Dans un de ses discours, Barack Obama disait au sujet de l'Afrique, qu'elle avait plus besoin d'institutions fortes que d'hommes forts. Que voulait-il dire au juste ? Peut-on inverser la tendance et si oui, comment y parvenir ?
L'homme qui parle ainsi d'Etats forts et non d'hommes forts est le président de la première puissance mondiale. Mais dans la pratique, c'est aussi l'un des Chefs d'état les plus et sans doute les mieux encadrés de la planète.
Il dispose certes de pouvoirs importants, mais dans la pratique ne peut les exercer à sa guise. Au risque d'être rappeléà l'ordre. Soit par la Chambre des Représentants (le Parlement), par le Sénat, par la Cour suprême ou même par la société civile à travers ses différents lobbys et mouvements associatifs, si ce n'est par les citoyens.
Dans un tel environnement ou chaque acteur joue effectivement sa partition, mais dans le respect de l'autre et de ses prérogatives, sans peur, le jeu des contre-pouvoirs s'affirme comme une garantie qui, sans diluer la force de l'état central, le met au contraire au carrefour des préoccupations de tout le monde.
Contre-exemple africain
Naturellement en parlant de modèle de gouvernance pour l'Afrique, personne n'ose croire que Barack Obama ne fait pas allusion à son propre pays.
Et il faut reconnaître que sur ce plan, l'Afrique est encore loin de ce nec-plus-ultra made in USA. Un peu partout l'on retrouve des chefs d'Etat trop forts. C'est-à- dire qui surplombent littéralement les institutions et qui les écrasent de tout leur poids.
Deux exemples en la matière sont constitués par le Parlement et par le pouvoir judiciaire, qui bruissent régulièrement de leur silence, sur l'ensemble du continent !
Quant aux contre-pouvoirs, leur influence est trop limitée, du fait d'une absence réelle de relais au sein des opinions (publiques) nationales.
Président ou chef ?
L'une des conséquences d'une telle situation, c'est la trop grande personnalisation du pouvoir d'Etat. Tout est concentré autour des ‘'Chefs'' qui courent chacun pour battre des records de longévité au pouvoir : 26 ans au Burkina Faso, 27 ans en Ouganda, 34 ans en Guinée Equatoriale, 32 ans au Cameroun, 33 ans au Zimbabwe…
Forcément avec de telles logiques de surconcentration, la capacité de relance de l'Etat (qui peine toujours à devenir une nation) en termes d'idées neuves mais aussi en termes de renouvellement du personnel politique est extrêmement faible et friable ; elle tend vers 0.
De Martin Luther King à Barack Obama
Est-il possible alors de faire changer les choses dans un court terme ? A mon avis, non. Et pour deux raisons. La première c'est que les nouveaux dirigeants qui accèdent au pouvoir en Afrique, s'ils ne reproduisent pas les mêmes tares que leurs prédécesseurs, ils font pire.
Après avoir ainsi goûté aux délices de la présidence de la république, parfois après avoir milité plusieurs décennies dans l'opposition, certains se transforment et révèlent leur vrai visage, sinon leur vraie nature d'autocrate, de régionaliste, ferméà toute forme de critique ou de contestation.
Malheureusement, ils sont aidés dans leur entreprise par des armées de courtisans qui rivalisent d'ardeur pour occuper l'espace public par tous les moyens.
La deuxième raison c'est la faible conscience citoyenne qui, moulée dans le contexte culturel local, abouti in fine, à la perversion des mœurs républicaines : le serviteur devient alors le premier servi.
C'est ainsi qu'un Homme politique africain affirmait à propos de ses adversaires : « Hier quand nous étions au pouvoir, nous utilisions la cuillère à café. Aujourd'hui qu'ils sont au pouvoir, ils utilisent la louche ». Sans commentaire !
En conclusion, le rêve de Barack Obama a donc peu de chance d'être une réalité.
Juvénal Somé
Lefaso.net