Les agents des Eaux et Forêts et les concessionnaires de zones de chasse se plaignent de la justice parce qu'elle ne sanctionne pas assez lourdement les braconniers quand ils sont traduits devant elle.
En clair, selon eux, les peines auxquelles on condamne ces braconniers sont si faibles qu'ils se retrouvent quelques jours ou mois après dehors. Et comme ils n'en tirent pas assez de leçons, ils recommencent leur braconnage. Et c'est la faune qui en pâtit. On comprend donc leur amertume. En tout cas, ils l'ont exprimée ces derniers temps dans la zone présidentielle de tourisme cynégétique et dans d'autres zones de concessions quand, face au développement et à la détermination des braconniers et au péril des éléphants et autres hippopotames, ils ne savent que faire.
Les populations se plaignent lorsqu'elles retrouvent dehors, vivants avec elles, un ou deux mois après, des délinquants, quelques bandits de grands chemins, voleurs récidivistes qu'elles ont contribuéà faire arrêter. Souvent, ces derniers ressortent mieux aguerris et de ce fait, narguent leurs cohabitants, s'ils ne deviennent pas plus dangereux. Ce qui peut expliquer deux comportements qui se développent, malheureusement de plus en plus. Soit les populations ne collaborent plus avec les forces de l'ordre pour dénoncer des personnes suspectes, soit elles se rendent justice elles-mêmes. Ce dernier comportement a pu être constatéà plusieurs occasions même quand il ne s'agit pas d'un délinquant ou d'un voleur. Les Burkinabè semblent dire qu'ils n'ont plus confiance en leur justice.
Les forces de l'ordre et de défense, dont certains ne dorment pas la nuit pendant que nous dormons, se battent pour arrêter ou mettre hors d'état de nuire les « troubleurs de sommeil ». Arrêtés et traduits devant la justice, certains sont si faiblement condamnés que les mêmes forces de l'ordre et de sécurité les retrouvent quelque temps après dans les mêmes circonstances de vol, de braquage ou de délinquance. Certaines d'entre elles et ces délinquants sont même devenus si familiers que lorsqu'ils se retrouvent, ce sont des anecdotes qu'ils racontent. Si bien que certaines forces de sécurité ont l'impression de faire un « travail arabe » : on recommence le même travail qu'on a effectué hier ou avant-hier et le cercle vicieux se poursuit.
Vous vous plaignez contre quelqu'un, vous le traduisez en justice, si vous avez la chance d'avoir raison, il faut vous féliciter et vous contenter de cela. Car, de dédommagements ou d'intérêts, retenez tout simplement qu'on peut l'avoir dit à l'audience, mais que vous aurez très peu de chance d'être dédommagé ou intéressé. Si bien que, soit les gens préfèrent gérer leurs contentieux à l'amiable, soit le plus fort (dans tous les sens du terme) contraint autrement le plus faible à s'exécuter. Ce dernier cas constitue la justice des plus forts, qui est contraire à la justice telle qu'elle doit être rendue. Quant au premier cas, il est même conseillé, car ne dit-on pas qu'un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès ?
Mais, la justice est-elle seule responsable de cette situation ? Sans doute qu'on peut répondre pas l'affirmative. Mais quand on pousse un peu plus loin la réflexion, on se rend compte que nous sommes tous responsables, seulement à des degrés divers. Quand on arrête quelqu'un, les interventions sont si fortes que dans le circuit, on finit par lâcher. Surtout quand « il faut regarder Dieu », quand c'est le cousin ou le neveu du ministre, du Directeur général ou encore de « Ladji », du grand opérateur économique, etc. Et voilà que le cercle vicieux recommence, par la faute de chacun de nous. Laissons donc la justice faire son travail, mais à condition que de son côté, elle le fasse correctement, en toute indépendance.
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso