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Les tentations xénophobes de monsieur Ablassé Ouédraogo

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Trois jours après son investiture par son parti, « Le Faso Autrement » comme candidat à la présidentielle du 11 octobre 2015, Ablassé Ouédraogo a choisi d'entrer dans la campagne électorale de manière fracassante, négativement, par la diffusion d'idées vénéneuses.

Interrogé par nos confrères de Jeune Afrique sur ses atouts dans la course vers Kosyam, voici sa réponse : « J'ai trois atouts principaux. Je suis Moagha du plateau central, et les Mossis sont une forte composante du Burkina Faso. Je suis aussi musulman, ce qui n'est pas rien dans un pays où 70% des gens le sont également. Enfin, comme je vous l'ai dit, j'ai un vaste réseau de relations utiles dans le cadre de la diplomatie de développement que nous souhaitons mettre en place ». Des propos d'une extrême gravité qu'on se demande si l'ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré les a vraiment tenus et si oui, dans quel contexte ?

Joint au téléphone hier en début de soirée, l'intéressé ne nie pas avoir tenu de tels propos qui indignent l'opinion nationale, mais il précise que « JA va apporter une rectification sur son site ce soir même », avant d'ajouter, comme s'il s'était senti piégé : « Ce n'est que le début ; il y en aura d'autres ». Sauf que jusqu'à ce matin, cette rectification n'avait pas encore été publiée. On ne sait donc pas quel est le contenu de cette rectification, mais dans tous les cas, on peut douter que ce qui ressemble bien à une opération de sauvetage puisse encore lui éviter la noyade politique.

D'abord, ses propos, d'une évidente sottise, sont prohibés par l'article 13 de la constitution, lequel stipule que « tous les partis ou formations politiques sont égaux en droits et en devoirs. Toutefois, ne sont pas autorisés les partis ou formations politiques tribalistes, régionalistes, confessionnels ou racistes ». Entamer une campagne électorale, non sur un projet de société, mais sur ce que notre loi fondamentale réprime, en l'occurrence, l'appartenance à une ethnie et à une confession religieuse, c'est exposer son parti à une dissolution pure et simple et à une interdiction de sa candidature.

Ensuite, politiquement, Ablassé Ouédraogo prend le risque de se disqualifier dans la course à la présidentielle, ses « atouts »étant, du point de vue démocratique, des antivaleurs. Il ne s'agit pas de céder à un angélisme mensonger qui ferait croire que le facteur ethnique et religieux n'influence pas le vote dans notre pays. Le faible niveau de conscience citoyenne d'une grande partie de l'électorat burkinabè ne laisse aucun doute sur les motivations de vote de millions d'électeurs au moment de glisser le bulletin dans l'urne. Mais qu'un homme politique de sa trempe, ancien ministre des Affaires étrangères, ex-directeur général adjoint de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ancien conseiller du président de la Banque africaine de développement, cherche à gagner des voix en allant barboter dans les instincts des électeurs est quelque chose de désarmant.

A croire qu'il a renoncé en tant que membre de l'élite burkinabè, à tirer notre peuple vers le haut et àœuvrer à l'avènement d'une nation en contribuant à l'arrachement de ses compatriotes à l'immédiateté pour les projeter vers un destin commun. A croire aussi, qu'il a vite oublié le sens de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 dont il a été pourtant un des acteurs, qui était de permettre l'alternance démocratique par le respect des dispositions constitutionnelles.

En précisant qu'il est un « Moagha du plateau central », donc en opposition au Moagha qui n'est pas du plateau central, le natif de Dabaré, dans la province d'Oubritenga, opère une distinction qui peut être mal comprise, car polysémique. Dans notre pays, le militantisme politique a toujours reposé sur des affinités idéologiques, jamais sur des bases régionalistes ou ethniques. Il faut veiller à garder et à protéger cet héritage qui nous préserve du fléau des querelles tribales.

Il est réconfortant de voir que les propos de Ablassé Ouédraogo ont suscité une réprobation générale, aussi bien des acteurs politiques que des citoyens. A l'orée de la campagne électorale, cette veille citoyenne doit être renforcée afin de tuer dans l'œuf, les idées divisionnistes que des pyromanes chercheraient à propager.

Accordons au président de « Le Faso Autrement », le bénéfice du doute. Sa langue a peut-être fourché ; les mots ont certainement dépassé sa pensée. Encore dans l'euphorie de son investiture, il a manqué de vigilance. Il a encore le temps de rectifier le tir, en s'expliquant publiquement. Au risque de disparaitre de la scène politique burkinabè post-insurrectionnelle.

Joachim Vokouma
Lefaso.net (France)


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