Les pièces de monnaie mises en circulation dans l'espace UEMOA posent de plus en plus de problèmes aux usagers. C'est le cas au Burkina ou toute la gamme des pièces ordinaires est concernée par le phénomène qui consiste à refuser certaines d'entre elles au motif qu'elles sont devenues ‘'lisses'' et donc sans valeur ; ou simplement à considérer (à tort) qu'elles ont été retirées du circuit. Nous avons cherchéà comprendre.
Méfiants, les populations le sont vis-à-vis des pièces de monnaie suspectes. Un peu partout le détenteur s'assure en premier lieu que les pièces qui lui sont remises n'ont pas perdu leur éclat d'antan. C'est-à dire qu'il vérifie que les écritures qui sont gravées sont toujours lisibles.
Si ce n'est pas le cas, alors il la refuse aussitôt et il n'y a aucun moyen évident de la contraindre à changer d'avis. A moins que la personne à qui appartenait la pièce ne daigne la changer. Chose qui arrive presque dans 100% des cas.
Le phénomène a pris une ampleur telle ces derniers mois qu'il n'a plus rien de banal.
Il concerne désormais toute la gamme des pièces de monnaie : 25FCFA, 50FCFA, 100FCFA, 200fcfa et 500FCFA.
Les pièces de 250FCFA plus suspectes que les autres ?
C'est surtout les pièces de 250FCFA qui sont les plus problématiques à l'heure actuelle. Car même en bon état elles sont refusées.
A tel point que désormais tout le monde s'en méfie. Certains commerçants ou vendeurs ambulants se permettant même de douter ouvertement de leur valeur marchande.
Dans les stations, dans les boutiques, dans le taxi, dans la petite restauration, les aires de stationnement, dans les marchés, dans le petit commerce de détail et autres lieux publics, chacun reste sur ses gardes.
B. lui, l'aura appris à ses dépens, lorsque dit-il, la vendeuse de glaces alimentaires lui a gentiment mais fermement fait comprendre qu'elle ne pouvait pas accepter ses deux pièces de 25FCFA à l'éclat douteux selon elle.
Un autre témoigne encore qu'il a dû se résoudre à‘'balancer'' (jeter) ses deux pièces de 100 FCFA qui lui ont été discrètement remises par un inconnu, au détour d'un achat.
Le problème c'est qu'il ne parvenait plus depuis lors à remettre les pièces litigieuses dans le circuit. Encore moins à identifier avec précision la personne à qui elles appartenaient, afin de les restituer éventuellement.
Perversion des échanges économiques et financiers
Dans un environnement ou les transactions physiques sont toujours d'actualité, du fait de la faiblesse du taux de bancarisation (il est officiellement de 8% au Burkina), les échanges deviennent assez problématiques face à une telle situation.
Surtout que la situation décrite ci-dessus concerne en grande partie le secteur informel et le commerce de détail ainsi que les usages domestiques, où l'on retrouve en moyenne 80% de la population.
Autant dire alors que le problème pénalise en réalité une grande partie des acteurs économiques.
20% des pièces usagées en moyenne
Selon les estimations ce sont près de 3 milliards de FCFA qui sont ainsi quotidiennement rejetés d'un revers de la main par la population. Du fait sans doute de l'incompréhension mutuelle et de l'ignorance.
En plus du fait qu'il constitue une atteinte au principe de la libre circulation de la monnaie qui est, faut-il le souligner, un élément de souveraineté.
Malheureusement cet aspect des choses n'est pas bien compris par la population. Et même qu'il est très souvent traité de manière secondaire.
Portes closes à la BCEAO
Quel est le processus de fabrication et de mise en circulation puis de retrait des pièces de monnaie dans l'espace CEDEAO ?
La mauvaise qualité dont il est question en ce moment est-elle due à la matière avec laquelle les pièces sont fabriquées ?
La crise actuelle dans les transactions monétaires est-elle consécutive à une pénurie de pièces au niveau de l'institution d'émission ?
Quel est concrètement le processus de retrait des pièces usagées ?
Quels sont les acteurs qui interviennent dans le processus depuis Dakar (siège de la BCEAO) jusqu'au niveau des Etats membres en passant par le Trésor Français…
Autant de questions que nous souhaitions poser à la Représentation nationale de la BCEAO à Ouagadougou.
Malheureusement, les portes nous sont restées fermées. Nos demandes répétées de rendez-vous sont demeurées sans suite. Confirmant ainsi le fait qu'à la BCEAO la communication n'est pas la chose la mieux partagée.
Communication à dose homéopathique
Nous pensons pourtant que le service public de la banque est et doit rester proche des citoyens de l'Union qui ont besoin d'avoir l'information juste afin d'être mieux situés par rapport à la conduite à tenir.
A l'ère des technologies de l'information et de la communication et de la super intelligence, la banque des banques serait-elle en passe de devenir la grande muette ? Il faut souhaiter que non.
La réalité d'un constat
Qu'à cela ne tienne. Après une longue fouille, c'est finalement dans un quotidien de la place que nous avons avons pu retrouver des traces d'un communiqué d'une demi-page daté du 24 janvier 2013 et laissant entendre que : « La BCEAO informe le public que dans le cadre de la modernisation des signes monétaires de son émission, elle a procédéà une modification des alliages utilisés pour la fabrication des pièces de 50 FCFA et 100 FCFA ».
Plus loin, il est écrit que cette action a pour but « d'accroitre leur résistance pour mieux répondre aux besoins des populations ».
Et pour conclure il est spécifié que cette amélioration « ne modifie en rien ni la taille ni les caractéristiques visuelles des nouvelles pièces qui seront mises en circulation, il faut le noter à compter du 31 janvier 2013 ».
Questions sans réponses
Premier constat au vu du communiqué ci-dessus, c'est la réalité sur la qualité approximative des pièces de monnaie émises par la BCEAO.
Mais ce simple constat suffira-t-il à rassurer les consommateurs ?
Le deuxième constat c'est le choix de mettre effectivement en circulation de nouvelles pièces plus résistantes que les anciennes ?
Oui, mais que fait-on en attendant l'émission de ces moyens de paiement pour ramener la quiétude dans les relations commerciales ? De toute évidence, de chaudes empoignades sont encore à prévoir entre acheteurs et commerçants.
Troisième constat enfin, c'est que la Banque semble minimiser l'ampleur du problème en le circonscrivant à deux catégories de pièces seulement. Alors même que la réalité montre bel et bien que le constat est plus alarmant que cela. Mais cela il faut descendre de sa tour d'ivoire pour s'en rendre compte…
Juvénal SOME
Lefaso.net