Les informations les plus folles ont circulé ces derniers temps sur l'état de sa santé. Certaines rumeurs plus folles l'ont même donné pour mort. Et le revoici qui apparaît à la télévision nationale, sur la route de Bruxelles tout pimpant et comme à son habitude, en train de balancer des piques aux journalistes : « vous êtes à la fois journalistes et médecins ». C'est vrai, des journaux ont donné l'impression qu'ils étaient dans le secret du carnet médical du chef de l'Etat. Ils ont tout simplement manqué de porter à la connaissance de l'opinion de quelle maladie il souffrait.
Tout cela est bien normal. Car une fois de plus, cela démontre si besoin en était que les Burkinabè sont très attachés à la santé de leur président, de leurs dirigeants tout court. C'est aussi la preuve qu'ils veulent qu'on les informe, qu'on les informe de ce qui se passe au plus haut niveau de l'Etat. En se présentant devant ses compatriotes et en donnant des nouvelles sur sa santé, le président Compaoré a mis ainsi fin à toutes ces rumeurs qui, si cela n'était pas fait, prenaient des proportions assez importantes. C'est pourquoi, nos dirigeants qui ne l'ignorent pas, doivent encore comprendre que plus rien ne devrait être comme avant en matière de communication et d'information des citoyens, et ce, dans tous les domaines. Les Burkinabè voudraient savoir pourquoi Guiro Ousmane, qui était détenu à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou, et qui est sorti de la prison pour des raisons de santé, a pu se présenter à une élection municipale et se faire élire conseiller municipal. Il faut leur donner publiquement des explications. Sinon, cela ressemble à de l'impunité et à ce qu'on appelle la justice des forts en comparaison avec celle des faibles.
Le Premier ministre avait donné des signes forts dans la lutte contre la corruption et la fraude au Burkina. Les Burkinabè avaient applaudi et même soutenu enfin cet engagement. Finalement, la montagne semble avoir accouché d'une souris puisque, jusqu'à présent, aucun gros poisson n'a véritablement été présenté au bout de l'hameçon. Qu'est-ce à dire ? Que c'était juste un effet de mode ou tout simplement des déclarations de bonnes intentions ? Le même Premier ministre est revenu sur la décision de licenciement avec poursuites judiciaires prise contre l'anesthésiste Kaboré Nonguebzanga, après que le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (Syntha) soit alléà la grève. Alors qu'il était intervenu devant les députés que le gouvernement ne reviendrait pas sur sa décision. Quelles explications le gouvernement a-t-il données, en dehors de la préservation de la paix sociale et du maintien du dialogue contenus dans le communiqué laconique qui a sanctionné l'accord entre les deux parties ? Et pourtant, les Burkinabè voudraient savoir pourquoi leur chef du gouvernement est revenu sur sa décision.
Le débat est bien tendu, de même que la température sociale sur la création du Sénat. L'opposition est pratiquement en ce moment seule à jaser sur tous les toits de la question. Pendant ce temps, le gouvernement qui a introduit le projet de loi devant les députés après avoir conduit le Conseil consultatif sur les réformes politiques, ne pipe mot. Et le peuple dans la situation est encore moins informé et sensibilisé sur la question. A tel point qu'il a tendance à croire que ce qui vient du seul camp de l'opposition est parole d'évangile. Alors qu'il suffirait que les partisans du Sénat donnent aussi de la voix en expliquant le bien-fondé de leur « affaire » et les conséquences sur la vie des Burkinabè et ils leur permettraient ainsi de comprendre et de savoir.
Ce devoir de rendre compte, d'expliquer et d'informer ne doit pas se limiter seulement au sommet de l'Etat. Mais prendre en compte tous les compartiments de l'administration publique. Quand on est informé, quand on a compris, même si on n'est pas d'accord cela atténue la réaction. Blaise Compaoré peut donc poursuivre son travail.
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso