Annoncé comme démissionnaire de son poste d'Ambassadeur du Burkina Faso à Paris suite à la publication d'un rapport de l'Autorité Supérieure de Contrôle d'Etat (ASCE) qui épinglait sa gestion entre 2006 et 2011 à la tête du Ministère des Enseignements Secondaire , Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESSRS), Monsieur Joseph PARE demeure à la surprise générale à son poste.
Si selon toute vraisemblance, ce statu quo semble convenir à l'intéressé lui même et au Chef de l'Etat Blaise Compaoré, de qui dépendrait la décision de son maintien ou de sa révocation, cette situation (inédite dans les annales de la diplomatie burkinabé), au delà de son caractère ubuesque, contribue à ternir considérablement et durablement l'image d'Etat de Droit du Burkina Faso, en France et dans le Monde.
A qui profite donc ce statu quo ?
Après plusieurs mois d'attente d'une réponse politique qui n'arrive pas, la Section de France du Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples pose aujourd'hui publiquement cette question aux autorités politiques burkinabé, notamment au Premier Ministre Luc Adolphe TIAO.
Monsieur Le Premier Ministre,
Salué par une large frange de l'opinion publique nationale et internationale comme le top départ d'une réelle moralisation de la vie publique burkinabé (qui en a bien besoin !), votre engagement à donner désormais des suites tangibles aux rapports de l'ASCE tarde, à nos yeux, à se traduire en mesures concrètes.
A la lecture de votre récente déclaration devant notre assemblée nationale, vous avez évoquéà propos des personnes citées par l'ASCE pour leurs gestions indélicates, trois catégories de citoyens présumés coupables : 1) ceux qui auraient reconnu leurs malversations et se seraient acquittés des montants dus, 2) ceux qui auraient reconnu leurs malversations et qui n'auraient pas encore fini de régler leurs passifs, 3) ceux qui contestent absolument les fautes qui leurs sont reprochées.
Pour situer définitivement l'opinion publique, compte tenu de l'importance et de la spécificité de ses missions sur lesquelles nous reviendrons plus loin, la seconde question que nous vous adressons est la suivante :
Dans quelle catégorie se situe Monsieur Joseph PARE parmi les trois groupes évoqués devant la Représentation Nationale Burkinabé ?
Ayant fort opportunément invoqué le devoir de réserve pour ne pas répondre à un journaliste qui l'interrogeait (quatre mois après l'annonce de sa démission) sur la raison de son « faux départ », nous comprenons que l'intéressé ne soit pas la personne la mieux placée pour répondre à cette question (*).
Profondément attachée aux libertés fondamentales dont doit jouir tout citoyen burkinabé, notre requête d'une clarification de la situation de l'Ambassadeur en sursis qu'est aujourd'hui Monsieur Joseph PARE ne saurait s'apparenter à une quelconque chasse aux sorcières.
Dans le même élan, nous défendrons fermement son droit à la présomption d'innocence en même temps que le droit non négociable d'exiger que notre Ambassade à Paris soit dirigé par un(e) citoyen(ne) jouissant pleinement du respect dûà sa haute fonction.
Ce n'est en effet un secret pour personne que Monsieur Joseph PARE (en attendant d'être lavé de tout soupçon de détournement, toute chose que nous lui souhaitons) n'est plus apte à assumer sereinement et efficacement les missions d'Ambassadeur du Burkina Faso à Paris.
Comme l'avait si justement écrit un journaliste qui saluait sa démission annoncée : « il était délicat pour un ambassadeur cité dans pareille histoire de représenter avec plénitude son pays. Un diplomate de premier ordre accusé d'avoir barboté dans les finances publiques rencontre difficilement les officiels, a fortiori les fameux Partenaires techniques et financiers (PTF), sourcilleux sur l'utilisation qu'on fait de leurs écots sous nos tropiques » ( cf. L'Observateur du 17 septembre 2012). Ce propos garde toute sa pertinence et toute son actualité.
Aucune contorsion politico-juridique ne peut légitimer le statu quo qui perdure quant au sort réservé par la justice burkinabéà Monsieur Joseph PARE, suite à sa citation dans le rapport de fin juillet 2011 de l'ASCE.
Malgré ses talents reconnus de diplomate, Monsieur Djibrill BASSOLE, Ministre de tutelle de Monsieur Jospeh PARE, a fini par perdre son latin dans ses multiples tentatives d'expliquer l'inexplicable.
Alors qu'il avait été clair et limpide quand l'affaire PARE a été rendue publique en déclarant « il serait raisonnable de mon point de vue que l'ambassadeur Joseph Paré puisse effectivement cesser ses fonctions, qu'il puisse rentrer au Burkina pour se disculper et se blanchir des accusations qui sont faites contre sa personne » (AIB, 18 septembre 2012) , son propos est devenu ambigu et confus quatre mois plus tard : « Il l'a demandée (NDLR : il s'agit de la démission de Monsieur Joseph PARE) . Maintenant, c'est le président du Faso qui décide et qui nomme un (nouvel) ambassadeur, si tel est son souhait ». « Et en entendant que quelqu'un d'autre soit nommé pour le remplacer, il reste à son poste …
A supposer que le président du Faso prenne la décision de le changer, les procédures de désignation et de nomination d'un ambassadeur prennent toujours du temps et quelque fois, ce délai n'est même pas dépendant de la volonté du pays qui nomme » (cf. Sidwaya du 1er février 2013)
Monsieur Le Premier Ministre,
Au delà de l'image de l'Etat de Droit (encore en difficile gestation) ternie par cette affaire, au delà de la dignitéà rendre à la fonction d'Ambassadeur du Burkina Faso à Paris et de la nécessaire et vigoureuse lutte à mener contre la corruption et l'impunité, nous vous interpellons également sur les conséquences directes qu'entraîne l'absence d'un interlocuteur crédible , respecté de tous (y compris, et surtout, des autorités administratives et politiques françaises) et réellement impliqué dans la résolution des nombreux problèmes que rencontrent les Burkinabé en France .
De plus, des échéances électorales importantes se profilent (notamment les présidentielles de 2015) sans qu'un cadre démocratique n'ait été défini pour reprendre et faire aboutir la décision du vote des burkinabé de France (notamment par la mise en place d'un groupe de réflexion et d'actions, représentatif de la communauté, etc).
Ainsi toutes les promesses faites à notre Mouvement par vous-même (lorsque vous étiez Ambassadeur à Paris et en tant que Premier Ministre) et par Monsieur Joseph PARE à sa prise de fonction (désormais Ambassadeur en sursis) restent lettres mortes !
Monsieur Le Premier Ministre,
Les Burkinabé de France, de par leur propre expérience, savent que des mesures peuvent être prises par les plus hautes autorités d'un pays quand la situation l'exige (comme l'enseigne l'affaire Jérôme CAHUZAC) pour tenter de préserver la crédibilité de l'Etat et de rétablir la confiance des citoyens dans les institutions républicaines.
Monsieur Le Premier Ministre, face à cette situation, la Section du MBDHP en France exige :
une clarification de la question de la représentation diplomatique du Burkina Faso en France, .
la désignation d'un interlocuteur pour une reprise du dialogue avec la communauté burkinabé, dans toutes ses composantes, sur ses attentes démocratiques et sociales (que nous avons eu l'occasion de vous présenter à diverses occasions), .
le rétablissement d'un climat sain et de confiance dans la gestion des affaires courantes de la représentation diplomatique du Burkina Faso en France.
Dans l'espoir d'une suite à la hauteur des attentes de l'opinion démocratique nationale et internationale, veuillez agréer, Monsieur Le Premier Ministre, l'expression de notre ferme détermination à contribuer au raffermissement des valeurs qui fondent l'Etat de Droit du Burkina Faso.
(*) : Interview du Journal Le Pays du 27 janvier 2013
Paris le 22 avril 2013
Le Bureau National de la Section de France du MBDHP
Ampliations : . Comité Exécutif National du Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples (MBDHP), Ouagadougou, . Union des Associations Burkinabé de France (UABF) . A toute association de la Communauté Burkinabé de France.