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Les alternatives possibles de l'opposition politique burkinabè et la représentativité de la diaspora au Sénat

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Alors que le texte sur la création du Sénat sera examiné en discussion à l'Assemblée Nationale le 21 mai 2013, de nombreuses voix s'élèvent au sein de l'opposition politique burkinabè et ailleurs, pour manifester une désapprobation pour la création du Sénat que l'actuel Chef de file de l'opposition politique au Burkina Faso considère comme « non prioritaire » par rapport aux préoccupations immédiates des populations Burkinabè pour être, par ailleurs, dit-il, « budgétivore ». Le point de vue de Me Paul Kéré, avocat au Barreau de Nancy, Délégué des Burkinabè de l'extérieur.

Si cette position de principe paraît, à première vue, séduisante et populaire dans un pays où assurer un repas quotidien dans certaines contrées constitue un véritable problème existentiel et un « casse-tête » burkinabè, à y regarder de près, la mise en place du Sénat, outre le fait qu'une telle institution est, à l'heure actuelle, la seule à vouloir associer la diaspora Burkinabèà la gestion de la chose publique, risque de se révéler une nouvelle « feinte politique » de la majorité présidentielle en raison, notamment, de la carence « congénitale » de l'opposition politique à faire face judicieusement aux mutations politiques de notre pays, pour avoir, notamment, loupé le « train » des travaux du Conseil Consultatif sur Les Réformes politiques (CCRP). Et ce n'est nullement une quelconque critique vis-à-vis de l'opposition, loin s'en faut, mais au contraire, un affligent constat.

En effet, l'opposition politique d'alors, en se refusant ouvertement de participer à ces travaux du CCRP, a, ainsi, durablement engagé sa responsabilité politique. Et pour cause, Maître Bénéwendé Stanislas SANKARA ainsi que certains partis d'opposition et pas des moindres auraient dû prendre la décision clairvoyante de participer à ces travaux du CCRP de manière àélever une voix discordante qui aurait fait de la création du Sénat une proposition non-consensuelle. Ce qui aurait, indéniablement, empêché la création du Sénat…à l'instar de toutes les autres propositions non consensuelles dont on connaît le sort…même si le Président du Faso a précisé que les « discussions se poursuivaient…»

Faute pour l'opposition politique d'avoir participé aux travaux du CCRP en pratiquant ainsi la politique de la chaise vide, elle s'est faite, elle-même, ara quiri, cette politique se révélant toujours désastreuse. Monsieur Zéphirin DIABRE, qui vient de succéder à Me Bénéwendé Stanislas SANKARA ne pouvait donc qu'assurer un tel héritage politique lourd de conséquences ou l'assumer si telle était aussi sa position à l'époque.

Mais en réalité, au fond, ce n'est pas tant le principe de la création du Sénat que de son caractère « budgétivore » qui exaspèrent les opposants politiques Burkinabè. Il y a plus…

Ce sont, d'une part, les particularités des modalités de désignation des Sénateurs et, d'autre part, surtout, en raison de ce que le Patron du Sénat EST le successeur constitutionnel du Président du Faso. Ne nous voilons pas la face ! En effet, le Président du Faso à lui seul, es qualité, a droit à la désignation de 31 sénateurs. Et, il est indéniable que les 39 autres Sénateurs qui seront issus des collectivités territoriales seront, quel que soit le mode de scrutin usité, de « facto » ou de « jure », favorable au Parti Présidentiel, grand vainqueur des dernières élections municipales.

Dans ces conditions, comme un Médecin après la mort de son patient, il n'est pas surprenant que les opposants politiques Burkinabè donnent de la voix, à défaut d'avoir participé aux travaux du CCRP pour empêcher ce qu'ils considèrent, visiblement, à tort ou à raison, comme une tentative de « rapt » politique de la succession du Président Blaise COMPAORE même s'il faut se garder de commenter un fait non réalisé.

Cependant, il reste à l'opposition politique Burkinabè, qui s'est faite copieusement « dribblée » sur le principe de la création du Sénat en s'abstenant de participer aux travaux du CCRP et en pratiquant aussi la politique de la « chaise vide », à atténuer une quelconque nouvelle « feinte » lors des discussions à l'Assemblée Nationale qui est le lieu de prédilection du débat politique démocratique par excellence. En prenant, une nouvelle fois le risque de l'usage de la politique de la chaise vide, il est à craindre que l'espoir d'une probable alternance politique « semi-lointaine » ne s'envole définitivement…au grand dam du parti majoritaire qui a vocation, faut-il le rappeler, à l'instar de tout parti au pouvoir, à conserver le pouvoir d'Etat.

L'opposition doit donc aller débattre démocratiquement au sein de la représentation nationale au lieu de se résigner sur le pouvoir régalien du Président du Faso qui a droit, à lui seul, à la désignation de 31 Sénateurs. C'est d'ailleurs là que la critique des opposants sur le caractère démocratique du Sénat serait, le cas échéant, plus pertinente. En effet, si on considère que la démocratie est la loi du plus grand nombre, ce qui sous entend qu'une seule voix a droit à un seul vote, ce pouvoir régalien présidentiel de désignation de 31 Sénateurs risque d'entacher vraisemblablement le caractère « démocratique » du Sénat, même si le Président du Faso n'est pas un électeur ou un citoyen ordinaire en raison même de ses attributions présidentielles.

Ainsi et afin d'atténuer cette pesanteur, et conformément au discours politique de Ouahigouya de 2009 du Chef de l'Etat, lequel a prôné une large ouverture du débat démocratique, il conviendrait que le texte définitif précise ceci : Le Président du Faso fera usage certes de son pouvoir discrétionnaire de désignation de ces 31 Sénateurs mais seront pris en considération, non pas seulement des membres du Parti majoritaire, mais aussi certaines personnalités que le Président du Faso jugera lui-même digne d'intérêt tant de la société civile (chefs coutumiers, autorités religieuses, syndicats, patronat et la diaspora) que des membres de l'opposition politique républicaine. Cela aura, sans doute, le mérite d'assurer un meilleur fonctionnement de l'institution sénatoriale si ce Sénat est créé.

Enfin, eu égard à l'importance de la représentativité de la diaspora, et à la faveur de la création du Sénat, il était souhaitable d'associer, enfin, les membres de cette diaspora dans la composition du Sénat même si le nombre de 5 prévu pour le quota de la diaspora Burkinabè du monde entier paraît dérisoire.

Ceci étant, il conviendrait de compter sur la bienveillance habituelle du Président du Faso pour un nécessaire rééquilibrage en faveur, notamment de la diaspora, « parent pauvre » de la représentation populaire Burkinabè depuis l'adoption de la loi fondamentale du 2 juin 1991.

Les travaux parlementaires du 21 mai prochain doivent donc dégager des pistes claires, nettes et précises afin de permettre à chaque citoyen Burkinabè de se prononcer définitivement sur les avantages et les inconvénients de la création du Sénat.

D'ores et déjà, les opposants à la création de ce Sénat tant critiqué doivent faire preuve de retenue et de responsabilité, dans la mesure où l'on ne peut utilement critiquer le fonctionnement d'une institution sans l'avoir vue à l'œuvre, les pays ayant supprimé leur Sénat l'ayant d'abord expérimenté même si notre première expérience sénatoriale n'en était pas véritablement une.

Et, en tout état de cause, la composition actuelle du Sénat telle que rendue publique par Lefasonet, est plus représentative des couches sociales Burkinabè que la représentation nationale qui ne concerne que les seuls partis politiques. En effet, dans le futur Sénat, pour une fois, les Burkinabè de l'extérieur auront leur mot à dire et à construire sur la gestion de la chose publique dans un haut cadre institutionnel.

Bien évidemment, si la création du Sénat exacerbe des oppositions au Burkina Faso, comme c'est le cas actuellement et tant mieux, il faut se réjouir que nos divergences politiques soient, incontestablement, le ciment de notre jeune démocratie à peine trentenaire et de son expression plurielle. Nos divergences doivent, en tout état de cause, constituer nécessairement un enrichissement dans la fraternité et le respect mutuel de nos opinions politiques plurielles.

Paul KÉRÉ
Avocat au Barreau de Nancy (France)


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