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Alfred Nikièma : De l'école soviétique à la direction de la télévision nationale

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La télévision nationale du Burkina a un nouveau directeur. A 50 ans bien sonnés, Alfred Nikiema remplace Pascal Yemboini Thiombiano. Issu de l'école soviétique, et adepte du travail bien fait, l'ex-rédacteur en chef de la RTB/Télé devra désormais conduire les destinées de « la chaine au cœur des grands évènements ». En attendant de le voir à l'œuvre dans le domaine du management des hommes, voici qui est le journaliste Alfred Nikièma.

Alfred Nikièma a suivi une série scientifique au secondaire. Mais, il avait plus de prédispositions littéraires. C'est d'ailleurs un Baccalauréat littéraire qu'il décroche en 1987 en tant que candidat libre. Il postule et obtient une bourse soviétique en 1988. La première année fut consacrée à l'apprentissage du russe, puis l'allemand au Kazakstan. Et, direction Leningrad (actuel Saint Petersbourg) d'où il sort avec un « Master of Arts ».

Nanti de son master of arts et d'un certificat permettant d'enseigner le russe, Alfred Nikiéma rentre au pays. Malheureusement, le russe n'est plus enseigné au Burkina Faso. Commence alors la chasse à l'emploi. Il se fait délivrer une carte de demandeur d'emploi par l'ONPE (office nationale pour la promotion de l'emploi). Il obtient un premier stage au journal « La Clé». Pas concluant. Il dépose son dossier à la télévision nationale du Burkina (TNB). Après 20 jours d'attente, il est appelé pour un stage non rémunéré qui commence le 03 janvier 1995. Il y passe une année et demie, dans la galère, comptant quelquefois sur la solidarité des ainés dont il ne cesse d'ailleurs de louer la générosité.

Le stage arrive à expiration. Inoussa Kinda et Rodrigue Barry (le rédacteur en chef et son adjoint) lui suggèrent de renouveler. Ce qu'il fit sans hésiter. Puis, le besoin de journalistes-pigistes se fait sentir. Alfred est retenu avec un salaire de 30 000f/mois. Une maigreur. Mais, « quand il y avait des avantages (voyages par exemple), pour peu que tu travailles bien et que tu produises de bons résultats, les anciens n'hésitaient pas à nous envoyer sur le terrain pour qu'en plus de se faire la main, qu'on puisse se faire un peu d'argent », se souvient-il, reconnaissant.

Puis, les portes s'ouvrent, grandement. Une mesure spéciale de recrutement est lancée en 1998. Alfred Nikiema est admis et intégréà la fonction publique une année plus tard. Rédacteur, présentateur d'émissions, coordonnateur de manifestations, présentateur de journal, il passe par toutes les étapes. Il est même considéré aujourd'hui comme une référence pour les jeunes.

« Moi, à la présentation ? »

Alfred Nikiéma commence la présentation du journal en 2000. Mais déjà, il appuyait Auguste Bambara dans l'émission «ça tourne ». Il était pourtant loin de s'imaginer sur le plateau d'un journal télévisé. En tout cas, pas de si tôt. Lorsqu'on l'informe qu'il passera à la présentation, sa réaction est : « Moi à la présentation ? ». Se disant que la présentation nécessitait un faciès, une tenue, une diction, Alfred n'est sûr d'avoir que le troisième atout. Pas de chef d'édition à l'époque, pas de prompteur non plus. Alors, il commence par s'entrainer à la maison devant un miroir. Enfin, le jour tant attendu arriva. « C'était un samedi, 22h30 », se souvient-il. Une heure avant l'heure du journal, Inoussa Kinda arrive, jette un coup d'œil sur ses lancements et dit : « c'est bon, mais si tu ne peux pas, laisse je vais présenter ce soir et demain ; et après tu vas commencer. Est-ce que tu pourras ? ». « Ah, tant que je suis là, je vais y aller », répond-il, quelque peu inquiet mais décidéà affronter le stress qui commençait à le ronger depuis que Benjamine Douamba l'avait annoncé au téléspectateur à la fin du 20h.

Peu nanti, il se pare d'une veste de fortune qu'il avait acquise à peu de frais devant la maison du peuple. A la fin du journal, tonnerre d'applaudissements de l'assistance. Ouf ! Le nouveau présentateur vient de réussir à son examen de passage. Du 22h30, il passe au 13h15, puis au 20h, il y a déjà plus de 8 ans. Aujourd'hui, avec Adjima David Thiombiano et Mamadou Ali Compaoré, ils sont les seuls hommes àêtre dans le cercle des présentateurs du 20h. Mais, Alfred se singularise dans sa présentation par les faits de société suivis de citation qu'il sert aux téléspectateurs à la fin de ses journaux.

Les faits de société, « la poursuite de l'œuvre de mes parents » En plus de l'information, la presse a aussi un rôle d'éducation et de sensibilisation. Pourtant, nombre de gens se détournent dès que commence le générique du journal de la RTB/télé, reprochant à la chaine nationale de ne proposer que des ouvertures et clôtures d'ateliers et de séminaires. Le fils d'enseignants décide alors d'apporter sa touche. « A défaut d'aller à l'enseignement, ma touche serait de pouvoir faire tirer les enseignements de ce que je donne comme information », confiait-il. Alfred s'est inspiré de certains ainés dont Mamoudou Ouédraogo (ex-ministre de la culture) qui terminait ses journaux par des proverbes. Ainsi, pour intéresser aussi bien l'institutionnel que le citoyen lamda, il trouve des choses qui amusent parfois et irritent souvent. « Je me suis dit qu'il faut souvent choquer pour pousser les gens à réfléchir, mais ce n'est pas intentionnel si je blesse des gens », avouait-il.

Mais comment arrive-t-il à toujours proposer du neuf aux téléspectateurs ? « Je n'invente rien », assure-t-il. Il utilise Internet pour les faits de société. Quant aux citations, « j'en ai tellement lues…», car durant ses études en URSS, l'environnement était hostile. Les bibliothèques étaient les lieux les plus sûrs. Mais, l'amour de Alfred Nikiéma pour la lecture a commencé bien avant. Depuis l'école primaire.

L'amour de la profession de journaliste

Issu d'une famille d'enseignants (de père et de mère), Alfred Nikiema attrape très tôt le virus de la lecture. « Dès l'âge de 10 ans, je lisais Afrique Nouvelle, journal qui paraissait à Dakar auquel mon papa était abonné». Directeur d'école, son père assurait aussi la gestion d'une bibliothèque bien garnie. La lecture était donc une obligation. Même, et surtout pendant les vacances. « Avec la profession que j'ai embrassée, je suis obligé de lire. Le journaliste devant être éclairé», soutient-il.

En URSS, Alfred Nikièma avait la possibilité de changer de domaine de formation. Emerveillé, le doyen de l'université avait donné cette faveur aux étudiants burkinabè qui étaient de « vrais bosseurs ». Certains de ses camarades se sont formés dans des domaines où ils ne semblaient pas avoir le profil. Mais, « ils sont excellents sur le terrain ». Mais, Alfred n'a pas voulu parce que, se plaisant à rencontrer et discuter avec les gens, à voyager à travers le monde… Le journalisme lui a permis de découvrir l'Europe orientale et occidentale, l'Amérique, l'Asie et l'Afrique mais aussi et surtout le Burkina profond. De part cette profession, il dispose d'un carnet d'adresses assez fourni. De quoi se satisfaire. Une satisfaction confortée par la décoration de chevalier de l'ordre du mérite qu'il a reçue le 08 décembre 2010. Ce qui l'incite à cultiver davantage l'excellence.

« Il nous faut un ordre des journalistes »

Alfred se plait en journalisme, néanmoins, il demande un d'accompagnement conséquent. Pour répondre à la rigueur du téléspectateur qui ne fait pas souvent de différence entre l'individu et la société dans laquelle il travaille, Alfred demande l'indulgence. « La source de l'information n'est pas toujours accessible et on dit que les journalistes ne fouillent pas assez », regrette-t-il. Mais, il déplore encore plus « ces parasites » qui ternissent l'image du métier. Et là, il est très amer. « Ayez la décence d'aller faire une formation pour savoir ce qu'on doit dire et ce qu'on ne doit pas dire », implore-t-il. Avant d'ajouter : « il nous faut tôt ou tard un ordre des journalistes pour réglementer la profession ».

Alfred Nikiema souhaite un accroissement du nombre de femmes dans le journalisme, car certaines ont fait la preuve de leur compétence. « Il ne faut pas vous focaliser sur ce qu'on dit autour de vous, ayez une conduite, préservez votre dignité et surtout évitez la courte échelle », leur suggère-t-il. « Méfiez-vous des rumeurs, acceptez de vous former », conseille-t-il à ceux qui souhaitent embrasser le métier de journaliste. Ainsi, c'est cet amoureux du travail bien fait qui prend les commandes de la télévision nationale du Burkina. Depuis 2012, il occupait le poste de rédacteur en chef adjoint chargé des reportages.

Né en 1963 à Tougan de père et de mère instituteur, Alfred Nikiema est le 3e d'une fratrie de 9 enfants. Il est marié et père de deux enfants.

Moussa Diallo
Lefaso.net


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