Savant et parlant avec des génies, le premier homme de Bobo-Dioulasso serait à l'origine de la découverte de la mare aux poissons sacrés de Dafra, selon les anciens. Pour Siriki Sanou Jamanatigui, de la cour de sa Majesté M'Pa Yacouba Sanou, les mystères des silures sacrés de Dafra ont traversé le temps en étant toujours efficace. A condition de suivre la voie normale.
Dafra, c'est un sanctuaire. Une marre située à quelques kilomètres de la ville de Bobo-Dioulasso. Autrefois exclusivement réservé aux rites traditionnels et aux vœux des populations environnantes, l'édifice est devenu, avec l'arrivée de l'islam et la conversion de certains bobo, un site ou l'on effectue des vœux avec des préceptes islamiques.
Effet de tourisme et de quête d'argent, modernisme et autres mépris des normes culturelles sont malheureusement des comportements qui entacheraient la place que Dafra occuperait dans la région de Bobo-Dioulasso.
Dafra, c'était du temps des anciens, le lieu qui permettait à la région de se prémunir ou d'affronter les attaques des étrangers, d'émettre des vœux afin d'obtenir la grâce divine. Convertis à l'islam, les Bobo ont également changé certaines méthodes. Parce qu'à la pratique animiste s'est arrimée les préceptes islamiques dans les vœux recherchés auprès de Dafra. Depuis, et c'est le lieu peut-être de le signaler, les départs pour Dafra surtout de personne étrangère doivent être signalée à la cour royale et auprès des anciens qui ont le savoir nécessaire pour faire le boulot.
Les normes à suivre
Pour aller à Dafra, on doit passer par le chef des bobos, le « tièmogoba » et les anciens. Signaler son intention de se rendre sur le site avant de s'en aller. Pour y aller, il est également demandé aux visiteurs, homme comme femme de se vêtir tout en blanc, de ne pas porter de bague et de partir de préférence les lundis et vendredis. Egalement, il est demandé aux visiteurs de s'attacher les services d'un ancien qui a le savoir nécessaire pour effectuer le travail. Une fois ces conditions réunies, l'on peut émettre des vœux (fortunes, demande d'enfants, d'ascension sociale, de mariage…). Après l'on peut attendre le miracle. Une fois celui-ci réalisé, l'heureux bénéficiaire doit rebrousser chemin pour aller donner à Dafra ce qu'il lui avait promis.
Autres marigots
Au même titre que Dafra, le marigot Houet, le marigot Sya, le marigot Sagnon regorgent de poissons sacrés auprès desquels l'on peut émettre des vœux. Par exemple, n'eut été l'infiltration des eaux usées en provenance des industries, l'eau du Houet était utilisée par les femmes stériles. Elles se lavaient avec, se frottaient avec du beurre de karité et parvenaient ainsi à vaincre leur stérilité.
Des sacrifices à réaliser
En fonction des besoins et des capacités du demandeur, l'on peut sacrifier des poulets, un mouton voire un bœuf à Dafra et dans les autres marigots et fleuves. L'on peut également emporter sur ces sites, du lait, des beignets, des intestins des animaux sacrifiés pour nourrir les poissons sacrés.
Enterrés comme des hommes
Qu'ils soient de Dafra, du Houet ou de Sya, les silures sacrés sont interdits à la consommation tant qu'ils sont dans leurs réserves. Toutefois, ils peuvent être consommés si on les retrouve ailleurs. Par exemple, après Banakéledaga, l'on peut consommer les poissons du marigot Houet. Sinon en cas de mort d'un poisson, son corps est extrait du fleuve pour être inhumé selon les rites et traditions prescrites. En linceul blanc.
Le sabotage des jeunes
Avide d'argent et de relation, des jeunes tronqueraient volontairement le cou à la tradition. Acculturés et sans aucune connaissance religieuse, ils amènent des étrangers sur le site, empochent de l'argent et se nourrissent gracieusement avec les sacrifices sans pour autant rendre service à leurs hôtes. Car, s'il est vrai que Dafra répond à toutes les demandes (autochtones et étrangers) il est tout aussi vrai que les règles à suivre sont primordiales. Il est vivement souhaitéà ceux qui viennent à Dafra rien que pour le tourisme de passer par les sages pour booster leurs chances de réussites.
Appel à la mairie
Le marigot Houet est sale. Sachets plastiques, eaux usées d'industries… ont fait de l'endroit un lieu inapproprié pour l'épanouissement des poissons. Maintes fois interpellés, les responsables de la voirie de la mairie de Bobo-Dioulasso demeurent sourds face au problème. Ce qui ne manque pas de frustrer les sages. Car, bien avant les indépendances, et quelques temps après les indépendances, cette même voirie avec à sa tête des occidentaux parvenaient à débarrasser le fleuve de ces impuretés. Le maire Salia Sanou est donc interpellé.
Ousséni Bancé
Lefaso.net