Ils sont à l'honneur depuis hier jeudi 25 avril à Banfora, dans le « pays du Paysan noir ». Eux, ce sont les millions de paysans du Burkina qui, à l'occasion de la traditionnelle Journée nationale du paysan (et si on disait du producteur parce qu'ils ont quand même émergé), reçoivent les honneurs des plus hautes autorités.
En effet, la Journée nationale du paysan qui est une tradition (différent de la routine) est un moment privilégié pour les producteurs du Faso, d'échanger entre eux d'abord sur leurs préoccupations et ensuite de les soumettre à qui de droit pour suite à donner. Si on en est arrivé là, c'est justement parce que le contact direct entre le plus haut niveau et la base était truffé de lèche-bottes qui ne transmettaient pas correctement les messages. Ou du moins transmettaient ce qu'ils voulaient qu'on retienne. Aussi, au plus haut niveau, on a pensé ce cadre d'échanges direct, qui pose les préoccupations réelles des producteurs. Même là, il a fallu que les producteurs se battent encore pour que les contenus des messages ne soient pas trop « diplomatisés ». Car, dans un champ, ou ça pousse, ou ça ne pousse pas.
Un peu comme le disent bien les anciens, « la terre ne ment pas ». Pourquoi donc voudrait-on que les producteurs mentent ? Donnez-leur la parole, sincèrement et écoutons-les. Ils n'ont souvent pas besoin de trop de choses, mais du minimum d'attention et de la considération. Justement et c'est là aussi l'un des problèmes des JNP. Quand bien même des efforts ont été faits pour améliorer les conditions d'accueil et de séjour des paysans.
Vous dites bien le paysan à l'honneur ? Allez-y le constater à Banfora. Ils sont environ 1700 producteurs qui prennent part à ces JNP. Ainsi, l'argument du nombre est vite trouvé pour expliquer tout. Les paysans à l'honneur à Banfora sont logés par dizaines ou par vingtaine dans des salles de classes, sur des matelas à même le sol, où ils « font » tout en commun. A priori, ce n'est pas mauvais car cela peut constituer des occasions d'échanges d'expériences (quand bien même ils sont très peu de paysans qui partagent leurs expériences). Il est évident qu'ils sont mal traités en terme de prise en chargé que certains gros bureaucrates. Seulement, retenons que les paysans tel qu'on les connait il y a dix ans, ne sont plus les mêmes. Ils ont émergé. Allez dans les villages ou campagnes et vous verrez. Par exemple, ils disposent pour la plupart d'antennes paraboliques, suivent la télévision, écoutent la radio et sont au courant de l'évolution du monde. Parfois plus que nous, en ville. Ils disposent de réfrigérateurs, boivent l'eau et la bière fraiche et mangent les brochettes et les poulets grillés à l'ail ou au « rabilé». Certains d'entre eux vont au champ en véhicule parce qu'ils ont eu les moyens de se les acheter. Ils ne montent plus sur le toit pour boucher un trou qui laisse passer l'eau parce qu'il pleut : ils dorment dans des maisons en dur, tôlée.
C'est pourquoi, moi je suis fier d'être paysan ou producteur (selon l'appellation que vous voulez). C'est moi qui produis le riz que vous mangez, accompagné de viande cuite selon votre volonté ; c'est moi qui produis la salade, les choux, les concombres et toutes les autres crudités que vous mangez quand vous estimez que vous êtes saturés de céréales ; c'est moi qui produis le lait et le café que vous buvez le matin pour être d'aplomb ; c'est moi qui produis, qui produis, qui produis… Ma seule préoccupation, est que le ciel nous ouvre ses vannes pour que l'eau descende dans le temps et dans l'espace, pour que je puisse assurer votre sécurité alimentaire, votre sécurité tout court, car ventre creux, n'a point d'oreille.
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso