On est arrivé au constat que dans notre pays aujourd'hui, nombre de partis et formations politiques se définissent par leur fondateur ou président. Cette situation est de nature à compliquer l'émergence d'une forte équipe à la direction du parti, ce qui est pourtant gage d'une vitalité et d'une continuité en cas d'absence sur la scène politique du fondateur.
Avec l'ouverture démocratique à partir des années 90, notre pays a instauré le système multipartiste avec l'option du multipartisme intégral. Dans ce cadre, la création de partis et formations politiques ne connaît aucune limitation en termes de nombre. En effet, l'article 13 de notre Constitution en son alinéa 1er dispose que « les partis et formations politiques se créent librement ». C'est ainsi que l'on enregistre à ce jour une centaine de partis au Burkina.
Mais très peu de ceux-ci réunissent les critères essentiels de véritables partis politiques. Un parti politique doit avoir en effet, une assise à la fois nationale et locale, le minimum étant de disposer d'un siège connu. Mieux, un vrai parti politique doit, en plus d'exercer ses fonctions d'animation de la vie politique, de participation aux opérations de conquête du pouvoir en vue de l'exercer, travailler à s'inscrire dans une vision de longévité dynamique.
La réalité de la personnalisation des partis politiques
Dans notre pays aujourd'hui, quand parle de l'UPC, de Le Faso Autrement, de l'UNDD, de l'ADF/RDA, de l'UNIR/PS, pour ne citer que ceux-là, on ne voit que, respectivement Zéphirin Diabré, Ablassé Ouédraogo, Hermann Yaméogo, Gilbert Ouédraogo, Bénéwendé Sankara. Il est même fréquent d'entendre dire « le parti d'un tel », tout comme on dirait la boutique de telle ou telle personne.
A priori, cela est louable ; car c'est la preuve qu'au sein du parti il y a au moins un leader influent, ou simplement un chef, comme dans toute organisation humaine digne de ce nom. Cela est le signe que c'est autour de ce leader que tout ce qui concerne le parti s'organise.
C'est aussi le signe que le parti dispose d'un centre unique de prise de décisions ; ce qui permettrait d'éviter les contrariétés dans les prises de position du parti. Au sein de tels partis en effet, c'est presque toujours le fondateur ou le président qui s'exprime au nom du parti.
Avec une telle configuration partisane, l'on s'accorde pour dire que tel ou tel parti a une identité qu'incarne un leader politique mieux connu que les autres membres fondateurs ou militants qui en réalité, se retrouvent dans l'ombre. La dénomination du parti finit par se confondre avec le nom de son fondateur, de même que tout ce qui concerne le parti s'identifie à ce dernier ; d'où la personnalisation du parti. Ce qui compromet dangereusement la survie du parti à ce personnage.
Une telle situation, si elle est le plus souvent la résultante de la trop forte influence du fondateur ou du président du parti, elle est aussi du fait de ceux qui l'entourent. Il est en effet donné de constater aussi que même au sein du bureau politique national de nombre de partis, certains militants développent délibérément une aveugle et liberticide allégeance à l'égard du premier responsable du parti.
Le souci de survie du parti doit prévaloir sur sa personnalisation
Au sein des partis personnalisés, non seulement l'émergence de la démocratie interne au parti en prend un coup, mais aussi son avenir même se trouve compromis.
Le plus souvent, il est donné de constater que de tels partis sont animés par des militants qui ne peuvent avoir de visibilité politique propre. Ils ne peuvent occuper des postes de responsabilité au sein du parti ou s'exprimer au nom du parti qu'avec l'autorisation négociée sous courbette du président ou fondateur du parti. Même au cours d'un meeting dans son fief, de tels militants se verront obligés de se contenter de leur présentation au public par le président du parti. On a vu des responsables de partis qui, après avoir harangué des foules, leur disent que si elles votent pour le parti, c'est telle personne qui sera leur maire ou conseiller, cette dernière n'ayant qu'à se lever juste pour se faire voir.
C'est ainsi que des partis se retrouvent avec un seul leader charismatique après qui ils ne peuvent se conduire en partis digne de ce nom. Et c'est en cela que la personnalisation du parti compromet dangereusement son avenir.
Or, un parti politique doit survivre à son fondateur ou président. Malheureusement dans notre pays, on a des partis qui ont du mal, après la disparition du fondateur, à vivre, encore moins à s'illustrer véritablement sur l'échiquier politique national. Et l'exemple le plus frappant est celui du PDP/PS, émanation du Pr Joseph Ki-Zerbo qui laissait entendre, dans ses velléités d'être toujours le seul vrai maître à bord, qu'un vieux, même assis, voit plus loin qu'un jeune débout.
Il importe que les premiers responsables de nos partis et formations politiques travaillent à créer autour d'eux d'autres leaders. Mieux, ils gagneraient à se fondre dans cet entourage loyal, convaincu qu'ils auront travailléà rendre convaincant aussi, en lui facilitant sa propre visibilité politique au nom du parti.
Fulbert Paré
Lefaso.net