
La SBDC ne voudrait pas répliquer en raison de la réaction du cabinet du Président du Faso sur ce qu'il est convenu d'appeler désormais l'ex- problème de la nomination des membres au conseil constitutionnel. Elle se félicite de la décision de la Présidence de reprendre sous forme de décret simple le décret en conseil des ministres. La présidence a assuré que « des décrets rectificatifs, sans contreseing du Premier ministre, seront pris qui ne concerneront que les seuls membres dont les nominations relèvent des prérogatives exclusives du Président du Faso ». La SBDC se félicite de la hauteur d'esprit des autorités qui entendent reprendre l'acte critiqué dans le sens souhaité par la SBDC. Cette reprise, si elle est correctement faite, enlèverait à l'acte de nomination ses graves inconstitutionnalités critiquées, ce qui est l'objectif final recherché par la SBDC.
Toutefois, la SBDC voudrait réagir conformément à la mission statutaire de pédagogie constitutionnelle qu'elle s'est donnée à l'endroit de ses multiples membres et de tous les citoyens burkinabè. Elle entend accomplir continuellement cette mission d'aiguilleur constitutionnel, surtout dans des situations où certains raisonnements risquent gravement d'induire le peuple en erreur sur la compréhension de son cadre de vie constitutionnel. Pour faire bref, la présente note se propose de relever, quelques grands points, d'impertinence de certains arguments avancés par ses contradicteurs.
I. L'objectif insaisissable des contradicteurs
L'exigence de la démarche scientifique est pour l'auteur d'une analyse, de préciser le postulat de départ. Les contradicteurs de la SBDC ont manquéà cette exigence de raisonnement scientifique.
Pour la SBDC, l'acte de nomination est anticonstitutionnel. Les interventions des contradicteurs avaient pour objectif de donner une autre lecture qui se veut différente de celle de la SBDC, c'est-à-dire logiquement défendre la constitutionnalité de l'acte de nomination. Signalons d'emblée que la Présidence du Faso vient de mettre dans le décor technique leur analyse, qui est pleine d'incohérences.
La SBDC constate que toutes ces belles démonstrations de ses contradicteurs aboutissent à la conclusion à laquelle elle est parvenue : l'inconstitutionnalité de l'acte de nomination. Par exemple Mr Sanwé Médard Kiénou et autres relèvent que « d'abord, il convient de faire remarquer que le plus sérieux problème de légalité ou de constitutionnalité posé par le décret est passé inaperçu ou en tout cas sous silence dans le « réquisitoire » dressé par la SBDC. En effet, s'il y a un problème de légalité du décret, il se pose plutôt quant au mandat attribué par celui-ci au membre nommé en remplacement du défunt juge Salifou Nébié…»
Si le Dr Illy n'enfourche pas la même trompette, il tire prétexte de la sortie de la SBDC pour critiquer d'une part, le gouvernement de la Transition sur la gestion des dirigeants des établissements publics et sociétés d'Etat, et d'autre part la nomination du président du Conseil constitutionnel. Chacun peut constater que ces contradicteurs, tout en voulant contester la SBDC, n'ont fait que donner raison à la SBDC qui a bien relevé« la violation itérative de la constitution » par certaines autorités de la Transition. Merci de ce renfort, même s'il est involontaire.
II. La défense d'une catégorie juridique désuète
Une chose est sure, l'équipe de monsieur Kiénou a très mal lu l'arrêt Dame Ba. Nulle part dans le seul considérant de l'arrêt, le conseil d'Etat n'a fait référence à la notion d'acte de gouvernement. Si Médard et autres avaient eu la patience de lire les conclusions du commissaire du gouvernement, ils auraient compris toute la portée de cet arrêt sur l'impertinence de leur argumentaire relatif aux actes de gouvernement. Dès lors qu'il a plu à l'équipe de monsieur Kiénou de reconnaître l'inconstitutionnalité du décret de nomination, il eut été logique de situer les non-juristes sur les conséquences juridiques à en tirer.
Le Dr Sanwé Médard Kiénou et autres affirment qu'au sujet de « l'attaquabilité du décret présidentiel », « si par pure hypothèse et par impossible, on considère qu'une telle requête était recevable, son sort ne sera nullement meilleur ». Une telle conclusion parait effrayante. Puisque leur lecture « n'a pas pour objet de soutenir de quelque manière que ce soit les autorités de la transition », faut-il en conclure que les Burkinabè doivent continuer d'accepter ces inconstitutionnalités ? La défense d'une telle position par « Certains de ses signataires qui sont plutôt critiques à l'égard du processus en cours » est surprenante.
Les contradicteurs doivent bien savoir qu'il n'est plus acceptable de ressasser de vielles théories. A lire l'argumentation de monsieur Kiénou et autres sur les actes de gouvernement, la SBDC s'interroge sur ce que les moniteurs enseignent dans les travaux dirigés de droit administratif de deuxième année. L'affaire dame Ba avait pour finalité d'obliger le juge administratif à abandonner la catégorie des actes de gouvernement qui fonde un déni de justice (Favoreu, 1964). Ces juristes savent pertinemment que cette pauvre dame n'était pas si naïve en attaquant le décret de nomination d'un membre du Conseil constitutionnel. Monsieur Kiénou et sa suite semblaient vouloir administrer un cours sur la théorie des actes de gouvernement : on lit que « l'acte de gouvernement est une limite à la compétence des juridictions administratives… Une action visant à attaquer ce décret en justice ne peut donc porter fruit ».
Sans vous manquer de respect, chers contradicteurs, la SBDC vous invite à lire l'affaire ayant conduit à la décision du Conseil constitutionnel français sur la liberté d'association du 16 juillet 1971 (GAJA, 2013, 331). La SBDC vous prie de bien vouloir maîtriser l'action entreprise par Simone De Beauvoir et M. Leyris fondateurs de l'association des « Amis de la cause du peuple ».
Du reste, il convient de situer le public sur la question de l'acte de gouvernement, parce que les développements des contradicteurs risquent d'entrainer la perdition intellectuelle. La chambre administrative de la Cour suprême du Burkina Faso (ex Haute Volta) écrivait dans sa décision du 8 juillet 1983, Garango Marc et autres, que « sur le moyen d'incompétence opposée à la cour par le défendeur au motif que la décision attaquée constitue un acte de gouvernement s'imposant au juge administratif qui se trouve dès lors incompétent pour statuer aussi bien sur la légalité des motifs que sur les buts poursuivis par l'autorité de décision ; attendu que la théorie classique de l'acte de gouvernement est unanimement rejetée de nos jours, où seules deux séries de mesures, à savoir les actes concernant les rapports du gouvernement avec le parlement et ceux qui se rattachent directement aux relations du gouvernement avec les puissances étrangères ou les organismes internationaux constituent des actes de gouvernement…».
Chacun peut constater qu'en excipant de l'argument fondé sur les actes de gouvernement, les contradicteurs ne sont pas à jour de l'état actuel de la question en droit burkinabé. La SBDC les exhorte à améliorer leurs connaissances, en l'occurrence en droit administratif et en droit constitutionnel, pour contribuer au bon éclairage du peuple burkinabè
En attendant de vous inviter à bien relire la portée de l'arrêt dame Ba, la SBDC vous prie de bien lire ces mots du Pr Jacques ROBERT : « Quant à considérer la décision de nomination, par le Président de la République, d'un membre du Conseil constitutionnel comme un "acte politique", on nage en pleine confusion. Comment admettre que se situe dans les ‘‘matières de gouvernement " une désignation personnelle faite, discrétionnairement par le chef de l'État, sans obligation de contreseing ? On rappellera en effet que parmi les actes du Président de la République dispensés de contreseing, tels qu'ils sont énumérés par l'article 19 de la Constitution, figurent les nominations des membres du Conseil constitutionnel (prévus à l'article 56). On notera qu'il s'agit là d'une nomination à la plus haute juridiction du pays par le Président seul. Comment et à quel titre le gouvernement pourrait-il être ou se sentir concerné ? ». C'est clair et nette, la SBDC vous laisse prendre bonne leçon, pour ne plus penser que l'acte de nomination de membres du conseil constitutionnel par le Président de la République est un acte de gouvernement.
III. La confusion entretenue sur la distribution des pouvoirs
Quand on a évoqué la théorie de l'acte de gouvernement pour justifier une cause, on s'étonne que l'on développe des arguments tendant à nier la séparation des pouvoirs. Or cette théorie se nourrit de ce principe, et tous les juristes dotés du minimum de logique le savent.
La SBDC réitère son propos sur la question de la séparation des pouvoirs : le Président du Faso a empiété sur la compétence du président du CNT. Les contradicteurs ont un point de vue différent. Pour eux, il n'y a pas usurpation du pouvoir du président du CNT par le Président du Faso. Pour monsieur ILLY, à sa « connaissance cela n'est pas le cas, et ici il y a simplement une double nomination d'une même personne, due certainement à une absence de coordination entre les deux institutions.
Il estime que c'est une erreur plutôt « administrative » et on ne peut y voir une violation du principe de la séparation des pouvoirs ». Pour monsieur Kiénou et autres «…ni la constitution ni la loi organique sur le Conseil constitutionnel n'imposent au Président du Faso une procédure particulière de nomination, impliquant par exemple une interdiction de délibération en conseil des ministres avant de prendre l'acte de nomination.
Aucune défense itérative de consulter n'est faite aux autorités de nomination et le Président est bien libre de consulter qui il veut y compris ses ministres. En l'espèce, la délibération en Conseil des ministres apporte même plus de légitimitéà l'acte qu'elle ne lui enlève sa légalité, sa constitutionnalité». En plus de ce que la réaction de la Présidence du Faso classe en hors jeu scientifique ces thèses des contradicteurs, trois points méritent clarification.
Le premier est relatif à l'erreur administrative de monsieur Illy à laquelle lui n'arrive pas à voir une violation du principe de la séparation des pouvoirs. L'étudiant et le citoyen se perdent lorsqu'un de leurs enseignants qualifie l'exercice de la compétence du Président du CNT par le président du Faso d'erreur administrative.
ILLY estime que n'ayant pas « connaissance d'une plainte du Président du CNT faisant état d'un quelconque accaparement de son pouvoir de nomination par le Président du Faso, et en tout état de cause, la nomination de la même personne par les deux personnalités ne signifie pas a priori que l'un (à savoir le Président du Faso) a usurpé le pouvoir de l'autre ». Tout juriste, même de niveau moyen, sait que l'absence de la plainte de la victime d'une violation n'enlève rien à l'irrégularité de l'acte. Au surplus, il n'appartient pas à un juriste de justifier une anormalité au motif qu'elle serait insignifiante.
Ces contradicteurs inquiètent par leurs développements sur la répartition des compétences. On peut lire du Dr IllY à propos du décret en Conseil des ministres que « la nomination de la même personne par deux personnalités ne signifie pas a priori que l'un (e) a usurpé le pouvoir de l'autre ». De l'équipe du Dr Kiénou, on note que « ni la constitution ni la loi organique sur le Conseil constitutionnel n'imposent au Président du Faso une procédure particulière de nomination ». Chers contradicteurs, permettez aux non-juristes de comprendre le fonctionnement des institutions en leur explicitant la logique ayant présidéà leur création. A propos de l'exercice de la fonction présidentielle, il est distingué deux compétences, à savoir les pouvoirs propres et les pouvoirs partagés.
Les pouvoirs propres, relève le Pr Soucramanien (2014, p. 425), sont une catégorie nouvelle de la Ve République française qui confère au président, clé de voûte des institutions, le pouvoir de décider seul. Selon cet auteur, ce pouvoir est une innovation capitale, car sous la troisième et la quatrième Républiques, le président ne pouvait prendre aucun acte sans que celui-ci soit contresigné par le Premier ministre et les ministres responsables.
Il s'agit encore selon Favoreu et autres, des attributions constitutionnelles du Président « dispensées du contreseing » (Favoreu et autres, 2009 aux pages 675 à 682). Ces références démontrent la véracité et l'actualité des propos de la SBDC et de la notion de « pouvoirs propres ».
Selon Monsieur ILLY, la notion de pouvoirs propres « est désuète et en déphasage avec les aspirations des populations d'aujourd'hui ». Il nous plaît de lui rappeler qu'il n'ignore que l'une des raisons d'être même d'une Constitution est d'opérer une répartition des pouvoirs entre différentes autorités dans l'Etat, suivant la théorie de la séparation des pouvoirs (Voir MONTESQUIEU, « L'esprit des lois », Chapitre V, Livre XI), en déterminant des champs de pouvoirs propres et des champs de pouvoirs partagés (lire TRIBE « American Constitutional Law », p. 18 et ss.).
Donc la notion de pouvoirs propres ne disparaîtra jamais de la régulation normative et du fonctionnement institutionnel de l'Etat. Il n'est pas exact d'affirmer que les présidents modernes n'ont pas de compétences propres. Ce n'est vrai ni dans les démocraties en construction, ni dans celles développées. Vous en tirerez vous-mêmes la conclusion sur le point de savoir celui qui fait des analyses « désuètes et en déphasage » avec le droit en vigueur.
IV. La contestabilité de l'argumentaire sélectif sur la nomination des retraités
L'équipe du Dr Kiénou critique la SBDC sur l'argumentaire développé relativement à la désignation de conseillers à la retraite. Ils écrivent que « S'agissant de l'âge des personnes nommées, il est reproché aux autorités de nomination d'avoir porté leur choix sur des retraités…, et plus fondamentalement, aucun critère d'âge n'est imposé aux autorités de nomination aux termes de la Constitution ainsi que de la loi organique sur le Conseil constitutionnel ».
Il nous plaît de dire que ce propos est un mauvais procès à la SBDC et il dissimule mal l'intention qui le sous-tend. Non ! Messieurs, le tri sélectif dans l'argumentaire n'est pas scientifique. Ce n'est pas la SBDC, mais ce sont les responsables politiques qui ont avancé officiellement l'âge pour justifier le départ à la retraite du président du Conseil constitutionnel D. Albert Millogo. Tout commentaire supplétif devient inutile.
Enfin, les contradicteurs estiment que la nomination du Président du Conseil constitutionnel par le Président du Faso est contraire à la Constitution, et qu'il aurait dûêtre élu par ses pairs. La SBDC doit préciser que c'est dans le nouveau format du Conseil constitutionnel que le Président de l'institution devrait être élu par ses pairs. Ce format est celui qui résulte des révisions constitutionnelles de 2012, dans lequel format le Président du Sénat devrait nommer trois membres et le Conseil constitutionnel devrait comporter 12 membres. En l'absence de la mise en place du Sénat, ce format n'a pu être réalisé.
Tous les constitutionnalistes sérieux qui ont suivi l'évolution des réformes constitutionnelles depuis 2012, savent que l'article 78 de la Constitution qui pose que « L'Assemblée nationale assume la plénitude des attributions du parlement jusqu'à la mise en place effective du sénat » suspend ce nouveau format, en attendant sa réalisation ou sa suppression ou encore sa révision. Donc, en l'état actuel du droit constitutionnel burkinabè, le Conseil constitutionnel fonctionne sous l'ancien format, dans lequel il comporte 10 membres et son Président est nommé par le Président du Faso. Le Président du Faso n'a donc commis aucune inconstitutionnalité dans la nomination du Président du Conseil constitutionnel (v° A. Soma, La constitution du Burkina Faso, 2014).
La SBDC invite les citoyens intéressés à se cultiver sur la matière constitutionnelle pour une meilleure santé du débat constitutionnel et une correcte information du peuple en matière de droit constitutionnel. La SBDC reste accessible et disponible pour ce faire.
La SBDC
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