemblée nationale. C'est elle qui, sur proposition du président de la république, investit le Premier ministre et le gouvernement est responsable devant elle. Ce contrôle pouvait s'exercer aussi à travers la motion de censure et le refus de confiance. A l'issue des élections législatives du 20 décembre 1970, le RDA rafle 37 des 57 sièges en jeu. Investi en février 1971, Gérard va faire face à la rivalité de son camarade du parti, Joseph Ouédraogo dit Jo Ouéder qui, lui, est à la tête de l'Assemblée nationale.

Le président Lamizana, confiné au rôle d'arbitre par la constitution, n'hésitera pas à mettre fin aux querelles des deux en fomentant un coup d'Etat le 8 février 1974.

La troisième république a connu également un seul Premier ministre en la personne de Issouf Joseph Conombo. Il occupa le poste entre 1978 et 1980. Il n'a pas de réels pouvoirs contrairement à son homologue de la deuxième république. La constitution fait de lui le subordonné du président de la république. Dans le parti également, le premier ministre ne jouit pas d'une grande influence. Le RDA reste dominé par les deux clans rivaux (GKO et Jo Ouéder) jusqu' à la scission de l'ex-président de l'Assemblée nationale qui n'a pas supporté que le parti soutienne la candidature du général Lamizana à la présidentielle de mai 1978.

Après le second tour, le président laisse à son premier ministre le soin de gérer les différentes grèves qui secouent le pays. Il va mal s'illustrer en les stigmatisant. Finalement, une fraction des officiers de l'armée va saisir l'aubaine des grèves pour mettre fin à la troisième république. Entre le 25 novembre 1980 et le 11 juin 1991, cinq régimes militaires vont se succéder à la tête du pays. De tous ces régimes, un seul, le CSP I, a connu un premier ministre en la personne du capitaine Thomas Sankara, nommé en janvier 1983. C'est une exception qui s'explique par les circonstances politiques du moment. Thomas Sankara est imposé premier ministre en janvier 1983 par l'aile progressiste de l'armée qui cohabitait dans le même régime avec l'aile dite modérée ou conservatrice.

Le coup d'Etat du 7 Novembre 1982 n'ayant pas eu de chef incontesté, c'est par vote que les militaires choisissent le président. C'est le candidat du camp progressiste, le médecin commandant Jean-Baptiste Ouédraogo, qui l'emporte face à l'autre camp incarné par le colonel Somé Yorian Gabriel. Mais très vite, à la nomination de Sankara, Jean-Baptiste passe dans l'autre camp, certainement frustré d'être écrasé par son bouillant Premier ministre. Ce dernier va en effet imprimer sa marque à la primature comme un chancelier ou un Premier ministre britannique, laissant le président inaugurer les chrysanthèmes.

On peut dire que de tous les premiers ministres, Sankara fut celui qui a réellement eu du poids dans son régime et de l'influence sur la gestion des affaires publiques malgré la brièveté de son magistère (quatre mois). Son arrestation le 17 mai 1983 met fin à la dualitéà la tête de l'Etat et déclenche en même temps une crise politique aiguë qui va se dénouer avec la prise du pouvoir des « progressistes » le 4 Août 1983. De Premier ministre déchu, Sankara devient président de la république. C'est encore une exception. Il est le seul premier ministre qui ait réussi à devenir président.

La 4ème république est celle qui a battu tous les records, six premiers ministres. Les deux premiers n'ont pas eu une longue longévitéà la primature. Deux ans pour chacun d'entre eux (Issouf et Roch). Leurs successeurs (Kadré, Paramanga, Tertius) ont fait respectivement quatre, sept et quatre ans dans le poste. De tous les chefs de gouvernement de la 4ème République, Roch a été celui qui avait véritablement du poids dans le système. Son influence au sein du parti était incontestable. Au milieu des années 90, c'était le dauphin naturel du président Compaoré. Les gardiens du temple ont vite fait de circonscrire son influence en le débarquant de la primature et en faisant adopter l'amendement constitutionnel de janvier 1997 qui saute la limitation du nombre de mandats présidentiels, coupant court à ses ambitions de remplacer Blaise Compaoré comme candidat du système.

Après son éviction à la primature, il a été mis en réserve du système et c'est la crise consécutive à l'assassinat de Norbert Zongo en décembre 1998 qui va le ramener à la surface politique. Entre temps annoncéà la tête du gouvernement, c'est finalement le parti et le perchoir de l'Assemblée nationale qui vont lui échoir pendant plus d'une décennie. Jusqu'aujourd'hui, c'est le seul premier ministre de la 4ème République qui ait eu un rôle prépondérant dans le parti. Kadré et Tertius n'ont jamais eu de mandat électif et étaient à la périphérie du parti. Quant à Paramanga, son ascension a été tardive et était éclipsé par son ex mentor Salif Diallo, ministre d'Etat de 2002 à 2008 sans discontinuer. L'actuel PM ne pèse pas non plus dans le parti. Au dernier congrès de mars 2012, il est fait conseiller politique au même titre que les « bannis » du parti.

Le parti est entre les mains de François Compoaré assisté ou représenté par le clerc Assimi Kouanda. Luc Adolphe Tiao, journaliste de formation, n'a jamais dépassé le rôle d'observateur au sein du parti. Il s'était même mis en retrait du parti entre 2001 et 2008 quand il présidait le Conseil supérieur de la communication (CSC). Il n'a pas eu le temps de reprendre pieds dans le CDP et puis il est nommé ambassadeur à Paris jusqu'en 2011. Sa marge de manoeuvre comme PM n'a duré qu'une année, le temps de calmer la grogne sociale et militaire. Les véritables détenteurs du pouvoir ont repris leur commandement. Son dernier gouvernement en est le reflet. Il avait perdu le contrôle de sa formation(cf Mutations N°20 du 1er janvier 2013) et aujourd'hui, il subit l'agenda de ses mentors à l'instar du désaveu cinglant qui lui a été infligé dans le bras de fer avec le SYNTSHA.

Abdoulaye Ly MUTATIONS N° 28 du 1er mai 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com . site web : www.mutationsbf.net)


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