Quand le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (Syntsha) va en grève, tout le monde comprend la justesse de son mouvement. C'est le cas par exemple quand le syndicat organisait des sit-in tous les matins pour exiger de meilleures conditions de travail et du matériel pour prendre en charge les malades. Personne n'avait trouvéà redire.
Mais cette fois, le Syndicat semble observer une grève de trop. Une grève dont les deux principaux points de revendications auraient pu trouver des solutions sans qu'on n'en arrive à une grève qui en réalité ne pénalise pas le pouvoir, mais surtout les populations qui déjà, sont assez souffrantes. Le Syntsha exige du gouvernement « l'annulation pure et simple de la révocation du camarade Kaboré Nonguebzanga et des poursuites judiciaires à son encontre et l'annulation de l'affectation du camarade Gomgnimbou Aoué et sa réaffectation à la direction régionale des Ressources animales du Sud-ouest conformément au protocole d'accord gouvernement / Syntsha de juin 2011 ». Si on part du principe que les deux agents sont des agents de l'Etat, il sera difficile pour le même Etat d'annuler toute mesure prise les concernant.
Kaboré Nonguebzanga a été licencié en Conseil des ministres après une enquête diligentée et qui a abouti au fait qu'il n'aurait pas assisté une parturiente venue en urgence au Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Séguénéga. Qui malheureusement a « trouvé la mort ». Le Syndicat justifie ce cas malheureux par le fait de la grève et qu'en outre, le plateau technique ne permettait pas la prise en charge d'un tel cas à Séguénéga. Ce qui paraît solide comme argument. Mais face à une femme « en travail », hormis la conscience professionnelle, la morale aurait voulu que l'agent se déplace au CMA, ne serait-ce que pour faire un constat d'impuissance. Ce qui n'a pas été le cas. Naturellement, il devient plus facile de lui attribuer le décès de la bonne-dame. Combien de personnes sont-elles mortes pendant ces grèves ? Pourquoi est-ce à lui seul qu'on fait un reproche ? Si le gouvernement devait le reprendre, dans quelle formation sanitaire et quelle localité faut-il le réaffecter ?
Quant au cas Gomgnimbou Aoué, il s'apparente à celui de Kaboré, quand bien même il est moins grave. Après vingt-cinq ans de service dans une localité, il devrait s'attendre un jour ou l'autre, àêtre affecté. C'est un agent de l'Etat qui a le pouvoir de l'affecter là où besoin est nécessaire. Le concept « pour nécessité de service » est sans doute creux, mais il permet de se justifier et de légaliser l'acte d'affectation. A croire que c'est parce que Gomgnimbou Aoué est militant Syntsha qu'il a réussi la prouesse de servir vingt-cinq ans à un seul poste au Burkina. En réalité, il ne devrait pas en être satisfait puisque son expérience ne se limite qu'au Sud-ouest. Demander au gouvernement de le ramener là où il a exercé pendant 25 ans, « c'est demander à un manchot de porter son courage à deux mains ».
Comme on le voit, dans les deux cas, le bras de fer est assez corsé et le syndicat devrait mettre un peu d'eau dans son vin. Car, depuis maintenant deux ans, de part et d'autre, le gouvernement et les syndicats font de gros efforts pour trouver des solutions aux préoccupations des travailleurs. Cela a d'ailleurs étéà plusieurs reprises, salué et par les syndicats eux-mêmes et par les organisations de la société civile et par bien d'autres partenaires. Le gouvernement a besoin des partenaires sociaux pour une bonne gouvernance. Il ne saurait en aucun cas travailler à les « fragiliser ». De leur côté, les partenaires sociaux doivent comprendre qu'on ne pourrait tolérer certains actes contraires à l'esprit républicain et à la cohésion sociale.
Admettons qu'à Séguénéga, les populations s'étaient soulevées contre les agents de Santé, ou avaient saccagé des locaux de service de santé ? Qui allait encore assurer la sécurité ? Cette grève pour sauver le Syntsha va nécessairement faire des vagues et même des morts. Qui en est responsable et qui en serait satisfait ?
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso