Une semaine pour pousser au bon exercice de la citoyenneté au Burkina. Belle initiative sans doute de la part du ministère en charge de la promotion des droits humains. Cependant, l'organisation de cet événement et le discours qui l'accompagne méritent que l'on s'y attarde.
En effet, j'ai bien écouté le ministre Albert Ouédraogo, qui a, à mon humble avis, une vision assez particulière de la question. Notamment lorsqu'il répète à l'envi que les gens devraient mettre l'accent sur leurs devoirs au lieu de s'accorder sans cesse sur la revendication de leurs droits. Pourquoi pas !
Mais comment voulez-vous que les gens s'attardent sur leurs devoirs s'ils ont toujours cette fâcheuse impression que leurs droits ne sont pas respectés ! Qu'ils vivent dans l'insécurité juridique, économique et sociale permanente. Quel sentiment voulez-vous que les populations aient lorsque le verger du pauvre, sans doute sa seule richesse, lui est arrachée et partagée entre ceux-là qui doivent incarner la puissance publique et donc l'autorité de l'Etat ? Alors moi, je dirai au contraire, commençons par faire respecter les droits des citoyens. Et alors ils ne feront aucune difficultéà mettre en avant leurs devoirs.
Il est de notoriété qu'aujourd'hui, la confiance est rompue entre l'administration et l'administré. Du fait de multiples manquements qui ont mis les Burkinabè sur la brèche. Souvenons-nous de ce manifestant qui, sous l'effet de la colère, et à visage découvert a eu ses propos très durs, sur les antennes d'une télévision de place : '' dans ce pays on se connait maintenant, si tu ne fais pas la force, tu n'as rien'', a-t-il laissé entendre. Ou plus récemment de cette jeune élève réclamant aux côtés d'autres camarades, la libération immédiate de leur professeur de Français emprisonné selon elle, de manière arbitraire.
Doit-on exiger hic et nunc de la part du citoyen d'avoir confiance en son administration et de se comporter en citoyen responsable lorsque le mérite et l'honnêteté s'apparentent à ce point à des délits et que le vice prend prennent le dessus sur la vertu et la morale au sommet même de l'Etat ? Lorsqu'à peine débarqué de son poste de responsabilité pour mauvaise conduite ou mauvaise gestion, un ministre ou un directeur général est aussitôt reconduit à des fonctions encore plus importantes ? Lorsque des marchés publics sont attribués à des sociétés qui l'exécutent mal et qui en récompense se voient attributaires de nouveaux chantiers encore plus importants ? Lorsque les structures chargées du contrôle de l'Etat elles-mêmes se disent incapables de donner du crédit à leurs actions de moralisation de la vie publique parce qu'elles ont les mains liées par d'interminables procédures, dont le but évident est de leur compliquer suffisamment la tâche ?
Quels citoyens de demain voulons-nous avoir lorsque l'on peut se retrouver avec autant d'aisance des barreaux d'une prison sur une liste électorale sans avoir été au préalable jugé ? Quels citoyens voulez-vous avoir dans l'avenir et pour l'avenir, si la vox populi, la voix du peuple, passe après les intérêts de ses dirigeants ?
Entendons-nous bien. Je ne justifie pas l'incivisme. Bien au contraire… Mais je dis simplement que l'exemple devrait venir d'en haut. Et qu'en occultant soigneusement ce fait pour taper continuellement sur les doigts du petit peuple au détriment de ses dirigeants, Albert Ouédraogo manque une occasion de faire vraiment œuvre utile.
A ce titre, j'estime qu'il aurait dû trouver la formule pour commencer par le haut, en incluant tout le monde, sans exception ! A commencer par le Président du Faso en personne, le Premier ministre, les membres du gouvernement et tous les satellites qui gravitent autour d'eux. Ils doivent tous donner le bon exemple s'ils y croient. Alors seulement le tocsin du civisme par tous pourra vraiment se faire entendre !
J. SOME
Lefaso.net