Le président du Venezuela Hugo Rafael Chavez Frias est décédé le 5 mars 2013 après avoir lutté pendant deux ans contre le cancer. Les progressistes et les militants de la Gauche mondiale portent toujours le deuil. Sont de ceux là, le député maire de Dori et ancien candidat à la présidentielle de 2010, Arba Diallo qui vient de perdre ainsi un ami. Arba était très proche du Commandant Chavez avec qui il était à« tu et à toi ». Au lendemain de son décès, il invoque ses souvenirs pour dévoiler des pans de leurs relations.
Nul n'est prophète chez soi, dit-on. Cet adage va comme un gant à Arba Diallo, député maire de Dori et président du PDS/Metba. Candidat malheureux à la présidentielle de 2010, l'homme qui est l'une des figures de l'opposition politique burkinabè compte dans son réseau relationnel certains grands du monde. « Pour moi, Hugo Chavez était un Camarade très patriote, très sincère…C'est un homme qui a voulu beaucoup faire. » Celui qui fait ce témoignage avait ses entrées à Caracas au Venezuela où le président Chavez lui accordait une oreille attentive. « J'ai rencontré Hugo Chavez en 1999 par l'intermédiaire d'un ami. A l'époque, j'étais dans le système des Nations Unies comme responsable de la Convention sur la lutte contre la désertification. Le Venezuela était intéressé de profiter de l'expérience de certains pays en matière de lutte contre la dégradation des sols et la désertification. », se souvient Arba Diallo.
Depuis lors, leurs rapports sont allés en se consolidant et il avait le privilège d'échanger à deux et pendant de longues heures avec le Commandant sur les différentes expériences. « C'est une période qui, au fur et à mesure qu'on avançait dans le temps, s'est révélée intéressante dans l'évolution du mouvement Chaviste au niveau de l'Amérique latine. » Les échanges ne se tenaient pas seulement dans le cadre des bureaux du palais présidentiel. Il leur arrivait de poursuivre les débats dans l'avion de commandement de Chavez. Et cela était presque fréquent au cours de courts ou de longs vols quand ils se rendaient soit à Cuba, à l'Equateur, au Pérou etc. « En dehors de mes missions officiels, je prenais des week end et je profitais rester pour pouvoir échanger avec lui sur certaines questions. »
Le plaidoyer pour le pétrole
Le Venezuela est un pays producteur de pétrole. Il passe pour être la plus grande réserve mondiale de l'or noire. Arba Diallo, fort de ses relations avec Caracas, décide de porter un plaidoyer pour le pétrole dans l'optique de faire approvisionner certains pays de l'Afrique de l'ouest par le pétrole vénézuélien. « Conscient des difficultés que nous avions en Afrique de l'ouest en matière d'énergie, nous avons amorcé avec eux des discussions sur la possibilité d'acquisition du pétrole vénézuélien pour l'Afrique de l'Ouest. Le Benin de Kérékou et le Niger par l'entremise du premier ministre de l'époque Hama Amadou étaient très intéressés par cette perspective. Par la suite, j'ai voulu associer le Mali de Amadou Toumani Touré au processus. L'idée était de pouvoir permettre à ces pays de nouer un partenariat stratégique avec le Venezuela pour acheter directement les produits pétroliers à des prix très compétitifs. ». Mais il évite soigneusement d'ajouter le Burkina Faso sur la short list des potentiels pays bénéficiaires des retombés de son plaidoyer pour des raisons politiques parce qu'il n'a pas été mandaté par les autorités du Faso en ce sens.
Arba Diallo qui dit avoir pris cette initiative de son propre chef va orienter son plaidoyer sur la question du pétrole tant il rêvait de voir les pays africains s'affranchir de la domination des compagnies pétrolières à l'image de certains pays d'Amérique latine et des Caraïbes auxquels Caracas a ouvert ses vannes. Le Venezuela dont la production pétrolière gagnait en quantité et en qualitéétait favorable à une telle démarche parce qu'elle était aussi en quête de marché et entendait privilégier les échanges Sud-Sud.
Eviter « l'erreur » de Sankara
La proximité entre Arba Diallo et Hugo Chavez était telle qu'il n'y avait presque pas de sujets tabous entre eux. Le Burkinabè ne manquait pas de lui prodiguer certains conseils avisés comme lorsqu'il l'avait dissuadé d'accorder l'asile sur le sol vénézuélien à l'ancien président haïtien déchu Jean Bertrand Aristide à cause de la mauvaise réputation de ce dernier. En outre, il ne se privait pas de faire percevoir à son hôte les risques éventuels que regorgeraient certaines de ses options. L'affrontement direct et frontal que faisait montre Chavez à l'égard des impérialistes n'était visiblement pas du goût de notre compatriote. Certainement instruit par le sort de Thomas Sankara, il savait par expérience que ces types de positions charriaient des dangers multiples et multiformes sur leurs auteurs. Il arrivait même que certains de leurs échanges portent sur la sécurité et la protection des révolutionnaires. « Un jour, en partageant avec lui l'expérience de la révolution burkinabè, je lui ai répété ce que le président tanzanien Julius Nyerere avait dit au président Thomas Sankara. En effet, en 1984, lorsque j'étais ministre des Affaires étrangères, j'avais accompagné le président Sankara en Tanzanie. Nyerere lui a dis qu'il admirait certes son courage et son verbe, mais il lui a dit de faire beaucoup attention à lui car il préférait avoir un patriote vivant plutôt que de voir un révolutionnaire mort. En lui rappelant cela, je voulais attirer son attention sur le fait que ce n'est pas à tous les coups qu'on gagne dans un affrontement et qu'il fallait en tenir compte pour espérer avoir le temps et la vie sauve pour mettre en oeuvre son programme et sa politique anti impérialiste. » Ces conseils aux allures prémonitoires ont de quoi raviver la polémique sur les circonstances et les causes de sa mort à 58 ans.
Chavez et le stade de Dori
En règle générale, l'opinion imagine –à tort ou à raison- la nature des dividendes que pourrait conférer éventuellement une telle proximité. Mais si compter parmi les amis de Chavez était assurément un privilège, il faudrait certainement des lentilles pour percevoir les signes de la manifestation de cette amitiéà en croire Arba Diallo. Il affirme n'avoir pas bénéficié de soutien quelconque de la part de son ami Chavez pour ses activités politiques.
Il dit n'avoir pas forcement vu la nécessité d'une telle sollicitude et qu'il tenait avant tout à mettre ses relations à l'aise. Toutefois, il reconnait avoir eu recours à Chavez pour financer certaines de ses activités au niveau de la Convention sur la lutte contre la désertification. « A chaque fois que j'organisais un événement, il me faisait le plaisir d'être présent que ce soit en Allemagne, en Suisse, à Cuba ou ailleurs. Je lui demandais souvent de financer des projets au niveau mondial qui étaient de nature à renforcer la coopération entre les pays concernés, notamment les pays d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie ou qui concernaient toutes les trois entités ensemble ! »
L'investissement qui aurait pu constituer un symbole de l'amitié entre les deux hommes aurait pu être un stade. « Nous, on avait voulu avoir un stade régional à Dori, mais je n'ai pas insisté là-dessus. On avait même déjà acheminé les plans, mais ce n'est pas allé loin. Je n'ai pas insisté outre mesure parce que si je l'avais fais, cela aurait pu être perçu comme une provocation par le régime en place », confesse-t-il. Arba Diallo dit avoir vu Chavez pour la dernière fois au début de l'année 2010. Par ses soins, il a introduit certains de ses camarades militants de Gauche de la sous région chez Chavez. Le Guinéen Alpha Condé, les Maliens Oumar Marikho, Aminata Troré ou le Sénégalais Abdoulaye Bathily avaient souvent le privilège de voyager avec lui à Caracas.
Touwendinda ZONGO
MUTATIONS N° 25 du 15 mars 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com)
Chavez animait une émission chaque dimanche à la radio télévisée intitulée : « Allo Présidenté». Cette émission inter active offrait la possibilité au public de lui poser des questions. Cette pratique et tant d'autres faisaient de lui un homme proche de ses concitoyens.
Chavez mangeait les mangues du Burkina
« Le président Chavez aimait les mangues. Et comme je le savais, je lui apportais souvent lors de mes visites, des mangues du Burkina. Je le taquinais en lui disant que les mangues du Faso sont plus délicieuses que celles du Venezuela. Il me répondait avec humour que même s'il reconnaissait que nos mangues étaient délicieuses, elles ne battent pas les leurs. Et on en riait. » Témoigne Arba Diallo
TZ
MUTATIONS N° 25 du 15 mars 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com)